Avec Avatar : La Voie de l’Eau, James Cameron livre un grand film écologique, construit autant comme un conte que comme du grand spectacle. Mais le message d’Avatar 2 est-il cohérent avec la façon dont il a été produit ? La réponse est oui — à ceci près que c’est pour la promotion que le bât blesse.

À l’image d’Avatar, et peut-être plus encore, sa suite Avatar : La Voie de l’Eau est un chef-d’œuvre. La beauté visuelle n’est pas la seule raison, car c’est aussi dans l’écologie que ce second opus brille d’intelligence et de poésie. Ce constat est particulièrement rare à l’échelle de blockbusters.

Une question peut alors légitimement se poser : les coulisses de tournage, de production et de promotion du film sont-ils cohérents avec les messages du film ? La réalité est meilleure que ce que vous pouvez imaginer… mais n’est pas épargnée par quelques paradoxes.

Une production « zéro carbone »

Assez tôt par rapport aux usages, James Cameron a milité pour l’usage de drones, plutôt que d’hélicoptères, pour tourner les scènes aériennes. Mais le réalisateur s’est aussi engagé, dès 2012, dans une tâche ambitieuse : produire les suites d’Avatar à l’énergie propre.

Kiri, la fille de Neytiri et Jake, dans Avatar 2. // Source : Avatar : La Voie de l'Eau
Kiri, la fille de Neytiri et Jake, dans Avatar 2. // Source : Avatar : La Voie de l’Eau

L’objectif : réduire l’empreinte carbone d’Avatar 2 et d’Avatar 3, voire atteindre un bilan zéro carbone, concernant en tout cas la réalisation des films. Il détaillait alors durant un reportage de l’époque : « Je ne veux pas que les gens puissent venir me voir à la sortie en me disant ‘vous êtes un écologiste faisant un film sur comment on devrait se comporter et pourtant vous utilisez toute cette énergie pour alimenter ces ordinateurs’. J’ai entendu cette critique, quand on a fait le premier film, donc on a fait quelque chose pour ça. »

Il y a dix ans de cela, donc, James Cameron s’engageait dans la construction de panneaux solaires pour le studio principal de tournage et de production de sa saga — afin que cette énergie solaire alimente en électricité les ordinateurs et les systèmes de capture de mouvement.

« Nous avons fait installer un mégawatt de panneaux solaires sur le toit de notre studio »

James Cameron

C’est donc ainsi que La Voie de l’Eau, et le troisième opus pour 2024, ont été réalisés. « Nous avons établi très tôt quelle serait la quantité d’énergie nécessaire et, à la suite de ces études, nous avons fait installer un mégawatt de panneaux solaires sur le toit de notre studio. Non seulement ils ont fourni l’énergie nécessaire pour tous nos ordinateurs et nos serveurs, mais nous avons obtenu en prime un surplus que nous avons pu vendre aux Manhattan Beach Studios », rappelait récemment le réalisateur, au magazine Trois Couleurs. « C’était donc une très bonne affaire financièrement, en plus de nous garantir une empreinte carbone négative. »

Des repas végans sur le tournage

La mise en pratique des messages du film ne s’arrête pas là. Avatar : La Voie de l’Eau aborde la protection des espèces — un propos d’autant plus pertinent à l’époque de la 6e extinction de masse causée par les activités humaines. Si James Cameron est végan (non-consommation de tout produit de provenance animale), qu’en est-il des tournages ?

Les espèces marines de Pandora sont à l'honneur dans cette suite // Source : Avatar La Voie de l'Eau
Les espèces marines de Pandora sont à l’honneur dans cette suite // Source : Avatar La Voie de l’Eau

Là encore, le réalisateur a impulsé une mise en cohérence : l’intégralité des repas servis dans les selfs des studios étaient des plats végans. Pour tous les studios, toutes les régies, toutes les sections de capture de mouvement — bien que tout le monde était évidemment libre d’aller manger ailleurs que dans ces cantines.

« Nous devons vivre nos vies, en tant que personnes travaillant sur ces films, en cohérence avec le message des films. »

James Cameron

Il a expliqué à Deadline : « Je me suis assis avec toute l’équipe — environ 130 personnes alors — et j’ai dit : ‘Ces films, nous ne les faisons pas seulement pour gagner de l’argent ou pour faire des images cool et imaginatives avec des animations incroyables. Nous les faisons dans un but plus élevé, parce qu’ils signifient quelque chose. Et nous devons agir en conséquence. Nous devons vivre nos vies, en tant que personnes travaillant sur ces films, en cohérence avec le message des films. Nous allons donc tous manger végan sur cette production.’ Vous auriez pu entendre une épingle tomber dans une pièce de 130 personnes. »

La limite : la promotion du film ?

