Ça y est, il est allumé. À 700 mètres sous terre, loin au sud de la Chine, le détecteur de neutrinos JUNO (Jiangmen Underground Neutrino Observatory) a commencé à récolter ses premières données le 26 août 2025, après onze ans de chantier.
Concrètement, il s’agit d’un réservoir sphérique géant contenant 20 000 tonnes de liquide scintillant. Cette piscine gigantesque contient des particules enrichies en fluor qui doivent scintiller lorsqu’elles entrent en contact avec des neutrinos.
Les neutrinos, partout et pourtant nulle part
L’objectif, évidemment, est d’obtenir une réaction, car ces particules sont omniprésentes autour de nous, mais invisibles. Surnommé « particule fantôme », un neutrino ne possède pas de charge électrique et quasiment aucune masse. De fait, elle interagit à peine avec la matière ordinaire, et traverse littéralement les atomes, qui contiennent en réalité beaucoup de vide.
Produits en grande quantité par toutes les étoiles dans l’Univers, dont le Soleil dans le Système solaire, les neutrinos sont chaque seconde des centaines de milliards à traverser chaque centimètre carré de notre corps.

La seule manière de les « voir » est donc d’attendre qu’ils entrent en contact avec une particule de matière ordinaire, ce qui produit de l’énergie visible sous forme de flash lumineux. Plusieurs détecteurs similaires existent, mais JUNO est un peu à part.
Tout d’abord, il est extrêmement grand. Un choix délibéré, puisque le but est d’obtenir une collision entre un neutrino et une autre particule. Plus il y a de surface couverte, plus les chances sont statistiquement élevées d’obtenir un résultat. Il a aussi fallu le construire profondément sous la terre pour ne pas être gêné par les radiations solaires et les perturbations atmosphériques.
Le mystère des oscillations
Par ailleurs, il est idéalement situé en se trouvant pile entre deux centrales nucléaires, à 53 kilomètres de distance. Ces installations, situées à Taishan et à Yangjiang, produisent des antineutrinos qui sont donc censés arriver au niveau de JUNO en même temps.
C’est cette simultanéité qui doit permettre de capter un phénomène encore mal connu : l’oscillation des neutrinos. Il s’agit d’un mécanisme à travers lequel les neutrinos changent de « saveur » — se transforment, pour le dire simplement. Un même neutrino pourra ainsi, lors de son voyage, devenir électronique, muonique ou tauique. Pourquoi et comment ? Mystère ! Mais les scientifiques liés à JUNO espèrent bien en découvrir davantage grâce à des mesures extrêmement précises censées pouvoir décoder ces drôles de transformations.
Concrètement, les neutrinos doivent pénétrer à l’intérieur de la piscine de JUNO, entrer en collision avec une particule formant le liquide. Cela devrait déclencher un flash lumineux qui sera ensuite capté par les détecteurs placés tout autour.
Pendant ce temps, à Toulon, une même quête est menée
Cette architecture rappelle un autre projet, européen celui-ci : KM3NeT. Dans cette collaboration impliquant la France, l’Espagne, le Maroc, l’Italie et la Grèce, plusieurs milliers de détecteurs sphériques sont répartis en Méditerranée, au large de Toulon, pour capter là aussi les émissions de neutrinos.

En Antarctique, le détecteur IceCube fonctionne sur le même principe avec des installations mises en place sous la glace.
La différence entre ces différents projest est que JUNO se concentre plutôt sur les neutrinos « artificiels » produits par les centrales nucléaires, tandis que KM3NeT et IceCube sont dédiés à ceux émanant du Soleil.
Les espoirs autour de JUNO sont grands. Plus de 700 chercheurs provenant de 17 pays, dont la France, sont impliqués dans le programme, et il est prévu pour durer au moins trois décennies. Et ce dans le but de percer à jour le fonctionnement de l’Univers, rien que ça.
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