Le rôle de Facebook, en tant que puissant relais d’une propagande ciblée et d’articles de désinformation aux dangereuses conséquences, n’est pas seulement critiqué aux États-Unis ou en Europe. En Birmanie, plusieurs ONG dénoncent son impact sur la grave crise humanitaire — qualifiée de « nettoyage ethnique » par l’ONU — subie par les Rohingyas depuis l’attaque d’un groupe rebelle qui a causé la mort de 12 policiers fin août.
Alors que plus de 379 000 membres de cette minorité musulmane — déclarée apatride en Birmanie — ont fui ce pays à 90 % bouddhiste depuis cette période pour échapper aux violences et à la déportation ciblée dont elles font l’objet, notamment de la part de l’armée birmane et de groupes nationalistes, Facebook continue d’autoriser d’influents prêcheurs de haine à diffuser leurs discours sur sa plateforme.
Le moine bouddhiste Ashin Wirathu, dont le mouvement ultra-nationaliste est interdit en Birmanie depuis mai 2017, bénéficie ainsi d’une grande caisse de résonance pour s’adresser à ses centaines de milliers d’abonnés Facebook. Sur sa page, il publie régulièrement des messages très hostiles aux Rohingyas, qu’il s’agisse de les accuser de nombreux maux — quitte à verser dans la désinformation à grand renfort de photos de cadavres ou de violence –, ou simplement de les insulter. Zaw Htay, porte-parole du gouvernement birman, relaye quant à lui de nombreuses publications Facebook affirmant notamment que les Rohingyas brûlent eux-mêmes leurs maisons.
« Facebook ne fait rien contre les discours haineux de Wirathu »
« Facebook ne perd pas de temps pour supprimer des svastikas mais il ne fait rien contre le discours haineux de Wirathu, qui traite les musulmans de chiens » dénonce au New York Times Phil Robertson, directeur adjoint de l’ONG Human Rights Watch en Asie, scandalisé par ce système à deux poids, deux mesures.
La situation est d’autant plus délicate que Facebook refuse d’être qualifié de « média », au motif qu’il n’emploie pas de journalistes — même si cette position s’avère de plus en plus difficile à tenir au vu des problèmes d’influence récents qui minent la plateforme.
Le problème est particulièrement prégnant en Birmanie, où Facebook est très prisé depuis l’essor massif du mobile : la plateforme a vu son nombre d’utilisateurs passer de 2 millions en 2014 à plus de 30 millions aujourd’hui. « Facebook est devenu l’Internet de facto de la Birmanie. [Facebook] est pré-installé sur les téléphones que s’offrent les gens pour la première fois » explique Jes Kaliebe, patron de Phandeeyar, un réputé centre technologique du pays, qui a aidé le géant du web à s’implanter dans le pays.
Facebook promet « d’affiner » sa modération
Si Facebook ne compte pas d’équipe dédiée sur place, il s’appuie sur des acteurs locaux pour offrir une version de sa plateforme adaptée aux habitants. Dans un communiqué envoyé par Clare Wareing, porte-parole de l’entreprise, Facebook a simplement indiqué au quotidien américain qu’il « continuerait d’affiner » ses pratiques en Birmanie, alors qu’il a déjà effacé certaines publications d’Ashin Wirathu. Mais celui-ci se dit déjà prêt à se créer un nouveau compte si la plateforme devait supprimer le sien.
Outre la difficulté de faire le tri — manuellement — entre les images de violence relayées à des fins informatives et celles appelant à la haine, le problème tient à la propagation de fausses informations sous la forme de chaînes diffusées via messages privés. Comme l’annonce d’une prétendue attaque attendue des Rohingyas contre des bouddhistes en septembre 2017.
C’est loin d’être la première fois que la politique de Facebook en matière de contenu haineux est remise en question. La révélation, en mai 2017, de ses règles de modération, avait déjà donné lieu à de vives critiques sur les failles du système.
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