Pour tenter de détecter une forme de vie multicellulaire sur une autre planète, des scientifiques proposent une idée étonnante : utiliser l’ombre des arbres. Même si leur hypothèse doit être encore renforcée, elle a le mérite d’explorer une piste inattendue.

Plus de 4 000 exoplanètes ont été découvertes, mais pour l’instant aucun signe de vie extraterrestre n’a jamais été détecté. De nombreux scientifiques se demandent comment répondre à cette question essentielle : y a-t-il une vie en dehors de la Terre ? Les solutions envisagées étonnent plus ou moins par leur originalité. Une équipe de chercheurs vient d’en proposer une pour le moins surprenante : il faudrait s’intéresser aux arbres, et plus précisément à leur ombre.

Leur hypothèse a été détaillée dans la revue International Journal of Astrobiology, le 1er octobre 2020 (une prépublication est consultable sur arXiv). Il faut d’abord noter que les auteurs s’intéressent à une forme de vie en particulier : une vie multicellulaire (composée de plusieurs cellules). « Peut-on distinguer la vie multicellulaire de la vie unicellulaire sur une exoplanète ? Nous émettons l’hypothèse qu’une vie multicellulaire photosynthétique verticale abondante (des arbres) projettera des ombres à des angles solaires élevés qui les distingueront de la vie unicellulaire et testons cela en utilisant la Terre comme une exoplanète », expliquent les scientifiques.

Des arbres et leurs ombres. // Source : Pexels/Anthony (photo recadrée)

Des arbres et leurs ombres.

Source : Pexels/Anthony (photo recadrée)

Une ombre différente de celle des objets inanimés

On compte 3 000 milliards d’arbres sur Terre. Chacun a sa propre ombre, qui est différente que celle que les objets inanimés projettent sur le sol. « Si vous sortez à midi, presque toutes les ombres viennent des objets humains ou de plantes et il y aurait très peu d’ombres à cette heure de la journée s’il n’y avait pas de vie multicellulaire », explique Christopher Doughty, professeur adjoint à la Northern Arizona University, spécialisé en éco-informatique (l’utilisation de l’informatique dans les sciences de l’environnement) et co-auteur de l’étude, cité dans un communiqué.

Par ailleurs, il faut noter que les auteurs s’appuient sur l’hypothèse que la vie multicellulaire qui aurait les chances d’être la plus abondante sur une exoplanète, à supposer qu’elle existe quelque part, « serait probablement des organismes photosynthétiques verticaux ».

En pratique, comment faire ?

Les auteurs estiment ainsi que « les ombres à certains angles solaires peuvent indiquer la vie multicellulaire », mais encore faudrait-il, si cela est avéré, parvenir à détecter de telles ombres sur une exoplanète. Les prochains télescopes qui scruteront le ciel pour chercher une forme de vie sur un autre astre n’auront probablement pas beaucoup de marge : les auteurs estiment qu’ils n’auront sans doute « qu’un seul pixel » pour déterminer si la vie est présente ou non. Comment s’assurer, avec cet unique pixel, que l’on peut détecter de telles ombres ?

Les auteurs ont dû exclure la possibilité que les cratères, notamment, puissent projeter eux aussi des ombres similaires à celles des arbres. Pour le vérifier, ils ont étudié un lieu situé au nord de l’Arizona, une réplique d’un site d’atterrissage lunaire créé en 1967 et utilisé lors des entrainements des missions Apollo. À l’aide de drones, ils ont confirmé que les ombres projetées par les cratères étaient distinguables de celles des arbres.

Ils ont par ailleurs voulu tester leur théorie à grande échelle, en prenant pour objet d’étude la Terre. À l’aide des données de l’instrument Polder, développé par le CNES pour analyser les nuages et aérosols, l’ombre des arbres sur Terre à différents moments de la journée a pu être observée. La définition des images a ensuite été ramenée à un pixel, pour représenter ce que verrait un observateur pouvant contempler la Terre tournant autour du Soleil. Une comparaison a été effectuée avec d’autres astres (Mars, la Lune, Vénus et Uranus), ne possédant pas de vie multicellulaire connue. Dans les zones où la végétation était en abondance, les chercheurs ont montré que l’on pouvait distinguer la vie multicellulaire grâce aux ombres. Mais lorsque la planète était réduite à un pixel, il devenait plus difficile de tirer une telle conclusion.

Une technique prometteuse, qu’il faudra améliorer

« Nous avons reconnu des problèmes avec nos modèles et nos observations empiriques qui doivent être améliorés avant que cette technique puisse être utilisée en toute confiance », admettent les auteurs. Ces travaux ont néanmoins le mérite d’envisager le potentiel étonnant des arbres et de leurs ombres pour la recherche d’une vie extraterrestre. Les chercheurs proposent de ne pas abandonner cette piste, car « théoriquement, cela pourrait encore fonctionner » et d’ailleurs, ajoutent-ils, de toute façon « nous ne connaissons pas d’autres techniques pour distinguer une exoplanète avec une vie multicellulaire ».

On pourrait imaginer que de futurs télescopes finissent par être en mesure, dans les prochaines décennies, d’observer les exoplanètes avec davantage de pixels. Cette amélioration technologique pourrait peut-être alors permettre d’envisager à nouveau cette hypothèse originale.

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