Ce mardi soir, à peine quelques heures avant que la certitude que Donald Trump soit élu président des États-Unis ne soit totale, Julian Assange se fendait d’un communiqué sur WikiLeaks pour revenir sur les accusations que l’organisation a subies concernant son traitement anti-Clinton de l’élection.
Après avoir révélé les manœuvres du DNC et les mails de John Podesta, l’organisation promouvant la transparence était dans le viseur des Démocrates pour son acharnement contre la candidate. Avec les indices montrant l’implication de la Russie dans certains leaks, l’étau s’est resserré autour de l’organisation qui pour de nombreux médias était devenue l’instrument du camp Trump et de ses alliés internationaux.
Il faut dire que les nombreuses bavures de traitement durant la campagne rendent encore plus complexe la lecture de l’indépendance de l’organisation. Quand le compte Twitter de WikiLeaks partageait des fausses informations concernant l’état de santé de Hillary Clinton ou même des théories conspirationnistes aberrantes accusant le couple Clinton d’être lié à un kidnapping, l’organisation semblait sombrer dans de troubles eaux.
Mais pour la défense de WikiLeaks, Assange semble donner une explication valable à ce prétendu acharnement. Il explique clairement que son organisation n’est nourrie que par ses sources et que celles-ci n’ont fourni que des documents concernant le camp Clinton. En somme, si acharnement il y a eu, il a été motivé par les sources de Wikileaks et non pas par l’organisation en elle-même qui ne respecte qu’un principe : publier. Et quelles sont-elles, ces sources ? Tantôt le Reddit des soutiens de Trump, tantôt, peut-être, des hackers russes, méchants facilement désignés — nous ne saurons jamais vraiment.
si acharnement il y a eu, il a été motivé par les sources de Wikileaks et non pas par l’organisation
Et puis il y a l’affaire des mails. Des mails que la Secrétaire d’État Clinton a fait échapper aux autorités américaines par l’utilisation d’un serveur logé chez les Clinton, qui ont été 33 000 à mystérieusement disparaître. Néanmoins, le FBI a encore une fois déclaré l’affaire caduque. Mais le mal était fait dans la conscience collective comme le révélait Vox ce matin. Les Américains et les médias ont été obnubilés par l’affaire — et il faut le reconnaître, nous l’étions aussi.
Le monde médiatique avait-il tort de révéler des informations effectivement troublantes concernant les pratiques de Mme Clinton ? Certainement pas, et aucun mea culpa ne peut être fait sur la diffusion d’une information.
Les deux mauvais candidats et la transparence
En réalité, les démocrates avaient une candidate mal-aimée, incarnant l’establishment de Washington, l’opacité de l’ère Obama concernant les lanceurs d’alerte et les pratiques dynastiques de la vieille politique américaine. L’enthousiasme des proches de la transparence en politique et de la lutte contre l’establishment ne pouvaient être vraiment au rendez-vous pour une candidate qui a manifestement lutté contre son concurrent démocrate Bernie Sanders, également anti-establishment.
Néanmoins, ce 9 novembre, après l’élection d’un candidat qui malgré sa haine de la bulle de Washington n’en est pas moins corrompu, sans même évoquer son racisme, sa misogynie ou ses méthodes, le prix de l’anti-establishment semble lourd. On parle d’un candidat accusé d’avoir volé des fournisseurs dans ses précédents business, accusé d’avoir réalisé des opérations de charité plus que douteuses, mis en cause dans l‘enquête en cours sur les fraudes de l’Université Trump et toujours suspecté à cause de ses relations curieuses vis-à-vis de l’optimisation fiscale.
En somme, si Trump n’est pas de l’establishment de Washington, il n’en est pas moins criblé de scandales mettant en cause ses pratiques et son appartenance à une caste protégée et impunie.
Le temps des questions
Et son élection permet de voir les plus sombres théories être mises en avant, des questionnements douloureux qui se résument bien souvent à une question : nos démocraties peuvent-elles survivre à l’épreuve de la transparence dans un contexte de fragilisation des systèmes politiques occidentaux ?
Rien ne condamne les défenseurs de la transparence, et il serait inutile de les accuser d’avoir les mains salies par l’élection de Trump. Néanmoins, des leçons devront être tirées sur la subversion de cette transparence : à quel moment passe-t-elle de sa neutralité essentielle à un engagement ?
à quel moment la transparence passe-t-elle de sa neutralité essentielle à un engagement ?
Le cas d’un parti pirate remportant l’adhésion dans les urnes ressemble à une utopie réservée à l’Islande — même sur l’île, c’est un demi succès. Dès lors, avant que ces situations soient reproductibles partout dans le monde, les risques d’utilisation des combats pour la transparence à des fins obscures et éloignées des valeurs saines pour la démocratie demeurent.
Aujourd’hui, en tout cas, le monde est en apparence moins établi, mais il est surtout, au fond, un peu moins libre.
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