Donald Trump pourrait décider de bannir TikTok, si jamais un rachat de la branche américaine n’est pas possible. Pour y parvenir, deux principaux leviers s’offrent à lui.

Que va-t-il advenir de TikTok dans les prochains jours ? Deux futurs semblent se dessiner pour l’application de vidéo, très prisée par les jeunes : un rachat de sa branche américaine par Microsoft, qui est toujours à l’étude et semble le scénario le plus probable, ou bien une exclusion pure et simple du logiciel aux États-Unis, ce qui reviendrait sans doute à le bannir au niveau mondial — ou du moins en occident.

Une exclusion de Google Play et de l’App Store

Si cette seconde piste était suivie, la mise à l’Index serait enclenchée en inscrivant le nom de l’application (ou celle de l’entreprise qui l’a conçue, à savoir la compagnie chinoise ByteDance) sur la « liste des entités ». Pour le dire simplement, il s’agit d’une liste noire qui regroupe toutes les organisations avec lesquelles les sociétés américaines n’ont pas le droit de travailler, au nom de la sécurité nationale.

C’est ce levier qui a été actionné contre l’équipementier chinois Huawei au printemps 2019, et qui a eu pour effet d’éloigner l’entreprise du marché américain et de le priver du droit de faire des affaires avec des groupes comme Google (pour accéder à Android, qui est l’OS sur mobile le plus répandu au monde), Microsoft (pour Windows), ou bien Intel (pour des composants).

Même des groupes étrangers, qui a priori n’ont pourtant rien à voir avec cette liste des entités, ont dû réduire la voilure avec leur partenaire chinois, voire couper les ponts, car certaines technologies, certains composants sont d’origine américaine. C’est le cas des Japonais Panasonic et Toshiba, mais aussi du Britannique ARM. C’est dire la portée que peut avoir cette liste noire.

TikTok logo

TikTok logo

Source : TikTok

En inscrivant TikTok sur cette liste, cela aurait pour effet de conduire à l’exclusion de l’application des deux principales plateformes de téléchargement pour mobile, à savoir Google Play et l’App Store — deux stores qui sont respectivement opérés par Google et Apple, des sociétés américaines. Les applications disparaîtraient et les internautes n’auraient plus accès aux futures mises à jour de l’application.

Face à cette situation, une échappatoire pourrait être l’utilisation d’un store alternatif. Le fait est néanmoins que les personnes qui ne passent ni par Google Play ni l’App Store ne représentent qu’une fraction très modeste de l’ensemble des mobinautes, car l’accès à d’autres boutiques de téléchargement nécessite des manipulations qui constituent de fait des barrières à leur popularité.

Même si quelques utilisateurs parviennent à passer à travers les mailles du filet parce qu’ils font preuve de débrouillardise informatique, ils ne seraient qu’une poignée face à l’immensité de ceux ayant été bloqués d’entrée de jeu. En outre, ces quelques usagers pourraient rapidement renoncer à utiliser TikTok, faute de comptes à suivre ou de nouveaux contenus à découvrir.

Interrogé par The Verge, le directeur de la politique technologique au sein du think tank Center for Strategic and International Studies, James Lewis, a jugé que cette exclusion au moyen de la liste des entités lui paraîtrait extrême, inhabituelle et juridiquement douteuse, car son rôle n’est pas censé être politique, mais stratégique : elle ne doit concerner que les menaces sérieuses pour les États-Unis, et non pas servir de levier à Donald Trump dans son bras de fer économique et idéologique avec la Chine.

Donald Trump Xi Jinping

Les difficultés rencontrées par Huawei et TikTok sont perçues comme des dommages collatéraux d’une bataille économique qui se joue entre les USA et la Chine. // Source : Shealah Craighead

D’ailleurs, quand Huawei a été inscrit dans cette liste noire, des critiques identiques avaient émergé, parce qu’il a semblé que le président américain a cherché à en faire un outil dans sa négociation avec Pékin pour obtenir un deal favorable. « C’est possible que Huawei soit inclus dans une sorte de deal commercial. Si nous avions des accords commerciaux, j’imagine que Huawei pourrait être inclus, être une partie de la négociation », avait-il déclaré l’an passé.

Une chose est sûre : si TikTok est éjecté de l’App Store et de Google Play, cela ne touchera pas que les mobinautes américains : tous les utilisateurs en Europe et dans le reste du monde qui dépendent de ces deux plateformes d’applications seront logés à la même enseigne — tant pis pour les dommages collatéraux ou si les gouvernements des autres pays ont une vision différente de ce dossier.

Un blocage au niveau des opérateurs

La seconde tactique que pourrait employer Washington consisterait à agir directement au niveau des opérateurs de télécommunications, pour les obliger à bloquer tous les flux circulant entre les mobinautes américains et les serveurs de TikTok. C’est dans cette voie que s’est lancée l’Inde, en s’attaquant par ailleurs à des dizaines d’autres applications chinoises également jugées suspectes.

Mais comme le fait remarquer Mashable, cette option ne manquerait pas d’ironie puisque cela voudrait dire que les États-Unis copient les méthodes de censure chinoise en vue de bloquer effectivement l’accès à du contenu — ce que fait justement la Chine, à travers son système de grande muraille virtuelle pour empêcher le net chinois d’accéder au reste du web, et inversement.

Un bannissement au moyen de ces procédés techniques aurait probablement pour effet d’amoindrir la force des critiques que Washington adresse à Beijing sur cette censure, mais aussi son message à l’international. Fin juillet, le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, appelait ainsi le « monde libre » à « triompher » de la «  nouvelle tyrannie » de la Chine communiste, qui est «  est de plus en plus autoritaire à l’intérieur du pays, et plus agressive dans son hostilité face à la liberté partout ailleurs ».

Reste une ultime question, ironique, si cette option était retenue : si l’on en croit Bytedance, toutes les données des utilisateurs non chinois de TikTok ne sont pas en Chine. Aux États-Unis, l‘entreprise a des serveurs dans le pays et toute sa communication liée à la vie privée repose sur le fait que ces données ne sont pas en Chine. Le gouvernement américain ira-t-il jusqu’à bloquer des serveurs sur son propre territoire ?


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