En 2019, le Pixel 4 de Google propose une expérience photographique bluffante et tend de plus en plus vers un écosystème Android cohérent. Suffisant pour s’imposer comme le smartphone haut de gamme de la fin de l’année ?

En 2018, Google lançait sa gamme Pixel en Europe en grande pompe, l’occasion de découvrir un Pixel 3 bluffant, que nous considérions alors comme l’un des meilleurs smartphones de l’année. Le Pixel 3a, sorti quelques mois plus tard, a été une autre claque : enfin, un constructeur savait proposer de la photo de très haute qualité sur un smartphone à moins de 400 €.

Entre cette immense réussite et la réaction parfaite d’Apple qui a servi un iPhone 11 Pro de très haute volée, le Pixel 4 doit faire fort pour conclure cette fin d’année en beauté pour Google. Verdict, après une semaine passée avec le petit modèle entre les mains.

Le Pixel 4 est vendu à 769 €.

Photographie : Google s’est-il laissé dépasser ?

Pour beaucoup de personnes aujourd’hui, le smartphone est devenu l’appareil photo principal. C’est avec lui qu’on prend des clichés quotidiens et avec lui, parfois, qu’on travaille. Le Pixel 3 a bluffé tout le monde en s’imposant sur le marché avec un seul et unique capteur, là où les concurrents multipliaient les objectifs. La grande différence ? Une maîtrise du logiciel inégalée sur le marché, capable de faire des merveilles dans toutes les situations avec un simple capteur 12 Mpx.

Le mode voie lactée ?

Nous n’avons pas testé le mode du Pixel 4 permettant de capturer la voûte céleste, car nous habitons à Paris, qu’il fait moche tout le temps et que quand il fait beau, la pollution lumineuse gâche le spectacle nocturne.

Le Pixel 4 ne reprend pas cette recette qui avait permis à son prédécesseur de s’afficher avec un dos sobre. On trouve un énorme carré placé en haut à gauche de l’appareil… qui ne contient que deux capteurs. D’emblée, on se demande pourquoi avoir choisi ce format disgracieux quand un ovaloïde aurait suffi. D’autant que, trop bien intégré au dos, on s’aperçoit bien vite qu’il prend rapidement les traces de doigt. Les objectifs sont souvent sales et à nettoyer.

Qu’importe : rassurons-nous tout de suite, le Pixel 4 est à la hauteur du Pixel 3. Évidemment, quand on parle de photographies déjà aussi réussies, quel que soit le mode, on passe de l’objectivité au goût. Aujourd’hui, qu’est-ce qui différencie des clichés faciles (bon cadre, bon sujet, bonne lumière) pris avec un Pixel 4, un Pixel 3 ou un iPhone 11 Pro, P30 Pro ou Galaxy S10 ? Pas grand-chose, il faut le reconnaître. Pour ne parler que des Américains, c’est le traitement qui change : le Pixel 4 donne un ton plus cinématographique à ses clichés, sans tomber dans le mauvais goût. L’iPhone 11 Pro tente plus un extrême réalisme qui séduit aussi.

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Ce sont en réalité les situations complexes qui permettent de différencier les appareils. Et c’est là où, en réalité, le Pixel 4 est bluffant. Pour un journaliste, il pourrait devenir le smartphone par défaut, tant il sait se débrouiller quand l’éclairage est mauvais. Lors de la conférence Oppo qui se tenait à Londres, nous avons pu le voir à l’œuvre : salle plongée dans le noir, scène avec des spots très lumineux, ambiance bleutée diffusée par le toit, bandeau éclairé différemment en premier plan et écran très lumineux en arrière plan faisaient un cocktail qui signe d’habitude les clichés mobiles d’un beau « raté ». Le Pixel 4 s’en est sorti sans le moindre effort. Tout est juste, net et fidèle.

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Le deuxième argument du Pixel s’est aussi révélé lors de cette conférence, où nous avons pu tester le nouveau zoom. En se passant d’ultra grand-angle cette année, Google a mis le paquet sur le zoom avant. En visant avec l’appareil zoomé au maximum, mélange de zoom numérique et de zoom mécanique, l’interface vient aider à garder un cadre parfaitement droit. Et le résultat est… invraisemblable. On voit jusqu’aux détails de texture de l’affiche, les boursouflures de la colle contrastant avec la netteté de la police et du visage. Google obtient ce résultat en prenant plusieurs clichés et en les recomposant : la théorie est maline, l’exécution est renversante.

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Zoom sur la photo précédente

Le mode portrait, si utilisé depuis qu’il a été popularisé par Apple, est aussi remarquablement maîtrisé, quelles que soient les conditions lumineuses — celui de l’iPhone 11 Pro a un peu plus de mal dans l’obscurité. Le bokeh progressif autour des objets et des visages donne vraiment l’illusion de la profondeur de champ. Les textures et les matières rayonnent et le smartphone a le mérite de ne pas lisser les visages pour les rendre « sans défaut ».

