Spécialisée dans l’interception d’objets spatiaux, l’entreprise française DARK avait de grands projets avec le monde militaire. Mais faute de budget suffisant, elle a dû baisser le rideau.

La lumière s’éteint sur les ambitions de DARK. Dans un message paru le 8 octobre sur LinkedIn, la société annonce la fin de ses activités. Non en raison d’un manque de résultats ou à cause d’une limite technologique indépassable. Ce sont les considérations politiques et structurelles, mais aussi budgétaires, qui ont mis son avenir dans une impasse.

L’entreprise, créée à l’été 2021, était spécialisée sur les questions de défense. Le projet ? Construire un système pour sécuriser l’orbite basse, grâce à un engin nommé Interceptor. Il s’agissait d’un projet de vaisseau venant s’arrimer à un engin hostile pour le redescendre vers l’atmosphère. L’interception devait être extrêmement rapide, de l’ordre de quelques heures à peine.

Une start-up jeune et victorieuse

« Notre ambition était d’ancrer une capacité privée qui, à la fois, renforcerait la sécurité nationale, et générerait de la valeur économique et diplomatique à travers l’exportation », est-il résumé.

Figure du new space français, DARK avait connu un départ en fanfare. Tout juste quelques mois après sa création, la jeune entreprise annonçait une levée de fonds de 5 millions d’euros. A l’époque, les deux fondateurs âgés d’à peine une trentaine d’années, Clyde Laheyne et Guillaume Orvain, ne parlaient pas d’Interceptor, ni même de monde militaire.

Vue d'artiste de l'avion-lanceur de DARK
Vue d’artiste de l’avion-lanceur de DARK. Source : DARK

L’ambition était de se passer des micro-lanceurs, souvent mis en difficulté, et de concevoir une fusée capable d’être mise en orbite grâce à un avion en plein vol. Le but : lancer une fusée à partir de n’importe quel aéroport, sans avoir besoin d’un pas de tir dédié. Le secteur aurait ainsi bénéficié d’une plus grande flexibilité dans la mise en orbite de charges utiles.

Les éboueurs de l’espace

En 2022, DARK ajoutait une autre corde à son arc, avec la levée de 2 millions d’euros supplémentaires auprès de Bpifrance. Outre la perspective de multiplier les lancements de manière aussi fluide et intense que SpaceX, il était aussi question de développer une approche responsable de l’espace, avec des opérations de nettoyage spatial. Les vaisseaux de DARK auraient pu désorbiter des satellites ou des débris en orbite.

Représentation simulée de Clearspace, qui vise à récupérer des débris spatiaux. // Source : ESA
Représentation simulée de Clearspace, qui vise à récupérer des débris spatiaux. // Source : ESA

À la même période, la start-up suisse ClearSpace proposait également ce type de service et avait reçu une grosse enveloppe d’environ 100 millions d’euros de l’Agence spatiale européenne (ESA) pour mener à bien ce projet qui n’a jamais vraiment abouti.

En septembre 2023, les choses semblaient bien se profiler pour l’entreprise, avec de grandes annonces. En particulier, on évoquait un premier vol d’essai en 2028 pour Interceptor, l’éboueur de l’espace chargé d’aller récupérer les débris spatiaux. Sur le papier, il aurait été largué par une fusée, elle-même lancée par un avion ayant décollé de l’aéroport de Bordeaux.

La transition vers le monde militaire

2024 est arrivée avec une nouvelle levée de fonds de 6 millions d’euros auprès d’un fonds d’investissement américain (Long Journey, tenu par Arielle Zuckerberg, la petite sœur de Mark). La progression de DARK attire l’attention du ministère des armées en France, ce qui donne lieu à une étude préliminaire pour concevoir des projets de captures d’objets spatiaux dangereux.

C’est là que les fondateurs, anciens salariés du missilier MBDA, se rapprochent plus sérieusement du monde militaire. L’entreprise se focalise davantage sur les technologies de défense, notamment à travers HADES, un système capable d’identifier d’éventuelles menaces en orbite basse.

Mais si l’armée française était intéressée par ces innovations, il n’y a pas eu la possibilité de créer une réelle relation stratégique, contrairement à d’autres pays où des sociétés privées signent des contrats avec leurs gouvernements.

« Les fondations nécessaires pour une telle privatisation ne se sont jamais matérialisées en France »

DARK

C’est ce que reflète le communiqué : « Les fondations nécessaires pour une telle privatisation ne se sont jamais matérialisées en France. Continuer sans cet ancrage aurait voulu dire réorganiser DARK en un modèle fragile dépendant d’un seul client. »

En clair, l’armée française était prête à faire appel à eux ponctuellement, mais sans davantage d’engagement. Et comme les technologies militaires sont extrêmement sensibles, il n’était pas question de passer des contrats avec d’autres puissances étrangères.

Dans ces conditions compliquées, DARK, qui compte aujourd’hui une quarantaine de salariés, a donc choisi de baisser le rideau.

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