Le monde de la tech ne manque pas de termes récurrents — souvent anglophones –, prisés des entreprises et des startups désireuses de valoriser leur produit comme des différents acteurs annexes (hommes et femmes politiques, médias) prompts à qualifier une tendance.
Mais quand ils sont utilisés à mauvais escient, trop entendus ou tout simplement inexacts, ces mots à valeur quasi-incantatoire finissent par avoir l’effet inverse et par décrédibiliser leurs auteurs. Tour d’horizon des termes que l’on aimerait voir disparaître pour de bon — ou être utilisés à bon escient — en 2018.
Digital, les doigts ou le numérique ?
Digital, n.m : « qui appartient aux doigts, se rapporte aux doigts ». La définition donnée par l’Académie française est limpide. Alors pourquoi d’innombrables startups et entrepreneurs continuent-ils, malgré tout, d’évoquer leur « stratégie digitale », leur « révolution digitale » et autres prouesses sur le « monde digital » lorsqu’elles veulent parler de « numérique » ?
La méprise s’explique par la reprise du terme anglais « digital », porteur de ce sens dans la langue de Shakespeare… et à une confusion entretenue par certains dictionnaires, comme le Larousse, qui définissent à tort « digital » comme un synonyme de « numérique ».
L’Académie française précise en guise de conclusion : « [Le mot] vient du latin digitalis, ‘qui a l’épaisseur d’un doigt’, lui-même dérivé de digitus, ‘doigt’. C’est parce que l’on comptait sur ses doigts que de ce nom latin a aussi été tiré, en anglais, digit, ‘chiffre’, et digital, ‘qui utilise des nombres’. On se gardera bien de confondre ces deux adjectifs digital, qui appartiennent à des langues différentes et dont les sens ne se recouvrent pas. »
Ubériser, la formule passe-partout
Ce néologisme, particulièrement prisé dans les médias et le monde politique, est devenu tellement fourre-tout qu’il semble pouvoir désigner n’importe quelle innovation plus ou moins technologique. Mais il désigne à la base tout service qui met en relation directe un client et un professionnel, sans intermédiaire — sur le modèle du service de VTC Uber, dont l’impact s’est fait ressentir sur les taxis traditionnels.
Le terme a même donné naissance à un Observatoire de l’uberisation, qui le définit pour sa part comme « un changement rapide des rapports de force grâce au numérique ».
Mais veut-on vraiment prendre pour référence une entreprise connue pour ses problèmes de sexisme latent, ses pratiques internes douteuses, sa culture du secret, et ses conditions de travail discutables ? Et, ce faisant, utiliser un terme dont le sens originel s’est depuis longtemps étiolé ?
Disrupter, une révolution à moindre frais
Dans la lignée de l’ubérisation, le néologisme « disrupter » (du verbe anglais signifiant « perturber fortement ») désigne les innovations technologiques qui perturbent tout un marché ou secteur économique.
Sans surprise, le terme est aujourd’hui employé jusqu’à l’abus, qu’il s’agisse de « disrupter l’espace de travail » ou « le secteur bancaire »… Les applis qui se lancent sur le marché semblent toutes, à en croire les communiqués, vouées à porter une véritable révolution dans leur domaine respectif.
On lui préférera le terme d’innovation, plus modeste, et plus raccord avec la nature des services proposés : se présenter comme une révolution en devenir fausse logiquement les attentes et décrédibilise le produit.
Gafa, réducteur et désuet
L’expression Gafa n’avait pas de sens en 2017, elle en aura encore moins en 2018. L’acronyme, qui désigne Google-Apple-Facebook-Amazon, est utilisé pour désigner les géants du web, ces grands acteurs qui dominent leur marché respectif.
Mais chacune de ces entreprises exerce justement dans un domaine propre, et propose des services très variés : les rassembler sous la même appellation au motif qu’elles relèvent plus largement d’un même secteur (la tech) est une erreur, qui entraîne plus de confusion qu’elle n’apporte de clarté. Ce qui ne l’empêche pas d’être très prisée des hommes et femmes politiques.
En outre, le terme apparaît aujourd’hui particulièrement désuet alors que nombre d’entreprises importantes de la tech (Tesla, Samsung…) pourraient prétendre à une place au sein d’un acronyme allongé pour l’occasion.
L’intelligence artificielle, invocation fourre-tout
S’il serait évidemment absurde de bannir le terme d’intelligence artificielle, une rationalisation de son usage s’impose pour éviter que l’expression ne perde tout son sens.
Aujourd’hui, elle est en effet utilisée à la moindre occasion pour vanter de simples algorithmes (comme des chatbots) ou pour vendre des services qui ne relèvent en rien de l’intelligence artificielle. Certains créent même une religion dédiée à l’IA.
La tendance est suffisamment forte pour que plusieurs spécialistes dénoncent cette utilisation abusive du terme — quand d’autres s’inquiètent carrément d’un phénomène « d’IA washing ».
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Vous voulez tout savoir sur la mobilité de demain, des voitures électriques aux VAE ? Abonnez-vous dès maintenant à notre newsletter Watt Else !