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C’est ce mode, pourtant, qui nous amène aux premiers regrets : le déclenchement est assez lent et demande que le sujet soit très sage. Pluton, l’influenceur TikTok aux grandes oreilles, est difficilement capturable, alors que l’iPhone sublime sa frimousse sans mal. Comme si Google, à trop vouloir se concentrer sur l’image, en avait oublié sa capture. C’est un constat que l’on peut faire également sur l’interface globale de l’appareil, très austère, quand Apple nous a montré de petites innovations dont on ne peut plus se passer sur iOS 13 (comme la prévisualisation des photos « en grand-angle » ou le logiciel d’édition complet).

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On regrette aussi la double exposition HDR présentée comme révolutionnaire par Google mais qui prouve une chose : quand le Pixel 4 laisse l’utilisateur faire ses propres réglages, cela donne n’importe quoi (car nous ne sommes pas toutes et tous d’excellents photographes). Il est très difficile d’obtenir un beau cliché avec cette option qui permet d’ajuster les ombres et les hautes lumières en temps réel. Après avoir joué avec, on a tendance à laisser l’appareil faire le cliché seul et à se dire qu’on pourra l’éditer plus tard, le cas échéant.

La double exposition permet de faire... des horreurs

La double exposition permet de faire… des horreurs

Quant au mode nuit, difficile d’en parler. Le Pixel 4 reprend les bases du Pixel 3 et n’ajoute pas grand-chose… mais souhaite-t-on modifier un mode déjà au top et dont on connaît déjà les limites (faire croire que la nuit, c’est du jour avec des tons sombres) ? Ce n’est pas nécessaire.

Reste l’avis du testeur, qu’il faut donner : si l’an passé, le Pixel 3 avait remplacé l’iPhone XS Max sans la moindre hésitation lors du geste pour « prendre un cliché », en 2019, l’iPhone 11 Pro s’est imposé, pour l’instant, comme celui qu’on souhaite avoir sur soi la plupart du temps. Et cela tient en une différence : entre les deux champions, l’iPhone 11 Pro et ses 3 capteurs est plus polyvalent, le partage des clichés est plus simple et la vidéo est hors norme quand celle du Pixel 4 est juste excellente. En revanche, gardons-nous bien de parler en absolus : au vu des résultats lors de la conférence que nous avons suivie, le Pixel 4 ne pourra pas nous quitter lors de nos déplacements professionnels.

Au quotidien : un iPhone sous Android

Nous avions utilisé la formule « iPhone de Google » lors de notre prise en main du Pixel 2, jamais sorti en France. C’est on ne peut plus vrai avec le Pixel 4. Pour qui vient de l’écosystème iOS, les ressemblances sauteront aux yeux.

  • Android 10 par Google est conçu autour de gestes tactiles similaires à ceux de l’iPhone. Si l’un d’entre eux est vraiment mauvais (retour, qui empiète sur le fonctionnement des apps), tous s’intègrent dans votre routine.
  • La barre Google ressemble à Spotlight, l’outil de recherche global d’Apple. Si vous avez l’habitude de naviguer dans votre smartphone, sur le web et dans vos apps en tapant des mots clefs, le Pixel 4 fait très bien le travail.
  • Sur l’écran de gauche, on trouve un espace dédié aux widgets. Si vous l’ordonnez convenablement, vous pourrez le faire ressembler à celui d’Apple.
  • Depuis le haut de l’écran, on tire les accès rapides aux réglages et les notifications. On peut d’ailleurs interagir avec elles depuis la petite bulle : pratique pour les SMS.
  • En l’absence du nouvel Assistant, disponible uniquement en anglais, on se sert de celui de Google avec un OK Google désabusé pour faire quelques requêtes simples, les plus complexes nous étant refusées.
  • L’application Maison regroupe toute la domotique en une belle app centralisée, compatible d’ailleurs avec certains objets qui ne sont pas présents dans l’écosystème HomeKit (on pense à Tahoma de Somfy).
  • Avec Messages en RCS, l’application de messagerie par défaut est plus polyvalente qu’avant et s’utilise depuis un navigateur, PC ou Mac.
  • Toutes les données sur le smartphone sont chiffrées par défaut.
  • Les options de partage, confuses sur Android depuis des années, sont désormais bien implémentées et plus intelligentes… on manque quand même d’AirDrop pour partager facilement ses fichiers.
  • L’application Sécurité vous permet quelques réglages importants, comme l’ajout d’une fiche de santé accessible aux services de soin depuis l’écran verrouillé, si jamais vous êtes accidentés.
  • Face Unlock est un excellent équivalent à Face ID, le premier du marché Android à être reconnu comme authentification biométrique forte, servant à protéger des apps de paiement en plus des données du smartphone… mais contrairement à Apple qui a l’avantage du nombre, il va se passer du temps avant que les développeurs l’adoptent. Aussi, Google a déjà subi les critiques : la rapidité phénoménale du capteur biométrique le prive de certaines mesures de sécurité.

