La naissance d’un troisième enfant dont l’embryon a été génétiquement modifié est imminente en Chine. Il n’est pas exclu que le bébé soit déjà né, a informé le MIT Technology Review le 3 juillet 2019. La grossesse, confirmée en janvier dernier, pourrait bien être arrivée à son terme, croient savoir nos confrères. Si oui, cela pourrait poser la question de la reconnaissance de l’enfant par les autorités chinoises.
L’affaire des « bébés CRISPR » remonte au mois de novembre 2018 : un scientifique chinois, He Jiankui, membre de la Southern University of Science and Technology de Shenzhen, avait réalisé des manipulations génétiques sur les embryons de 2 jumelles qui venaient de naître. Pour ce faire, il avait employé la méthode du « ciseau génétique » permettant de réaliser une modification dans l’ADN. Ses travaux avaient été révélés à l’occasion d’un sommet international sur le génome humain et ses modifications.
William B. Hurlbutt, neurobiologiste et professeur à l’université de Stanford, estime désormais que cette grossesse doit être arrivée à son terme. Comme l’explique le MIT, il a régulièrement communiqué avec He Jiankui depuis 2017. Le neurobiologiste connaitrait d’ailleurs la date à laquelle cette troisième grossesse a commencé, mais il ne souhaite pas la révéler afin de protéger l’identité des parents et de leur enfant. On ne sait donc pas si cette grossesse a commencé avant la naissance des 2 premiers bébés nés après une manipulation, ou peu après.
Qu’est-ce que la méthode CRISPR ?
La métaphore du ciseau génétique n’est pas un hasard : la méthode CRISPR consiste à couper dans l’ADN pour modifier le patrimoine génétique. L’entaille est faite dans l’ADN à l’aide d’une enzyme, Cas9, pour éteindre le gène ciblé par cette manipulation. He Jiankui avait employé cette technique pour mener des tests sur des couples sérodifférents, avec un homme séropositif et une femme séronégative. Il prétendait vouloir immuniser les futurs enfants contre le VIH (responsable du sida), en éditant un gène bien précis, baptisé CRR5. Ce gène est impliqué dans la guérison d’un patient atteint du sida : cette personne, guérie depuis 2007, avait reçu une greffe de moelle osseuse d’un donneur possédant une immunité naturelle contre le VIH (immunité provoquée par la mutation du gène CCR5).
7 couples prenaient part à cette expérience lorsqu’elle a été annoncé à la fin de l’année 2018. Le cas de Lulu et Nana, les deux premiers enfants nés après cette modification génétique, a vite préoccupé la communauté scientifique. Des experts se sont inquiétés que cette modification puisse mettre en danger la santé des enfants en les rendant plus vulnérables à d’autres problèmes (comme le risque de mourir de la grippe, par exemple).
Les experts évitent d’en parler sur WeChat
Le terme de cette troisième grossesse et la naissance probable d’un nouvel enfant risquent à nouveau de soulever ces questionnements. Le MIT souligne aussi qu’il n’est pas certain que le gouvernement chinois accepte de reconnaître cet enfant. Le pays a enfin réagi en mai 2019 pour encadrer plus étroitement les modifications génétiques sur des humains ou des embryons. Même les experts chinois préfèrent éviter d’aborder le sujet sur les réseaux sociaux, comme WeChat où les publications sur le sujet font l’objet d’un suivi de la part du gouvernement.
Les modifications génétiques permises par la méthode CRISPR intéressent au-delà des frontières chinoises. Un scientifique russe envisage sérieusement d’employer cette technique pour modifier lui aussi des embryons humains. Évidemment, il prétend que sa méthode sera plus efficace et sûre que celle de He Jiankui.
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