Le bisou sur la bouche existe depuis quelle époque ? Une étude scientifique bouscule les idées reçues sur la véritable histoire du baiser sur la bouche.

Pourquoi on s’embrasse ? Quelle est la véritable histoire du bisou romantique ? Peut-on remonter historiquement au tout premier baiser ? Oui et non : il est possible d’estimer une période durant laquelle la coutume est apparue, à partir de sources qui en font mention. En 2022, une étude génétique dédiée à l’herpès venait avec une brève histoire du baiser, qui signalait la première mention de la pratique dans la littérature en Asie de l’est, en 1500 avant notre ère.

Plus précisément, ce serait à ce moment qu’une coutume relationnelle se serait transformée pour donner lieu aux embrassades romantiques. Initialement, on se pressait et on se frottait le nez, l’un contre l’autre. Selon cette étude, cette pratique se serait donc transformée en baiser bouche-contre-bouche en 1500. Le Kamasutra a été publié un bon millénaire après, en 300 avant notre ère, avant de se répandre peu à peu dans le monde — notamment via le voyage des troupes d’Alexandre le Grand.

Mais cette histoire est dorénavant contestée. Et si l’apparition du bisou était plus ancienne, et plus complexe, que ne le suggère cette étude ? En février 2024, le New York Times est parti à la rencontre d’un couple de scientifiques danois, le Dr. Troel Pank Arboll et le Dr. Sophie Lund Rasmussen. Ces derniers repoussent la date du premier baiser à une époque plus lointaine, dans leur étude publiée dans la revue Science.

S’embrasser en Mésopotamie

Le couple repose en grande partie ses travaux sur une tablette d’argile datant de 2400 avant notre ère, en Mésopotamie, soit un siècle avant la précédente estimation. Nommée cylindre de Barton, cette tablette sumérienne porte sur un mythe de la création. Sur l’une des colonnes, on y lit que le maître du cosmos, Enlil, a des relations sexuelles avec la déesse mère Ninhursag. Puis ils s’embrassent.

« Les sujets ont d’abord des rapports sexuels et ne s’embrassent qu’ensuite »

Le cylindre de Barton. // Source :  Museum of Archaeology and Anthropology
Le cylindre de Barton. // Source : Museum of Archaeology and Anthropology

Les baisers romantiques tels qu’on les connaît existaient donc déjà. Mais, à cette époque, les codes sociaux en la matière étaient différents. « Dans les représentations de l’acte du baiser au sein de la littérature sumérienne, les sujets ont d’abord des rapports sexuels et ne s’embrassent qu’ensuite », détaille un assyrologue, Gonzalo Rubio, au New York Times. S’embrasser avait d’ores et déjà des implications sociales déterminantes : le bécotage en dehors du mariage était mal vu au même titre que l’adultère. Avec, aussi, des symboliques religieuses. « Embrasser une prêtresse était considéré comme privant l’embrasseur de la capacité de parler », indique Troel Pank Arboll, car les prêtresses n’étaient pas considérées comme « sexuellement actives ».

Après la fin de la civilisation sumérienne, les codes des baisers ont encore évolué. En Rome antique, il existait un terme différent pour chaque type d’embrassade socialement codée :

  • L’osculum : une simple bise, sur la main ou la joue ;
  • Le basium : initialement, lèvre contre lèvre mais bouche fermée (un smack), censé être non-romantique, entre amis ;
  • Le savium : l’équivalent romain du french kiss, un baiser « complet » donc.

C’est au fil des siècles suivants que le baiser sur la bouche est devenu, peu à peu, un symbole plus important du couple. Le fait de pouvoir sentir l’odeur du partenaire pourrait faire partie des facteurs chimiques à l’origine de cette pratique, estime Sophie Lund Rasmussen : « Chez les humains comme chez les hérissons, il s’agit de trouver le partenaire le plus fort et le plus sain pour produire la progéniture la plus forte et la plus saine. On évalue donc inconsciemment l’aptitude d’une personne à travers des indices chimiques tels qu’une mauvaise haleine, qui pourrait indiquer une mauvaise dentition, ce qui pourrait indiquer de mauvais gènes. »

Carlota et Sara dans Les Demoiselles du téléphone. // Source : Netflix
Carlota et Sara dans Les Demoiselles du téléphone. // Source : Netflix

Le baiser n’est pas une coutume « apparue brusquement »

In fine, les travaux d’Abroll et Rasmussen démontrent surtout qu’il n’est pas crédible d’identifier une période et un lieu d’apparition pour les bisous tels qu’on les connaît. « Le baiser n’est pas une coutume qui est apparue brusquement en un seul point d’origine. Au contraire, il semble que cette coutume ait été répandue dans toute une série de cultures », constate Abroll.

« Ils ont voulu remettre les pendules à l’heure »

Raison pour laquelle Gonzalo Rubio estime que cette réécriture de l’histoire du baiser par ce couple de scientifiques, via leur étude, était nécessaire : « Ils ont voulu remettre les pendules à l’heure en corrigeant une approche particulièrement réductrice du comportement humain. »

L’étude des comportements chez d’autres animaux que l’être humain confirme le caractère complexe du bisou — dont nous n’avons pas l’exclusivité. « Le baiser sur les lèvres a été observé chez les chimpanzés et les bonobos, nos plus proches parents vivants », indique le Dr Rasmussen. Chez les chimpanzés, il existe des baisers platoniques pour déterminer la compatibilité entre deux individus ; chez les bonobos, la langue est impliquée dans les rapports sexuels (sexe oral, baisers intenses…) — « Les pratiques de ces primates en matière de baisers indiquent quelque chose de fondamental qui remonte à loin dans l’histoire de l’humanité. »

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