« Nous avons vraiment eu de la chance avec tout. » En février 2021, une météorite est tombée en excellent état dans une petite ville d’Angleterre. La météorite est vieille de 4,5 milliards d’années, époque de formation du Système solaire. Elle contient donc des indices sur l’origine de la vie.

Le 28 février 2021 au soir, quelque chose s’est écrasé dans l’allée d’une maison, en Angleterre, à Winchcombe, petite ville du Gloucestershire. La fille du couple habitant les lieux, Hannah, raconte à la BBC le 9 mars : « Quand je l’ai entendu tomber, je me suis levée et j’ai regardé par la fenêtre pour voir ce qu’il y avait. Mais comme il faisait sombre, je ne pouvais rien voir ». Ce n’est que le lendemain matin que la famille a vu le fragment de leurs propres yeux. Hannah a d’abord cru à un « morceau de charbon ».

C’était en réalité un précieux fragment de météorite — de la chondrite carbonée — tombée du ciel et vieille de 4,5 milliards d’années. Les scientifiques du Muséum d’histoire naturelle de Londres ont commencé à l’étudier en ce début mars 2021 et, comme le narrent les chercheuses qui sont à l’œuvre, toute cette histoire relève d’une succession de coups de chance.

Les origines de la vie dans le Système solaire

La trouvaille et l’étude immédiate d’une telle relique relèvent d’un événement aussi rare qu’excitant pour les scientifiques britanniques. Si cela arrive un peu plus souvent aux États-Unis (en 2018, par exemple), ou bien dans d’autres régions du monde dont la surface est grande, cela faisait 30 ans qu’aucun fragment de météorite ne s’était écrasé spécifiquement en Angleterre. Qui plus est, beaucoup de fragments sont présents sur Terre, mais ils sont souvent tombés il y a des décennies ou des siècles : c’est la « fraicheur » de préservation de la météorite qui est scientifiquement rare ici.

Mais l’événement est d’autant plus intéressant que ce n’est pas n’importe quel type de météorite. Puisque sa datation remonte à 4,5 milliards d’années, sa formation remonte aux débuts du Système solaire. « C’est passionnant pour nous parce que ce type de météorite est incroyablement rare mais contient des indices importants sur nos origines », relève la chercheuse Ashley King sur le site du musée.

Météorite de Winchcombe. // Source : The Trustees of the Natural History Museum, London

Météorite de Winchcombe.

Source : The Trustees of the Natural History Museum, London

Qu’est-ce que nos origines ont à voir dans cette histoire ? Il se trouve que la météorite contient des minéraux argileux, ce qui signifie qu’il y avait autrefois de l’eau gelée à l’intérieur. C’est à partir de ce constat que l’on définit une météorite de type chondrite carbonée : la présence de minéraux argileux et donc de molécules organiques… dont des acides aminés, constitutifs de la vie. Or, ces météorites sont des éclats provenant d’astéroïdes ; et ces astéroïdes proviennent eux-mêmes des protoplanètes du Système solaire primitif.

En résumé, ces météorites sont en un sens des capsules temporelles contenant des informations précieuses sur les matériaux originels, les plus primitifs et les plus purs, de la vie sur Terre. « Les météorites comme celle-ci sont des reliques du système solaire primitif, ce qui signifie qu’elles peuvent nous dire de quoi sont faites les planètes. Mais nous pensons aussi que des météorites comme celle-ci ont pu apporter de l’eau à la Terre, fournissant à la planète ses océans », explique Sara Russel, sur le site du musée.

Une chance sur 65 000

Il existe 65 000 météorites répertoriées par les observations du Système solaire. Parmi elles, seules 51 sont potentiellement des chondrites carbonées contenant ce type d’informations. « C’est presque bluffant, car nous travaillons sur des missions spatiales de retour d’échantillons d’astéroïdes Hayabusa2 et OSIRIS-REx, et le matériau [de la météorite tombée à Winchcombe] ressemble exactement à celui qu’ils collectent. Je suis tout bonnement sans voix et très excitée », se réjouit Sara Russel.

« Normalement, nous devons envoyer des vaisseaux spatiaux pour collecter des fragments d’autres mondes, mais cette fois, il y en a un qui est tombé directement dans nos mains ! », renchérit le Dr Katherine Joy.

La météorite de chondrite carbonée crashée en Angleterre, en février 2021. Elle pèse 300g, ce qui reste beaucoup. // Source : The Trustees of the Natural History Museum, London

La météorite de chondrite carbonée crashée en Angleterre, en février 2021. Elle pèse 300g, ce qui reste beaucoup.

Source : The Trustees of the Natural History Museum, London

C’est en effet le moment de rappeler que les missions Hayabusa2 et OSIRIS-REx ont passé deux ans dans l’espace pour aller se poser périlleusement sur des astéroïdes, récupérer des fragments, et revenir. La sonde Hayabusa2, revenue en décembre 2020, nous a ramené un échantillon de 4,5 grammes. La sonde OSIRIS-REx rapportera quant à elle 60 grammes, d’ici 2023. Mais la météorite de Winchcombe, simplement tombée dans une allée, représente quant à elle 300 grammes.

« Nous avons vraiment eu de la chance avec tout »

Mais nous n’en avons pas fini avec la rareté de l’événement. Les chances que la météorite atterrisse en si bon état étaient minces : les chondrites carbonées sont fragiles, alors, pour qu’on les récupère, il faut qu’elles survivent à la chute puis au crash. Or, ces météorites peuvent atteindre une vitesse de 70 kilomètres par seconde. Si la météorite de Winchcombe était descendue ainsi, elle se serait désintégrée dans l’atmosphère. D’après les images, il se trouve qu’elle est descendue à 13 kilomètres par seconde.

« Le fait qu’elle se déplaçait aussi lentement et qu’elle ait été collectée si rapidement après l’atterrissage, en évitant toute pluie susceptible de modifier sa composition, signifie que nous avons vraiment eu de la chance avec tout », relate Ashley King. La famille ayant récupéré la météorite a, en plus, rassemblé très rapidement dans un sac tous les morceaux éparpillés dans le jardin, avant même de savoir ce qu’étaient ces fragments.

Ce n’est toujours pas fini avec les coups de chance : nous vivons en 2021, et il s’avère qu’à notre époque, la descente d’une météorite aussi visible est filmée par des centaines de caméras à des angles divers et variés. C’est grâce à cela qu’il a été possible de trianguler le lieu d’atterrissage ; mais cela permet aussi de déterminer de quelle région spatiale elle provient. On sait donc qu’elle nous vient des régions extérieures de la ceinture d’astéroïdes, entre les orbites de Mars et de Jupiter.

« Il y a tellement de choses qui se sont bien passées », conclut Sara Russel. « J’étais doctorante lorsque la dernière météorite britannique est tombée et j’attends depuis. J’ai toujours rêvé d’une chondrite carbonée, mais on ne s’attend pas du tout à ce que cela se produise. C’est absolument un rêve qui se réalise. »

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