En Russie, c’est une date historique, mais pour la France, c’est surtout le souvenir d’une défaite cuisante. En 1812, Napoléon lance une campagne militaire afin d’envahir l’Empire russe. Largement supérieurs en nombre, les soldats français vont jusqu’à prendre Moscou, avant d’être repoussés par une contre-offensive russe. Bilan, des centaines de milliers de morts de chaque côté, et le début d’une longue descente pour l’empereur français qui voit ses alliés se retourner contre lui à la suite de cette débâcle.
Des troupes battues par des poux
Mais pourquoi cette campagne de Russie intéresse-t-elle tant les scientifiques, bien au-delà des historiens ? Parce que la défaite française est aussi due à des facteurs autres que militaires. De précédentes études ont identifié des pathogènes qui auraient mis à mal les troupes napoléoniennes, déjà affaiblies par le violent hiver russe.

Dans une étude pas encore parue dans une revue scientifique, mais placée sur le serveur BioRxiv le 16 juillet 2025, et repérée le 5 août par ScienceAlert, une équipe de scientifiques menée par Rémi Barbieri, de l’Institut Pasteur, a pratiqué une analyse ADN sur les restes des soldats. 13 d’entre eux ont pu être étudiés, notamment leurs dents, afin de savoir de quoi ils souffraient avant de mourir.
Les médecins de l’époque avaient évoqué le typhus, mais aucune trace de la bactérie responsable de cette maladie n’avait été trouvée. Ici, les chercheurs ont pu mettre en évidence la présence d’une souche de Salmonella enterica, une bactérie qui provoque une paratyphoïde, une violente fièvre. Mais aussi des traces de Borrelia recurrentis, une autre bactérie provoquant de la fièvre et transmise par des poux.
Des poux avaient déjà été détectés auparavant parmi les corps retrouvés après ces batailles. Notamment dans une étude de 2006 signée… Didier Raoult ! Mais cette fois, les scientifiques se sont assurés que les soldats n’avaient pas été blessés par des armes : ils sont bien décédés d’une autre manière, et les infections bactériennes sont les premières suspectes. De plus, les deux bactéries identifiées dans cette étude n’avaient auparavant jamais été trouvées sur place.
Tous ces cadavres ont été trouvés dans une fosse identifiée à Vilnius, en Lituanie, et qui contenait 3000 corps. Des hommes enterrés avec leurs chevaux et leurs uniformes, sans armes. Mais les auteurs de l’étude préviennent : il faudrait des analyses bien plus complètes pour comprendre exactement à quel point ces infections ont joué un rôle déterminant dans l’issue de la bataille.
Une question toujours d’actualité
Les historiens documentent la retraite depuis Moscou, entre le 19 octobre et le 14 décembre 1812, estimant que les pertes sont dues à l’épuisement, le froid, la faim et les maladies. Les Français étaient arrivés dans une ville en flammes et en ruine, et n’ont eu d’autre choix que de repartir en arrière.
Dès le départ, le typhus fut considéré comme l’infection principale ayant affecté les troupes, et cette étude ne l’exclut pas. Comme l’analyse ne repose que sur 13 corps, il est possible que d’autres soldats aient été infectés. Les analyses ADN plus solides qu’elles ne l’étaient il y a encore quelques années permettent d’affirmer que la fièvre paratyphoïde a causé des décès, mais les auteurs précisent : « Au vu des conditions extrêmes qui ont caractérisé cette retraite, la présence de multiples infections simultanées est extrêmement plausible. » Dans plusieurs cas, il se pourrait aussi que la fièvre n’ait pas été directement fatale, mais qu’elle aurait affaibli les troupes.
Le débat a beau avoir plus de deux siècles, savoir ce qui a battu l’armée napoléonienne reste encore aujourd’hui d’actualité. En 2023, Vladimir Poutine a dénoncé le soutien français à l’Ukraine, comparant l’attitude d’Emmanuel Macron avec celle de Napoléon, et rappelant comment la conquête de 1812 avait tourné court pour l’empereur. Alors, les Russes avaient-ils les poux de leur côté durant cette campagne ? Certainement. Mais à quel point cela a-t-il joué dans le conflit, la question reste ouverte.
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