Le département américain de l’énergie considère l’hypothèse d’un accident de laboratoire comme plus probable qu’avant pour expliquer l’origine du covid, d’après des médias américains comme le Wall Street Journal. La réalité derrière cette information reste bien plus floue.

Le coronavirus SARS-CoV-2 a émergé il y a plus de 3 ans. Ce recul permet de mieux comprendre son fonctionnement, comme la durée de l’immunité. Il reste toutefois des zones d’incompréhension, comme la façon dont les mutations initiales ont permis à ce virus d’émerger et de nous infecter. L’hypothèse la plus admise est, comme pour beaucoup de maladies, une zoonose : le passage de l’animal vers l’humain à travers une mutation chez un hôte animal intermédiaire.

Mais la thèse de la fuite accidentelle d’un laboratoire — puisqu’il en existe un à proximité de Wuhan — a été également très diffusée. Donald Trump l’a popularisée, avant que ce soit repris sans nuances par la sphère conspirationniste. Les scientifiques, de leur côté, gardent la tête froide : l’hypothèse n’est pas rejetée, mais s’avère très loin d’être admise, en l’absence de preuves.

Elle revient toutefois sur le devant de la scène médiatique cet hiver. Le Wall Street Journal et le New York Times expliquent tous deux, ce 27 février, que le département américain de l’Énergie estime que la fuite d’un laboratoire est la plus vraisemblable. Les titres, toutefois, ne sont pas très fidèles à la réalité : dans le corps des articles, les journaux ajoutent que l’hypothèse est malgré tout classée comme peu probable. D’où vient ce paradoxe ?

Fuite de laboratoire « extrêmement improbable » selon le rapport de l’OMS

Initialement, l’OMS a mené une enquête en Chine, notamment autour de la zone de Wuhan où le point d’origine est suspecté. Cela donnait lieu à un rapport, en 2021, qui tirait quatre conclusions sur quatre scénarios :

  • La dissémination zoonotique directe (origine et contimination via une autre espèce) est considérée comme une « voie possible à probable »
  • L’introduction par un hôte intermédiaire (mutation chez un animal) est considérée comme une « voie probable à très probable » ;
  • L’introduction par le biais de produits de la chaîne alimentaire (rupture de la chaîne du froid, etc.) est considérée comme « une voie possible » ;
  • L’introduction par un incident de laboratoire est considérée comme une « voie extrêmement improbable ».
Une zoonose du coronavirus du pangolin vers l'humain pourrait être à l'origine de Covid-19. // Source : A. J. T. Johnsingh, WWF-India and NCF
On sait aujourd’hui que le pangolin n’est pas l’hôte intermédiaire du coronavirus SARS-CoV-2. // Source : A. J. T. Johnsingh, WWF-India and NCF

À l’heure actuelle, cependant, aucune hypothèse ne dispose d’un ensemble d’éléments factuels très convaincants. Le pangolin a été « innocenté » comme hôte intermédiaire, grâce aux travaux génétiques sur le génome du coronavirus, mais, encore aujourd’hui, on ne sait pas bien quelle espèce est concernée. Des similarités génétiques ont été trouvées du côté de chauve-souris, mais au Laos, non à Wuhan.

Que dit vraiment le ministère de l’Énergie américain ?

De « nouveaux renseignements » auraient incité le ministère de l’Énergie américain à surclasser l’hypothèse de la fuite accidentelle d’un laboratoire. Le contenu de ces renseignements n’a pas été divulgué. C’est en tout cas un changement de position au sein de ce département, puisque ce ministère classait précédemment l’origine du coronavirus comme « indéterminée ».

Il ne faut toutefois pas en tirer des conclusions trop hâtives, les titres des articles étant moins nuancés que leur contenu. Le New York Times et le Wall Street Journal précisent dans le corps d’article de leurs révélations que le changement de statut de l’hypothèse a été fait sur la base « d’un faible niveau de confiance ».

Autre élément déterminant du dossier : il y a désaccord entre les agences de renseignements américaines et les différents départements. Cette division était présente dans un document de 2021, de l’Office of the Director of National Intelligence, qui déclassifiait les conclusions des différentes agences. La zoonose et la fuite de laboratoire y sont citées comme des pistes plausibles. Ce rapport relevait l’impossibilité d’une conclusion définitive, par manque d’informations et de preuves tangibles pour une solution ou l’autre.

« Certains éléments de la communauté du renseignement ont tiré des conclusions d’un côté, d’autres de l’autre. »

Conseiller à la sécurité nationale des États-Unis

Cette ambiguïté n’a pas changé. La communauté américaine du renseignement reste encore aujourd’hui divisée. « Certains éléments de la communauté du renseignement ont tiré des conclusions d’un côté, d’autres de l’autre. Un certain nombre d’entre eux ont déclaré qu’ils n’avaient tout simplement pas assez d’informations pour être sûrs », a rappelé Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale des États-Unis.

En clair, même si aujourd’hui le ministère de l’Énergie a surclassé en interne l’hypothèse de l’accident de laboratoire comme davantage probable, cela ne change pas grand-chose au statu quo : on ne dispose pas d’éléments convaincants pour attester d’une solution ou une autre. Tout ce que l’on sait, c’est que les mutations du coronavirus SARS-CoV-2 correspondent à un phénomène de zoonose déjà observé ; mais que l’accident de laboratoire n’est « pas impossible » non plus.

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