Twitter avait annoncé la couleur en décembre : avec le début de la campagne vaccinale contre le coronavirus, sa politique de modération était à la veille d’un durcissement. Le réseau social anticipait en effet une propagation accrue de désinformation autour de ce traitement médical, avec la mise sur le marché des premiers vaccins et le démarrage des injections dans plusieurs pays.
À l’époque, Twitter prévenait qu’il pourrait demander à des internautes de se rétracter, s’il est établi qu’ils propagent des accusations infondées. Par la suite, en 2021, le site entendait élargir sa labellisation pour alerter le public en cas de tweets mensongers sur ce qui est administré à la population. Dans les cas les plus graves, Twitter se réserve aussi le droit de masquer les tweets, ou de les supprimer.
Deux mois et demi après la présentation de son approche sur l’information trompeuse sur les vaccins, Twitter est de toute évidence passé aux travaux pratiques. Depuis le 1er mars, le site a commencé à appliquer ses fameux labels sur les tweets susceptibles de contenir des informations trompeuses sur les vaccins destinés à régler la pandémie de coronavirus. À cette occasion, l’entreprise a détaillé davantage sa stratégie.
La riposte graduée de Twitter contre les discours antivax
Il s’avère que Twitter a imaginé tout un système de riposte graduée, qui rappelle un peu celui qui existe en France le cadre de la lutte contre les téléchargements illicites passant par les réseaux d’échange pair à pair. Sauf qu’au lieu de compter trois échelons, selon le barème mis en place avec la Hadopi, Twitter mise sur une échelle qui compte cinq barreaux :
- Une infraction : aucune action au niveau du compte ;
- Deux infractions : verrouillage du compte pendant 12 heures ;
- Trois infractions : verrouillage du compte pendant 12 heures ;
- Quatre infractions : verrouillage du compte pendant 7 jours ;
- Cinq infractions ou plus : suspension définitive.
« Nous pensons que la riposte graduée contribuera à éduquer le public sur nos politiques et à réduire davantage la diffusion d’informations potentiellement nuisibles et trompeuses sur Twitter, en particulier pour les violations répétées, modérées et graves, de nos règles », avance l’entreprise, en déployant des sanctions progressives pour faire comprendre à l’internaute qu’il faut cesser d’aller dans cette direction.
De toute évidence, cette politique produit déjà des effets, y compris en France. Guillaume Brossard, cofondateur du site Hoaxbuster, qui traque et déconstruit les rumeurs et les canulars sur le net, fait observer le 4 mars que Silvano Trotta, une figure du complotisme, proche de la mouvance QAnon et partisan de Donald Trump, s’est fait attraper dans les filets du réseau social.
« Twitter a suspendu mon compte pour deux tweets mettant en cause l’efficacité des vaccins mais aussi leur dangerosité […] Twitter m’oblige alors à supprimer ces deux tweets et me puni[t] pendant 12 heures », se plaint-il sur Vkontakte, un réseau social russe sur lequel il s’est replié. L’intéressé est aussi présent sur Odysse et Rumble, qui sont aussi vus par les milieux conspirationnistes comme des refuges.
Twitter explique que « les personnes seront informées directement quand un label ou un retrait obligatoire de tweet entraîne une restriction supplémentaire au niveau du compte » — en l’occurrence, un verrouillage temporaire ou un bannissement permanent. « Les violations répétées de la politique COVID-19 sont sanctionnées sur la base du nombre de sanctions qu’un compte a accumulé ».
Il n’est toutefois pas du tout certain que les internautes ensablés dans les théories du complot et persuadés que les vaccins ont été conçus à des fins malveillantes, selon un agenda politique secret, freineront des quatre fers avec l’arrivée des labels sur les tweets ou les verrouillages temporaires de compte. Mais c’est sur le temps long que l’efficacité de cette politique pourra s’observer.
30 000 vidéos problématiques sur les vaccins retirées de YouTube
Face à la désinformation sur les vaccins, Twitter ne fait en tout cas pas cavalier seul. Deux autres plateformes très fréquentées par les internautes, Facebook et YouTube, ont elles aussi pris des dispositions pour réduire la visibilité et la viralité de ces publications, avec à la clé d’éventuelles restrictions — comme la suppression de vidéos, dans le cas de YouTube.
À ce propos, la plateforme d’hébergement de vidéos tient à montrer sa mobilisation. Elle rappelle ainsi avoir procédé à plus de dix mises à jour de son règlement en 2020 pour faire face à la désinformation médicale. Ces modifications ont donné lieu ensuite au retrait de plus de 800 000 vidéos avançant des allégations médicales dangereuses ou trompeuses sur le coronavirus.
Sur les vaccins à proprement parler, le volume de vidéos retirées au dernier trimestre 2020 s’est élevé à plus de 30 000 dans le monde. Les vidéos hostiles aux vaccins ne sont pas un problème tout à fait nouveau sur la plateforme : on en parlait déjà en 2019, au cours d’une enquête pointant les limites des mesures alors mises en place par la société. Et c’était à une époque où la pandémie de coronavirus n’existait pas encore.
Outre le retrait de vidéos, YouTube peut aussi démonétiser certaines vidéos (quand elles vont à l’encontre des expertises des autorités sanitaires locales) et interdire des publicités anti-vaccins ainsi que les publicités incitant les utilisateurs à ne pas se faire vacciner. À ce sujet, YouTube revendique presque 100 millions de publicités sur le coronavirus bloquées ou retirées pour 2020.
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