C’est notre fébrilité lors des trente premières minutes de la série The Last of Us qui confirme instantanément que l’adaptation est réussie : que l’on ait joué ou non au jeu d’origine, la tension dramatique est déjà là, les frissons, le cœur battant. Les minutes et les épisodes que l’on a vus ensuite le confirment, la série de HBO mise sur le même mécanisme que l’œuvre originelle de Naughty Dog : le choc humain de situations extrêmes, l’effondrement qui confère à l’intime et un voyage davantage qu’une destination.
Lors de son lancement sur les consoles PlayStation en 2013, The Last of Us a marqué profondément les esprits. Au commencement de ce voyage, la civilisation s’est effondrée à la suite d’une pandémie transformant les trois quarts de l’humanité en zombies (en « infectés », plus précisément). Vingt ans plus tard, Joel, mercenaire, se voit confier la protection d’une importante enfant, Ellie. S’entame alors un road trip post-apocalyptique d’une puissance hors du commun.
Cette œuvre culte connaît dorénavant une nouvelle vie en série made in HBO, dont le premier épisode sera disponible en France dès ce lundi 16 janvier 2023, sur Prime Video. Après seulement trois épisodes visionnés en avant-première, nous ne parvenons pas à attendre la fin de notre visionnage complet pour vous en dire quelques mots. Voici notre avis à chaud, sans spoilers, sur le début de saison.
HBO mise sur la patte artistique pour s’émanciper du jeu
Adapter un jeu vidéo est réputé quasi infaisable — Tomb Raider, Uncharted, Assassin’s Creed et bien d’autres licences y ont laissé de plumes. Mais l’approche de Craig Mazin et Neil Druckmann, pour cette série HBO, change la donne, en misant sur la patte artistique : cette version de The Last of Us est avant-tout une œuvre d’art en tant que telle dans sa cinématographie. Davantage qu’une adaptation, c’est une proposition. Radicalement époustouflante dans sa direction artistique, et bouleversante dans l’interprétation, la série atteint avec justesse nos yeux et nos tripes. C’est beau, purement et simplement, tant dans les tableaux post-apocalyptiques que les personnages qui les composent.
Portée par un rythme lent, où l’action est peu présente et relève plutôt de moments de tension, The Last of Us est une série d’auteur. Elle n’essaye jamais de divertir ni de raconter : elle montre. C’est là, d’ailleurs, que l’adaptation parvient aisément à s’émanciper du jeu. Rien qu’avec les trois premiers épisodes, l’œuvre de HBO plonge déjà dans des arcanes insoupçonnés de l’univers de The Last of Us, jamais évoqués dans le jeu, et réécrit certaines destinées. Et ce, tout en suivant pourtant trait pour trait la trame narrative du jeu ou encore son esthétique propre — avec la même musique ou encore des « infectés » comme tout droit sortis du jeu (et qui accélèrent franchement notre rythme cardiaque).
La série reprend à merveille tant les codes du cinéma de road trip que ceux de l’imaginaire post-apo, mais avec une dimension sociétale de gestion de crise. À l’échelle du début de saison, la série accomplit déjà la promesse de nous inclure davantage dans l’effondrement du monde, grâce à une récurrence de flashbacks visant à éclairer tant le cordyceps (le champignon à l’origine de cette pandémie) que le passé de certains personnages. L’épisode 3 prend d’ailleurs de court en retraçant, sur 1h15, de manière quasi confinée, près de 20 ans de vie de couple post-apocalyptique pour deux personnages peu développés dans le jeu, Bill et Frank. On comprend dès lors que la série mise entièrement sur l’écriture intimiste.
Pedro Pascal, Bella Ramsey et Anna Torv : un casting idéal
Enfin, s’il y a bien une case que l’on peut cocher après seulement trois épisodes visionnés, c’est la qualité du casting. Pedro Pascal fait preuve d’une maturité à couper le souffle dans son interprétation. Bella Ramsey, quant à elle, a un talent tout aussi certain : elle capture toute l’attitude d’Ellie. Elle est Ellie, il ne fait aucun doute. En début de saison cependant, il nous manque encore de découvrir des aspects plus tendres de la personnalité de son personnage — après 3 épisodes, Bella Ramsey a montré les aspects les plus durs et insolents de l’héroïne, pas encore ses faiblesses et sentiments plus profonds. Mais la relation entre les deux personnages commence tout juste, à ce stade, et c’est bien cette relation qui fait apparaître l’humanité profonde de chacun d’eux.
Le plaisir de retrouver Anna Torv au casting, plusieurs années après Fringe, n’est pas des moindres. Totalement émancipée de son personnage du jeu, elle confère à Tess une complexité humaine insoupçonnée.
Alors, comment on se sent après 3 épisodes de The Last of Us ?
Les souvenirs du jeu sont très difficiles à concurrencer quand on a été chamboulé par l’aventure d’Ellie et Joel. Quand on y a joué, donc, la série peut sembler légèrement moins saisissante que ces souvenirs. Il est évident aussi que, pour une telle histoire, il y a une part de transcendance narrative : l’œuvre originelle échappe à tout contrôle, surprend, trouve sa force en des paramètres insoupçonnés par ses créateurs. Là où une adaptation est généralement affadie par les nombreux bagages ou encore les attentes déjà présentes en amont. Et cette adaptation n’échappe pas entièrement à ce poids. Mais ce, dans une moindre mesure.
La série de HBO est d’une grande beauté, indépendamment même de son statut d’adaptation, car elle ne cherche ni à créer du neuf, ni à réitérer la même expérience. C’est pour cela qu’elle se distingue. Finalement, The Last of Us ne souffre pas de la comparaison avec The Last of Us ; ce ne serait faire honneur ni au jeu, ni à la série. Une même histoire, un même duo… pour deux œuvres à l’approche, aux ressorts narratifs et aux émotions très différentes, mais toujours aussi bouleversantes dans la représentation de la survie.
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