« Le festival d’Angoulême, c’était une catastrophe », rappelle Isabelle Bauthian auprès de Numerama. Romancière, scénariste et traductrice, elle est l’initiatrice d’une lettre ouverte, publiée dans ActuaLitté ce 19 avril 2022. Signée par plus de 100 auteurs et autrices (de Pénélope Bagieu à Roland Lehoucq), cette tribune en appelle à la mise en place de véritables protocoles sanitaires dans les manifestations littéraires — salons et festivals.
Isabelle Bauthian se remémore un festival d’Angoulême où plus de la moitié de ses connaissances sont revenues positives au covid. L’événement avait effectivement fait les gros titres comme « cluster géant ». Celui-ci s’était tenu en plein pic épidémique, début 2022, au moment où des gestes barrières tels que le masque n’étaient plus obligatoires en intérieur, et les organisateurs n’avaient pas émis la moindre recommandation en faveur de ces protections — ils communiquaient même sur leur absence.
Pourtant, depuis, Isabelle Bauthian nous confie que tous les festivals n’ont pas encore retenu la leçon : elle a assisté à nouveau à un cluster, récemment, lors d’un événement de plus petite envergure. Pour elle comme pour d’autres personnalités du monde des lettres, un tel manquement ne doit plus se reproduire. La lettre ouverte va droit au but : « (…) Pour toute la durée de circulation significative du virus, nous nous engageons à ne plus participer aux manifestations qui ne mettraient pas en place des mesures sanitaires raisonnées. »
« Des mesures qui ne sont pas politiques, mais purement scientifiques »
Les mesures demandées par les signataires :
- Port du masque obligatoire ou recommandé, et mise à disposition de masques ;
- Recommander un test antigénique avant de venir ;
- Renouveler l’air : cette mesure est scientifiquement prouvée comme l’une des plus déterminantes contre le covid, il s’agit d’installer des purificateurs d’air ou d’ouvrir les portes et fenêtres ;
- Restauration possible en dehors des lieux clos partagés (avec la mise à disposition de sandwichs, notamment, ce qui est loin d’être toujours le cas).
« Ce sont des mesures qui ne sont pas politiques, mais purement scientifiques, minimales, faciles, et qui ne coûtent quasiment rien », insiste Isabelle Bauthian auprès de Numerama, ajoutant sans détour qu’« un festival qui ne mettrait pas en place ces mesures est un festival qui s’en fiche de notre santé ».
Cette tribune est d’ailleurs aussi une question de symbole : il s’agit pour le monde des lettres d’envoyer le bon message à la société. « En tant qu’acteurs du livre, on est censés être des passeurs de savoirs et a minima de questions et on a la responsabilité qui va avec », nous dit Isabelle Bauthian. « On passe notre temps à chercher l’information pour la transformer en fictions ou en contes. On doit être à la hauteur. »
Dans le monde des lettres, le covid menace les plus précaires
Mais au-delà du symbole, ce qui a motivé Isabelle Bauthian à publier cette lettre est surtout un besoin de « solidarité » : « Je voulais montrer que tous ensemble, on peut aussi faire le job, prendre soin les uns des autres sans dépendre des décisions de l’État. » Et en effet, ce n’est pas parce que le masque n’est plus obligatoire que celui-ci n’est plus essentiel : tout au contraire, les scientifiques en appellent, depuis la fin du port obligatoire, à continuer à le porter dans les espaces publics clos.
Pour Isabelle Bauthian, il est indécent de dire à des artistes qu’ils ne doivent pas aller à Angoulême et autres festivals s’ils ont peur de prendre un risque. « Un tel événement est une opportunité professionnelle énorme pour des auteurs et autrices précaires », tient-elle à rappeler. Car c’est bien là que se situe le problème : les organisateurs doivent créer un contexte où les artistes ont le choix, et non s’en remettre à leur prise de risque. C’est aussi une question de survie économique.
Si le covid peut parfois être bénin, il s’accompagne très souvent d’une lourde incapacité à faire quoi que ce soit — des difficultés à respirer et une fatigue qui met à plat. Or, les lettres sont un métier précaire, aux ressources variables et ne dépassant souvent pas le SMIC. Le temps et la capacité à se rendre à des événements font partie des sources cruciales de revenus et de visibilité. « Il y a des auteurs et autrices qui font l’essentiel de leurs ventes en festival, lors d’interventions scolaires ou autres manifestations de ce type, c’est le cas en jeunesse notamment », nous explique Isabelle Bauthian. Sans compter qu’être à l’arrêt empêche de travailler, et que cela peut durer longtemps avec ce virus. Pour ces artistes précaires, la maladie Covid-19 se transforme rapidement en « une catastrophe ».
Isabelle Bauthian espère que la lettre ouverte publiée dans ActuaLitté permettra aux festivals de prendre leurs responsabilités, mais aussi qu’elle servira d’outils aux auteurs et autrices pour pousser les organisateurs à mettre en place des protocoles sanitaires… et à informer le public. Un bon exemple récent est celui de l’Ouest Hurlant, un primofestival littéraire en Bretagne qui communique en amont de sa tenue sur l’importance des mesures barrières.
« Nous osons croire que vous, organisateurs et organisatrices de festivals, ne reculerez pas devant cette responsabilité et nous aiderez à protéger vos invités et votre public », conclut la tribune publiée dans ActuaLitté.
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