C’était le 16 février dernier. Au terme du processus législatif qui s’est achevé par un vote à l’Assemblée nationale, les parlementaires ont adopté en lecture définitive la proposition de loi sur l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), qui vise à lutter contre les sites hostiles à l’IVG pour des raisons idéologiques.
Avec ce nouveau texte, qui complète l’article L2223-2 du code de la santé publique, il est désormais possible d’engager des poursuites pénales pouvant aller jusqu’à deux ans de prison ferme et 30 000 € d’amende contre les sites qui mentent délibérément sur la réalité de l’avortement dans le but de dissuader les femmes d’y recourir. Créé en 1993, le délit d’entrave avait déjà été étendu en 2001 et 2014.
Cependant, c’était sans compter le baroud d’honneur des députés et sénateurs qui ont fait prolonger le suspense de quelques semaines supplémentaires en sollicitant le Conseil constitutionnel. Le but de la manœuvre ? Retarder la mise en application du nouveau texte et tenter de l’affaiblir autant que possible en obtenant une censure partielle ou complète des dispositions du texte.
Sauf que les Sages de la rue de Montpensier ont eu une lecture bien différente de la nouvelle loi. Dans leur décision, datée du jeudi 16 mars, ils soulignent en effet que « les dispositions contestées sont suffisamment claires et précises pour que soient respectés le principe de légalité des délits et des peines et l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ».
Sur l’argument des parlementaires brandissant une atteinte à la liberté d’expression, les gardiens de la norme juridique suprême ont rappelé que des limites peuvent être décidées si les mesures de restriction sont « nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi ». Le Conseil constitutionnel ne trouve donc pas déraisonnable de brider l’expression autour de l’IVG au regard de la situation des femmes enceintes.
Deux réserves d’interprétation
Cela dit, les opposants sont parvenus à obtenir deux réserves d’interprétation du Conseil constitutionnel, ce qui a pour effet de borner plus strictement la possibilité de mettre en œuvre cette infraction.
Il faudra en effet démontrer que les pressions empêchant de recourir à l’IVG ne sont pas seulement constituées par la diffusion « d’informations orientées » via les sites litigieux mais s’accompagnent d’actes d’une autre nature, comme des pressions, des menaces ou des tentatives d’intimidation.
Par ailleurs, en cas d’intimidation sur le recours à l’IVG, il faudra établir qu’il y a eu la sollicitation d’une information et non pas l’émission d’une simple opinion personnelle, et que celle-ci concerne « les conditions dans lesquelles une IVG est pratiquée ou sur ses conséquences » et qu’elle soit donnée « par une personne détenant ou prétendant détenir une compétence en la matière ».
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