Les États-Unis s’efforcent d’endiguer la Chine comme puissance technologique, en la privant de certains produits de pointe. Nvidia est appelé à contribuer, comme AMD.

La souveraineté technologique est un sujet que les États-Unis ont de plus en plus à cœur. Comme leur avance dans ce domaine. Et, face à la Chine, ce sujet prend des allures de menace existentielle. L’émergence de l’Empire du Milieu en tant que superpuissance tech est de plus en plus manifeste. Face à cet essor, Washington s’emploie depuis quelques années à mettre des bâtons dans les roues de Beijing, en lui coupant certains accès.

La plus récente démonstration de cette tentative d’endiguement a été révélée ce 1er septembre 2022 par l’agence de presse Reuters. On y apprend que la société américaine Nvidia, que le grand public connaît surtout pour sa production de cartes graphiques très appréciées dans le jeu vidéo, a reçu l’instruction de l’administration US de cesser d’exporter deux puces vers la Chine. Il s’agit plus spécifiquement des puces A100 Tensor Core et H100 Tensor Core.

Source : EdTech Stanford University
Nvidia fournit des cartes graphiques, mais pas que. // Source : EdTech Stanford University

Ces deux produits sont destinés à un marché essentiellement professionnel. Plus précisément, ils sont taillés pour le domaine de l’intelligence artificielle, dont font partie des disciplines plus spécifiques comme l’apprentissage automatique (machine learning) et l’apprentissage profond (deep learning), qui servent à entraîner l’IA de façon massive à partir de modèles. Ces procédés sont aujourd’hui très en vogue dans la recherche.

Nvidia présente la puce A100 comme un produit « conçu pour les applications d’IA, d’analyse de données et de calcul haute performance ». Pour la H100, l’industriel explique qu’elle « contribue à accélérer jusqu’à 30 fois les modèles de langage les plus complexes par rapport aux produits de génération précédente, offrant ainsi des capacités d’IA conversationnelle à la pointe de l’industrie ». Et, il appuie son propos avec de nombreux graphiques vantant le bond en avant permis par l’une et l’autre.

Des capacités dans l’IA qui pourraient servir à des fins militaires

Compte tenu des domaines d’application dans lesquels interviennent l’A100 et le H100, il y a dans cette décision américaine la volonté d’empêcher la Chine d’avoir accès à des produits pouvant l’aider à progresser dans l’IA, notamment dans la reconnaissance d’images et vocale, précise Reuters. C’est plus précisément leur usage dans un cadre militaire chinois qui préoccupe Washington. Un exemple ? L’analyse de photographies satellitaires.

Nvidia n’est pas la seule compagnie à recevoir ce genre de demande. Son grand rival, AMD, est aussi face à des requêtes précises de Washington. Le groupe US a fait savoir qu’une nouvelle procédure visant à empêcher l’export des puces MI250 en Chine a été mise en place. La puce MI250 est aussi un produit taillé pour le calcul haute performance et l’intelligence artificielle. La puce MI100 n’est pour le moment pas concernée.

Ces nouvelles orientations pèseront sur l’activité commerciale de Nvidia et AMD. Cependant, les bilans trimestriels des deux entreprises ne sont ici pas l’enjeu qui alarme le plus la Maison-Blanche. Ce qui lui importe, de toute évidence, c’est de réduire les perspectives des entreprises chinoises et de l’armée populaire de bénéficier des outils les plus pointus — en particulier ceux qui ont la possibilité d’avoir une déclinaison militaire.

L’émergence tech de la Chine, préoccupation essentielle des États-Unis

L’émergence de la Chine parmi les puissances technologiques qui comptent peut s’observer à travers divers critères. Le nombre de superordinateurs possédés par la Chine est un indicateur parfois utilisé : on en compte 173 dans le pays, parmi les 500 premiers, selon le classement de juin 2022. Les USA se trouvent en 2e, avec 126 machines. Mais, le top 10 est dominé par Washington, avec cinq places (dont la 1ère), tandis que la Chine en a deux.

Cependant, si la Chine fait construire de plus en plus de superordinateurs, le pays ne dispose pas encore d’une industrie aussi avancée que celle d’autres pays — que ce soit les États-Unis, Taïwan, la Corée du Sud, le Royaume-Uni ou bien les Pays-Bas. Or, dans chacun de ces pays, et dans d’autres, il existe des concepteurs et des chaînes de production qui conservent encore une certaine avance. C’est le cas de sociétés comme Intel, TSMC, Samsung, ARM ou encore ASML.

ASML
Une machine conçue par ASML. // Source : ASML

En termes de finesse de gravure, des sociétés comme Intel (USA), Samsung (Corée du Sud), TSMC (Taïwan) ont atteint un degré de miniaturisation et de production (de l’ordre 5, 3 bientôt 2 nanomètres) que n’ont pas encore les fleurons chinois, qu’on situe plutôt aux alentours de 10 à 14 nm. ARM (Royaume-Uni) pour le design des processeurs et ASML (Pays-Bas) pour les techniques de gravure ont aussi des savoir-faire uniques.

Des savoir-faire et des compétences que les États-Unis ne veulent pas voir atteindre la Chine. C’est pour cela qu’ils tentent d’entraver la Chine sur l’usage militaire des superordinateurs, en sanctionnant plusieurs entités clés, et de dissuader ASML de poursuivre certains liens commerciaux avec l’Empire du Milieu. Et, qu’ils ont étouffé Huawei, notamment dans la 5G et dans les smartphones, en mettant la pression à quiconque souhaitait faire affaire.

S’il y a visiblement une accélération des mesures visant à contenir l’essor de la Chine, les préoccupations américaines remontent déjà à plusieurs années. En 2017, le pays s’inquiétait déjà des investissements chinois sur l’IA dans la Silicon Valley. Et en 2014, un responsable du Pentagone faisait part de ses préoccupations sur la supériorité technologique des États-Unis de plus en plus contestée dans la région Asie-Pacifique.

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