Évidemment, à l’usage, des choses différencient les appareils et les systèmes d’exploitation, pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur, c’est clairement l’intégration des Google Apps. Toutes ces excellentes applications, installées par défaut, sont utiles au quotidien et font admirablement bien leur travail. On ne saurait tout citer : entre Gmail, Drive, Photos, Traduction, Google Lense pour analyser des objets vus par l’objectif ou Maps, qui permet désormais de faire des trajets en réalité augmentée, il y a de quoi faire sans avoir à télécharger une seule app sur le Play Store.

La nouvelle application Dictaphone nous permet de voir comment Google se projette dans l’avenir, simplifiant toujours plus nos métiers. En plus d’un enregistrement, elle permet de faire un transcript de ce qui a été dit et de chercher dans le fichier audio des mots qui auraient pu être prononcés. Nous l’avons essayé lors de la conférence parisienne de Microsoft et le résultat est hallucinant : dans une grande salle avec une sonorisation imparfaite, Dictaphone a correctement saisi les mots de Panos Panay. Tout comme il comprend notre anglais avec un accent français. Certes, on trouve çà et là des erreurs et toute la ponctuation est entrée à la fin de la saisie, ce qui rend la lecture en temps réel difficile (par exemple pour une personne malentendante qui souhaiterait « sous-titrer » un discours).

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En revanche, c’est Dictaphone qui nous met aussi sur la piste de nos plus gros regrets. Contrairement à l’an passé ou Google avait coordonné un lancement international, le Pixel 4 made for France semble avoir reçu un traitement de seconde zone. Oublions l’affront de nous proposer qu’une unique couleur : les plus grosses innovations exclusives ne sont disponibles qu’en anglais. Pire : toutes les présentations ont été traduites pour la France. On se retrouve donc à avoir dans les mains un appareil qui nous promet monts et merveilles dans la langue de Molière… et qui n’accomplit pas lesdites tâches. C’est valable pour le Dictaphone, l’application Sécurité qui n’a pas la moitié de ses fonctions disponibles ou pour Assistant.

C’est aussi, plus globalement cette fois, le cas de Soli. Google a présenté son radar à l’avant du smartphone comme le fruit de 5 ans de travail. Celui qui a pris la place du capteur ultra grand-angle à l’avant, si pratique pour les photos de groupe, peine à justifier autant de recherche. Dire bonjour à Pikachu, c’est marrant 5 minutes. Au-delà de cela, il n’a pas beaucoup d’intérêt : un geste pour « morceau suivant », un autre pour arrêter une alarme. Google n’a même pas pensé à un geste pour refuser un appel téléphonique d’un balayage de la main. On sent, frustrés, un jouet puissant avec un potentiel extrêmement sous-exploité par les applications au cœur de l’expérience.

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Dernier point, et pas des moindres, qu’il faut noter : l’excellent écran 90 Hz, qui apporte une fluidité bienvenue à l’expérience, consomme beaucoup d’énergie. Et Google n’a pas progressé. Je ne suis pas quelqu’un pour qui l’autonomie est un argument, ayant souvent des prises à portée de main, mais pourtant, cela m’a choqué sur le Pixel 4 : le voir perdre presque l’intégralité de sa batterie en moins d’une journée de travail augure du pire pour qui le smartphone est un outil professionnel. À ce jeu-là, même les iPhone de dernière générations sont devenus des maîtres.

Et cela résume assez bien ce que nous ressentons en utilisant cette génération 4 du Pixel : il s’agit de l’un des meilleurs smartphones Android du marché qui a une place garantie dans notre poche, mais qui, dans son excellence, parvient à avoir plus de défauts, réels ou ressentis, que le précédent modèle. Google n’a-t-il pas mesuré à quel point le Pixel 3 avait élevé les attentes du marché des smartphones ? En tout cas, la concurrence l’a bien vu.

Le Pixel 4 est vendu à 769 €.

Le verdict

La photo est toujours aussi bluffante et dans toujours plus de situations. Android est de plus en plus plaisant à l’usage et fonctionne de mieux en mieux comme un écosystème complet, de la domotique aux services. Face Unlock fonctionne à merveille. L’écran 90 Hz donne une fluidité rarement vue à Android. 

Et pourtant… cette année, il manque au Pixel 4 un souffle de nouveauté que le Pixel 3 apportait. Cette sortie française avec des fonctionnalités bridées, un coloris unique et une batterie indigne de 2019 nous contraint à enlever le point qui sépare l’excellent smartphone d’un smartphone presque parfait

Source : Numerama

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