L’ONG Freedom House dégrade une nouvelle fois la note de la France en matière de liberté sur Internet. Si la situation n’est pas catastrophique, la trajectoire du pays depuis quelques années suscite des inquiétudes.

En 2016, la liberté sur Internet a reculé en France. C’est l’analyse que fait l’association américaine de défense des libertés Freedom House dans son nouveau rapport annuel sur l’état des libertés sur Internet dans le monde. Si l’Hexagone continue d’être un pays où le net est globalement libre, l’organisation fondée il y a 75 ans ne peut que constater une certaine érosion de la situation depuis 2013.

Sur une grille de notation dans laquelle la note de 100 est la pire que l’on peut avoir, la France obtient 25. C’est un score qui demeure encore très acceptable. Par contre, c’est la trajectoire qui n’est pas très encourageante. En 2013, la France obtenait 20 points ; idem en 2014, avec une notation stable. L’année suivante, les choses se sont gâtées avec un recul de 4 points. Et cette année, c’est un point qui a été perdu.

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Le monde tel que le voit Freedom House.

Deux pays européens obtiennent la meilleure note, ex-æquo avec 6 points : l’Islande et l’Estonie. Arrive ensuite le Canada, mais loin derrière : le pays à la feuille d’érable décroche la note de 16 points. À l’inverse, la Chine est le cancre international avec une note de 88. Le pays verrouille tellement les libertés sur le net qu’il réussit le tour de force à faire pire que la Syrie (87), pourtant en guerre. Un score que partage aussi l’Iran.

Par rapport aux autres pays (seuls 65 d’entre eux ont été notés sur les 193 dans le monde qui sont reconnus par l’ONU), la France au huitième rang mondial à égalité avec l’Afrique du Sud, l’Italie et la Géorgie. Parmi les États qui ont été évalués par Freedom House, 17 pays permettent de jouir d’une bonne liberté sur Internet, 28 autorisent un exercice partiel des libertés et les 20 derniers sont considérés comme liberticides sur la toile.

Commentant de façon générale la situation en France, Freedom House constate que « la France a étendu l’état d’urgence à la suite de l’attaque majeure qui a frappé Paris au mois de novembre 2015, autorisant les forces de l’ordre à surveiller et détenir des individus avec peu de supervision judiciaire ».

Dans le détail, sur les trois critères d’évaluation établis par l’association (à savoir les obstacles à l’accès à Internet, les restrictions sur les contenus, et les violations des droits individuels), c’est d’abord sur la troisième jauge que la France trébuche. Sur sa note de 25 points, 16 points viennent de ce troisième critère, 6 du deuxième et 3 du premier.

État d’urgence, Renseignement, Réforme pénale…

Comme on pouvait s’y attendre, ce sont les initiatives législatives survenues en 2015 et l’état d’urgence qui pèsent sur le score de la France. L’association cite quatre éléments particuliers qui justifient la dégradation de la note. Certains de ces aspects avaient déjà été pris en compte dans le rapport de 2015, comme la loi Renseignement, ce qui explique pourquoi le score ne descend que d’un point.

  • Le prolongement de l’état d’urgence initié par le président François Hollande après les attaques terroristes à Paris le 13 novembre 2015 a considérablement étendu les pouvoirs des autorités pour mener des arrestations à domicile, des perquisitions et des fouilles sur des appareils électroniques, sans autorisation judiciaire préalable.
  • Les attaques à Paris ont eu un impact à la hausse sur le nombre de demandes de suppression de contenus favorables au terrorisme, car les mesures administratives permettent de bloquer et de désindexer les sites web litigieux sans l’autorisation d’un juge judiciaire. La législation relative à l’état d’urgence a, à son tour, habilité le ministre de l’intérieur à prendre des mesures pour interrompre les services de communications publiques en ligne incitant ou glorifiant les actes terroristes.
  • La nouvelle législation a également renforcé l’appareil de surveillance de l’État. En juillet 2015, le conseil constitutionnel a approuvé la quasi-totalité des dispositions d’une nouvelle loi sur le renseignement qui oblige les fournisseurs d’accès à Internet à installer des dispositifs permettant de surveiller les « comportements suspects » des usagers et de fournir des accès pour les agences de renseignement.
  • Le parlement a adopté en mai 2016 une loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, permettant aux procureurs de procéder à des écoutes dans le cadre de leurs enquêtes et de procéder à des sanctions pénales contre ceux fréquentant souvent les sites glorifiant les actes terroristes ou incitant à en commettre.

Freedom House n’est pas la seule organisation à s’inquiéter de la situation française. En début d’année, Amnesty International publiait son rapport annuel dans quelle l’ONG a fait le constat d’un recul global des droits et libertés, et notamment en France dans le cadre de ses initiatives anti-terroristes, qui justifie surveillance massive et mesures d’exception.

À ces deux organismes on peut ajouter Reporters Sans Frontières. Dans son classement pour 2016, l’association a encore dégradé la note de la France en matière de liberté de la presse. La France se retrouve désormais à la 45e place sur 180 pays. À une époque, l’Hexagone avait même été placé dans la liste des États sous surveillance en matière de censure en ligne.


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