Voilà qui dresse un tableau assez positif des coulisses d’Avatar 2 et d’Avatar 3 en matière d’empreinte environnementale. Un élément reste toutefois encore en suspens dans l’équation : la promotion du film. C’est là que le bât blesse pour un blockbuster. Évidemment, il y a l’ensemble des trajets, en avion notamment, entrepris par l’équipe du film. S’ajoutent les écrans publicitaires. Et la liste de ces ingrédients pourrait être plus longue.

Le clan Metkayina est le peuple maritime de Pandora. // Source : Avatar 2
Le clan Metkayina est le peuple maritime de Pandora. // Source : Avatar 2

Mais ce qui a le plus attiré l’attention des fans de la franchise est une vidéo prise au Japon, début décembre, où l’équipe du film (dont James Cameron) assiste à un spectacle promotionnel impliquant des dauphins captifs. Or, le Japon est réputé pour sa cruauté dans la capture de cette espèce. La situation contrevient pleinement aux idées de James Cameron et à ce que défend le film. Une phrase du réalisateur semble d’ailleurs teintée à demi-mot de son propre malaise : « Je suis sûr que tout le monde leur a demandé la permission pour les intégrer au spectacle… J’aime ces animaux, j’aime leur intelligence. »

Qu’en est-il de la cohérence sur laquelle le réalisateur a tant travaillé pendant 10 ans ? La réalité derrière cette séquence est assez limpide : l’équipe n’a pas eu son mot à dire. La distribution est gérée à l’échelle du studio de production (20th Century Fox / Disney) et les événements auxquels assister sont contractuellement imposés. Il semblerait que personne, au département marketing, n’ait perçu (ou eu envie de percevoir) l’absurdité de la situation. Si le studio est peut-être prêt à concéder des efforts dans le processus de création, étant donné le poids de Cameron à Hollywood, les enjeux financiers pour la réussite du film en salles sont une tout autre histoire. Et l’Asie est un marché conséquent.

Il y a d’ailleurs un passif en la matière, puisqu’on sait que James Cameron et la Fox s’étaient déjà opposés par le passé. Un cadre de la production aurait demandé, pour le premier film, à ce que le message environnemental soit tout bonnement… supprimé. « Il y avait une inquiétude, concernant Avatar, que les thèmes environnementaux — explorés à un niveau profond et spirituel — nuisent au film. Quelqu’un à la Fox, qui n’est plus là aujourd’hui, a dit : ‘Y a-t-il un moyen de réduire ces conneries de New Age, d’écologistes et de hippies ? », relatait-il en 2011.

Alors : Avatar, blockbusters écolo ou non ?

Indéniablement, Avatar 2 : La Voie de l’Eau est d’autant plus unique en son genre que la dimension écologique au cœur du film est cohérente avec son processus créatif — tout du moins en partie (ce qui est déjà beaucoup pour un blockbuster mettant en jeu des dizaines de millions de dollars). Il est donc vrai que James Cameron a su changer les choses et pousser la logique aussi en coulisses.

Le biome de Pandora fait rêver. // Source : Avatar 2
Le biome de Pandora fait rêver. // Source : Avatar 2

Mais la réalité d’un monde où l’écologie n’a pas tant que cela sa place dans la prise de décisions est vite revenue en pleine figure de la saga : pour diffuser le message d’Avatar, il faut passer par le circuit type de l’entertainment, lui-même empreint de capitalisme et donc d’une considération assez faible pour l’écologie.

Sauf que James Cameron l’a dit lui-même en 2012 : il avait été touché par les critiques sur le coût énergétique de production du film, et c’est aussi pour cela qu’il a eu la motivation d’améliorer cet aspect. Le buzz de la vidéo prise au Japon ne restera probablement pas lettre morte en coulisse. Les fans, qui aiment la saga et le réalisateur pour leur amour du vivant, peuvent légitimement ressentir de la déception. On peut toutefois imaginer que, pour Avatar 3, une telle situation en inadéquation totale avec l’œuvre devienne impossible.

Il y a par ailleurs un tableau plus large encore. L’impact d’Avatar sur la société n’est autre qu’une vaste diffusion de la conscience écologique — c’est aussi dans les imaginaires que cela se joue. Et l’impact de sa production sur Hollywood est une démonstration objective que certaines méthodes plus positives sont tout bonnement… possibles !

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