Pour Bill Gates, le contact tracing par application mobile ne vaut pas un entretien avec un membre du personnel de santé qualifié et capable de mener l’enquête pour retrouver les personnes croisées par un patient infecté.

Bill Gates, par sa fondation Bill & Melinda Gates qui travaille à la lutte contre les épidémies depuis l’an 2000, joue depuis le début de la pandémie le rôle d’un expert dont les analyses sont attendues. Une position à double tranchants, dans la mesure où son analyse fine de la situation épidémique après Ebola en 2015 lui a apporté tout autant de crédit que de méfiance : le créateur de Microsoft est désormais au centre de tous les complots.

Le 23 avril 2020, il a publié un long texte sur son blog personnel, mêlant à la fois recommandations scientifiques, sanitaires ou technologiques et conseils sociétaux pour gérer l’après. Gates en profite pour donner un nom à la période que nous vivons, par analogie avec la Première Guerre mondiale : Pandemic I, que l’on peut traduire par Première Pandémie. Pour lui, c’est un moment fondateur de l’humanité actuelle, qui n’oubliera jamais cette période, comme ses « parents n’ont jamais oublié la Seconde Guerre mondiale ».

Et parmi les recommandations pour gérer la diffusion du virus, Bill Gates évoque le traçage des contacts.

Pandemic 1, le nom donné par Bill Gates à la pandémie de coronavirus // Source : Gates Notes

Pandemic 1, le nom donné par Bill Gates à la pandémie de coronavirus

Source : Gates Notes

L’app moins efficace que l’interview

Pour le milliardaire, il faut d’emblée noter que le contact tracing n’est pas à entendre comme un processus qui implique forcément la technologie. « Si vous pouvez faire la liste des gens qui ont été en contact avec des gens infectés et vous assurer qu’ils passent en priorité les tests de dépistage (comme le test PCR très efficace pour détecter des contaminations récentes), alors ces gens pourront s’isoler avant d’infecter d’autres personnes. C’est le moyen idéal pour endiguer la diffusion du virus », écrit-il, suggérant que le traçage des contacts est un concept sanitaire avant d’être une application.

Sur les applications mobiles, Bill Gates est d’ailleurs très réservé. « Si la majorité des gens les installentcela aidera un petit peu », assène-t-il, avant de rappeler une limitation de la diffusion du virus que les applications ne prennent pas en compte : « Vous n’avez pas besoin d’être avec quelqu’un pour diffuser le virus. Vous pouvez le laisser derrière vous sur une surface. Ce système ne prend pas en compte cette transmission ». On ne peut pas dire que Bill Gates est emballé par la solution numérique vers laquelle la France semble se diriger avec StopCovid.

Comment retracer les contacts sans application

Mais alors, comment faire du traçage des contacts sans cela ? « Je pense que la plupart des pays utiliseront l’approche allemande, qui est un entretien avec les personnes testées positives et qui utilise une base de données pour être sûrs que l’on prend en charge tous les contacts mentionnés ». C’est une méthode qui demande beaucoup de ressources humaines, reconnaît-il, et dont ne disposent pas tous les systèmes de santé : le médecin informe une autorité de santé qu’un patient est malade et c’est à elle de mener l’enquête pour reconstituer, avec lui, ses déplacements et ses contacts récents. Dans un deuxième temps, cette même autorité doit aussi trouver les contacts de toutes les personnes concernées pour les prévenir et s’assurer qu’elles s’isolent.

Ce point est fondamental et montre en creux une autre limite du contact tracing par application mobile : une fois la notification reçue par une personne qui a été en contact avec une personne testée positive, rien ne l’oblige à se mettre en quarantaine. Dans le mode opératoire respectueux de la vie privée privilégié par les États européens, l’État ou les organismes de santé ne savent même pas qui sont les personnes qui ont reçu la notification et ne peuvent donc pas assurer un suivi médical.

Quant à s’aider du numérique pour se souvenir où l’on est allé, Bill Gates affirme que des applications de géolocalisation par GPS obligatoires, comme en Chine ou en Corée, ne peuvent pas être déployées en Occident. Il suggère plutôt aux personnes testées positives d’utiliser des apps grand public déjà disponibles comme des outils pour rafraîchir leur mémoire. Même s’il n’en cite aucune, on pense à Google Maps qui peut garder un historique privé de vos déplacements. Pour lui, l’outil numérique conçu pour le contact tracing a donc moins d’intérêt que du personnel de santé bien formé et des applications usuelles en complément, dont l’usage est à la discrétion du malade.

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