L’approvisionnement en lithium est devenu un des enjeux majeurs pour les constructeurs automobiles, c’est un sujet à surveiller de près au même titre que les semi-conducteurs qui posent toujours problème. La situation peut être résumée ainsi : sans lithium, pas de batteries, et donc pas de voitures électriques. Pour le moment, de nombreux constructeurs automobiles dépendent des géants chinois de la batterie, pour l’extraction des minerais et l’assemblage des cellules, mais les constructeurs automobiles aimeraient bien éviter des dépendances trop fortes auprès des fournisseurs chinois. Ils cherchent ainsi des approvisionnements alternatifs pour diversifier leur portefeuille.
Si la Chine est le plus connu des pays extracteurs de ce minerai, l’Australie, le Canada et plusieurs pays d’Amérique latine sont aussi des acteurs incontournables pour le sourcing du minerai. L’Argentine, la Bolivie et le Chili concentrent à eux trois la moitié des ressources mondiales de lithium. Néanmoins, les dirigeants de ces pays ont bien compris qu’ils étaient assis sur une mine d’or : le Chili a décidé le 20 avril 2023 de nationaliser sa production, ce qui n’est pas sans conséquence.
Vers un OPEP du lithium
Plusieurs pays ont décidé de nationaliser leurs ressources minières pour mieux en contrôler les revenus. L’annonce du président chilien du 20 avril rejoint un mouvement déjà initié par le Mexique en 2022 sur sa production de lithium, ainsi que la Bolivie. Sur d’autres minerais, le Zimbabwe, le Myanmar et l’Indonésie ont tous appliqué de nouvelles restrictions. Les spécialistes craignent aussi que la Chine vienne perturber l’approvisionnement du graphite, un autre élément nécessaire à la fabrication des batteries pour les voitures électriques.
Selon un commentaire à Reuters de David Brocas, fondateur de la société de conseil en chaîne d’approvisionnement en minéraux Voltaire Minerals, les métaux des batteries deviennent aussi importants stratégiquement pour les pays que le pétrole. Les pays souhaitent donc reprendre la main sur la production et la vente de cette ressource. Certains analystes y voient le risque qu’un équivalent de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) s’applique au lithium, et que les pays producteurs veuillent réguler l’approvisionnement international et, de ce fait, les cours du lithium.
L’argentine comme alternative au Chili, mais pour combien de temps ?
Le Chili disposerait de 30 % de la production mondiale de lithium, ce qui représente actuellement la plus grande réserve connue. Avec une production de plus de 180 000 tonnes du minerai, le Chili est le second fournisseur de lithium au monde après l’Australie. La nationalisation au moins partielle de cette production n’est pas un bon signal envoyé au marché. L’exemple de la Bolivie a montré qu’un contrôle excessif de l’état avait tendance à faire stagner le développement de la filière lithium.
De son côté, l’Argentine rassure un peu les marchés, car de nombreux projets en cours pourraient tripler la production de lithium. En passant de 40 000 tonnes à 120 000 tonnes estimées d’ici à 2024-2025, l’Argentine dépasserait la production de la Chine et se rapprocherait des capacités du Chili, qui ne semble plus vouloir développer de nouveaux projets.
Pour autant, l’Argentine est aussi confrontée à une situation économique complexe. Avec de l’inflation et d’autres troubles économiques, les prochaines échéances électorales en fin d’année laissent planer une incertitude sur l’issue politique dans le pays. L’Argentine pourrait très bien choisir de nationaliser sa production de lithium également, alors qu’elle est la plus ouverte aux capitaux étrangers.
Quel impact sur les batteries des véhicules électriques ?
Alors que le cours du lithium a atteint son plus haut prix au mois de novembre, depuis le début de l’année, son cours baisse rapidement depuis le début d’année. L’annonce du Chili la semaine passée, combinée à quelques fournisseurs chinois décidant de réduire leur production, a fait repartir le tarif du lithium à la hausse. Il n’y a pourtant pas de risques de pénurie de lithium, en dehors de décisions politiques ou stratégiques.
Les regards sont désormais tournés du côté de l’Australie et de l’Amérique du Nord qui peuvent aussi influer sur la production et le prix du lithium dans un avenir proche. Les entreprises minières ont tout intérêt à avoir un cours élevé pour le lithium qu’ils raffinent, ce qui n’est pas le cas ni des fabricants de batteries ni des constructeurs automobiles.
Plusieurs fabricants de batterie travaillent actuellement sur des batteries sodium-ion pour proposer une alternative moins coûteuse pour les véhicules électriques. Mais, l’ensemble de l’industrie automobile va dépendre du lithium pour ses batteries pendant de nombreuses années encore. Les constructeurs automobiles auront besoin d’une stratégie d’approvisionnement diversifiée en réponse à cette situation, ce qui permettra de parer aux tensions d’approvisionnement, mais pas à celui des prix des batteries à intégrer dans les voitures.
C’est le consommateur final qui risque encore une fois de subir les conséquences des politiques nationalistes des différents pays producteurs de lithium. Du moins, en attendant que l’Europe développe sa propre filière de lithium.
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