Les débris d’une fusée chinoise ont cristallisé les craintes de voir un reste de vaisseau spatial s’écraser sur nos têtes. Mais, si le risque existe, il est mince. Des études sont en cours pour le rendre plus minime encore. À l’Agence spatiale européenne, le projet MIDGARD prend ceci très au sérieux.

Les débris d’une fusée chinoise Longue Marche 5B retombaient sur Terre, le 4 novembre 2022, au beau milieu de l’océan Pacifique. Une entrée atmosphérique sans dégâts matériels ou humains, mais qui a causé une certaine panique. Certains pays, dont la France et l’Espagne, ont fait le choix de fermer une partie de leur espace aérien à cause du risque de chute.

Il n’est pas rare que des lancements chinois finissent ainsi, de manière incontrôlée. Les populations sont régulièrement mises en garde contre les risques de voir des morceaux de fusée finir sur leur village. Pourtant, des méthodes existent pour éviter au maximum ce genre d’événements, et l’Agence spatiale européenne a même un programme dédié à cette question, baptisé MIDGARD.

Derrière ce nom se cache l’acronyme compliqué de « MultI-Disciplinary modellinG of the Aerothemodynamically-induced fragmentation of Re-entering boDies ». « Notre but est de modéliser parfaitement ce qu’il se passe durant une rentrée atmosphérique, raconte à Numerama son principal responsable, Marco Fossati. Nous voulons pouvoir dire précisément quand, où et comment va se détruire un engin qui rentre dans l’atmosphère terrestre. »

« Nous essayons d’optimiser » la retombée des véhicules spatiaux

Cette question est centrale. Faire tomber un vaisseau spatial, un satellite ou un morceau de fusée sur Terre est le meilleur moyen de le détruire, en jouant sur les frottements de l’air lors de la chute dans l’atmosphère. Dans ces conditions, il ne reste plus que de la poussière et plus rien ne risque de tomber sur notre planète. Depuis les débuts de l’ère spatiale, ce domaine est étudié en détail, à grand coup de simulations informatiques dont le but est, soit de tout détruire, soit justement de ramener les vaisseaux (et les personnes à l’intérieur) sains et saufs.

« Au départ, il y avait beaucoup d’incertitude, précise Marco Fossati. Pour éviter les risques pour les astronautes, on rajoutait des boucliers, des protections ‘au cas où’, mais aujourd’hui, nous essayons d’optimiser le tout pour avoir exactement l’effet que nous recherchons. »

Récemment, ce sont donc des cargos spatiaux qui ont été simulés par les équipes de MIDGARD. Plus spécifiquement, des véhicules automatiques de transfert utilisés plusieurs fois jusqu’à 2015, pour aller réapprovisionner l’ISS, la station spatiale internationale.

Simulation de la rentrée d'un véhicule ATV
Simulation de la rentrée d’un véhicule ATV. // Source : University of Strathclyde

Les scientifiques qui travaillent sur le sujet ont donc tenté de reproduire sur ordinateur un de ces engins, puis ont modélisé sa vitesse de rentrée dans l’atmosphère, ainsi que la chaleur générée autour de lui lors de sa chute. Tout cela permet de bien voir comment les changements de vitesse ou de trajectoire peuvent influer sur la capacité d’un engin à se détruire ou non.

Ce sont des informations assez difficiles à avoir, car les facteurs favorisant la destruction pendant une rentrée atmosphérique sont multiples. Il y a toujours une part d’incertitude face à un objet qui arrive dans un nouvel environnement. La composition de l’atmosphère et la température sont variables. La dislocation de certains composants peut rendre l’objet restant plus ou moins aérodynamique, ce qui perturbe encore sa vitesse. Les simulations mises au point par MIDGARD sont là pour réduire au maximum cette incertitude. Elles aident à faire des recommandations à l’ESA pour qu’elle utilise certains matériaux pour ses futurs engins, ou encore pour dire de quelle manière doit tomber un objet, en considérant la vitesse, l’angle et la trajectoire.

Un risque d’accident faible, mais qui augmente

Pourtant, force est de reconnaître que les accidents sont rares, et que le risque semble très bas. Dans l’immense majorité des cas, l’objet se détruit bien dans l’atmosphère. Si jamais il survit, comme pour les fusées chinoises, les chances de le voir tomber sur une zone inhabitée (dans l’océan, par exemple) sont largement majoritaires.

La rentrée de la fusée devrait se faire sur l'une de ces pistes. // Source : Via Twitter @AerospaceCorp
La rentrée de la fusée était prévue se faire sur l’une de ces pistes. // Source : Via Twitter @AerospaceCorp

Alors, pourquoi s’embêter à travailler encore sur ces sujets qui semblent maîtrisés ? « Dans ce domaine, des vies sont en jeu, assure Marco Fossati. Nous ne pouvons pas nous contenter de l’à-peu-près, il faut être sûr de ce que nous faisons. » En août 2022, un débris de fusée chinoise était retombé sans dommages sur Terre, mais l’incident avait été évité de peu. Même si le risque est bas, il est appelé à augmenter dans les années qui viennent, avec des objets mis en orbite toujours plus nombreux. À cela s’ajoute l’entrée de sociétés privées ou d’agences spatiales gouvernementales qui n’ont pas forcément les moyens et l’expérience nécessaire pour que tout se passe au mieux. 

« Pour les fusées chinoises, il n’y a aucun contrôle, déplore Marco Fossati. Pas de prise en compte des conditions atmosphériques, de l’altitude, ou même des matériaux utilisés. Ce qui a des conséquences, car l’incertitude est plus grande. »

En plus, certaines parties sont traditionnellement plus difficiles à réduire en poussière, comme les réservoirs de carburant ou les rails sur lesquels sont disposés les instruments optiques. Les panneaux solaires aussi sont assez complexes et les mécanismes qui mènent à leur dislocation ne sont pas parfaitement connus. Désormais, la plupart de ces éléments sont modifiés pour être plus faciles à disloquer, avec des matériaux plus légers qui ont plus de chance de se désintégrer, ou encore des formes qui ont une meilleure tendance à se briser.

Dans cette démarche, il est important de bien se préparer avant la rentrée, puisque dans la plupart des cas, les objets sont à ce moment-là impossibles à guider. Généralement, ils descendent progressivement pour se rapprocher de l’atmosphère. Cependant, ils sont alors hors service et ne répondent pas aux commandes, d’où l’intérêt de contrôler au maximum quel sera leur comportement dans cet instant critique.

« Nos modèles sont encore imparfaits, reconnaît Marco Fossati. Quoi que nous fassions, il restera toujours un risque, mais nous devons le réduire au maximum. »

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