C’est un procès qui risque de marquer l’histoire de Facebook. Le 6 décembre 2021, une action de groupe visant le réseau social, et sa maison-mère Meta, a été déposée au Royaume-Uni et aux États-Unis. L’affaire est portée par des réfugiés Rohingyas, qui accusent le site d’avoir participé aux persécutions ayant eu lieu en Birmanie. Les plaignants exigent 150 milliards de dollars (environ 133 milliards d’euros) de réparation.
Fausses informations et discours de haine sur Facebook
Le document de 71 pages dresse un portrait tragique de Facebook et de son implication dans le génocide des Rohingyas. Il est reproché à la plateforme d’avoir facilité le développement de discours de haine envers certaines populations, de n’avoir jamais pris la problématique de la modération au sérieux et d’avoir laissé proliférer des discours violents et des menaces de mort sur sa plateforme, malgré de nombreux signalements.
« L’armée du Myanmar, et ses conspirateurs civils, désormais armés de Facebook pour organiser et répandre la terreur, ont intensifié leur répression brutale, se livrant à des actes de nettoyage ethnique qui défient l’entendement », précise la plainte en guise d’introduction. Selon le document, Facebook « a permis la diffusion de fausses informations haineuses et dangereuses pendant des années, bien après qu’on lui ait fait remarquer à plusieurs reprises les conséquences horribles et mortelles de son inaction. »
Facebook ne nie pas sa responsabilité
C’est loin d’être la première fois que le rôle de Facebook dans le génocide des Rohingyas est questionné. Déjà en 2017, de nombreuses ONG pointaient du doigt le danger que pouvait représenter la publication de certains discours de haine sur Facebook. Un porte-parole des Nations unies avait même déclaré que le site avait joué un rôle « déterminant » dans le génocide. L’affaire a pris de telles proportions que même Facebook a été obligé de réagir.
Après un examen de la situation menée par une entreprise indépendante, Facebook concluait en 2018 dans un billet de blog que « nous n’avons pas fait assez pour empêcher que notre plateforme soit utilisée pour fomenter la division et inciter à la violence hors ligne. Nous sommes d’accord sur le fait que nous pouvons et devons faire plus ». En 2020, la plateforme annonçait travailler avec les Nations-Unies pour récolter des preuves des abus commis en Birmanie.
Des récentes déclarations d’ex-employés de Facebook au Washington Post ont également été versées au dossier. « L’entreprise savait depuis des années que les Rohingyas étaient visés sur Facebook […] J’ai moi-même, en travaillant pour Facebook, participé au génocide », peut-on lire dans la plainte.
Une issue de procès incertaine
Si les 71 pages du document dressent un tableau dramatique de l’inaction de Facebook, l’issue de ce procès est relativement incertaine. Les plaignants veulent contourner la loi américaine et condamner Facebook sous le coup de la loi birmane.
La fameuse section 230 du Communications Decency Act protège en effet Facebook (et toutes les plateformes web) de procès concernant des contenus publiés sur son site. Protégé par le statut d’hébergeur, Meta n’est, aux yeux de la loi américaine, pas responsable de ce qui est publié sur Facebook. C’est pour cela que la plainte tente de faire valoir la loi birmane qui « ne protège pas les entreprises de médias sociaux pour leur rôle dans l’incitation à la violence et la contribution au génocide ». Mais selon des experts interrogés par Reuters, il est « peu probable » que le Congrès américain se prononce en faveur d’une telle gymnastique législative.
Quoi qu’il en soit, l’affaire pose un regard très critique sur les manquements de Facebook et l’inefficacité de sa modération. La plainte souligne également que « Facebook n’a rien appris de l’affaire birmane » en citant des cas de violence similaires en Éthiopie notamment. « Facebook sait depuis longtemps que le contenu haineux, indigné et politiquement extrême est l’oxygène de l’entreprise » pointent les plaignants. Une petite rengaine que l’on entend de plus en plus ces derniers temps.
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