Des poudres, des comprimés, des gummies, des boissons en vente dans les pharmacies et sur les shops de vente en ligne, le collagène est partout. À Paris, un café dédié à cette substance a même vu le jour au printemps 2023.
Autant dire que la tendance est là et que l’offre abonde avec, selon votre humeur et vos besoins, la promesse d’une peau rajeunie, d’une récupération musculaire et articulaire optimisée ou encore d’un soulagement des douleurs aussi bien tendineuses que liées à l’arthrose… Du sportif au senior en passant par les angoissés de la ridule, il y en a pour tout le monde. Mais les compléments alimentaires à base de collagène sont-ils vraiment un produit miracle ? On a posé la question à des spécialistes et leurs réponses sont plus que mitigées.
Le collagène est un composant essentiel de l’organisme
Mais avant tout, une petite mise au point s’impose. Chez tous les animaux — dont l’humain –, le collagène est une protéine dite structurale, c’est-à-dire qu’elle est l’un des matériaux de construction du corps. Une matrice, en quelque sorte. Sa structure particulière en triple hélice est à l’origine des propriétés mécaniques spécifiques des tissus où il est présent : élasticité, robustesse, résistance, etc.
Il existe différents types de collagènes (jusqu’à 28) qui ont chacun leur propre organisation — et propriétés. Ainsi, le collagène de type I qui représente 90 % du collagène total chez les vertébrés constitue la trame des os et se retrouve également dans la peau, les tendons, la cornée et les organes internes. Le collagène de type II est, quant à lui, présent dans les cartilages et celui de type III se retrouve dans les muscles et la paroi des vaisseaux sanguins. Si ce collagène est produit massivement pendant l’enfance, en vieillissant, l’organisme perd ses facultés à le synthétiser, ce qui explique notamment de moins bonnes capacités de cicatrisation.
« C’est vraiment de la pensée magique »
C’est là qu’interviendraient les compléments à base de collagène ou de peptides de collagène. Fabriqués à base de tissus conjonctifs d’animaux tels que la peau, les os et les tendons de bœuf, de porc, de poulet ou encore de poisson, ils apporteraient à l’organisme ce précieux collagène dont il a besoin. Un collagène qui, une fois ingéré, irait de lui-même réparer localement les cartilages lésés par l’arthrose ou les tendons esquintés au sport, redensifier les os fragilisés par de l’ostéoporose ou redonner de l’élasticité à la peau vieillissante.
« C’est complètement stupide d’un point de vue physiologique et scientifique », s’exclame le Pr Francis Berenbaum, directeur d’une équipe de recherche Inserm au Centre de Recherche St-Antoine et chef du service de rhumatologie de l’hôpital Saint-Antoine à Paris. En effet, à l’instar de toutes les protéines que l’on ingère, notre organisme dégrade le collagène en acides aminés lors de la digestion. Ces acides aminés sont ensuite utilisés par l’organisme pour produire des protéines. Celles-ci pourront contribuer à la construction de collagène mais aussi à la construction de toutes les autres protéines constitutives de notre organisme.
Alors, il apparaît absurde de penser qu’ingérer du collagène augmente la concentration en collagène dans les tissus et organes qui en contiennent ou que cela va augmenter les capacités de l’organisme à produire son propre collagène. « C’est vraiment de la pensée magique que de croire que manger un composant d’un tissu sain va guérir un tissu abimé », expose le rhumatologue. Un peu comme si l’on consommait de la cervelle pour que les neurones qu’elle contient guérissent une maladie neurodégénérative…
Même s’il n’y a aucune raison que les compléments alimentaires à base de collagène remplissent leurs promesses, le vivant étant plein de surprises, cela vaut la peine de regarder un peu plus en détail.
Pas de miracle pour la peau
« Il est vrai que lorsque l’on vieillit, il y a une perte de collagène au niveau de la peau », expose le Dr Reynan Amode, dermatologue à Paris. « Mais cette perte de collagène n’est pas, loin s’en faut, à elle seule responsable du relâchement cutané puisque d’autres facteurs sont également en jeu comme une perte de tissus osseux et un recul des os de la mâchoire. » Autrement dit, même si le collagène des compléments alimentaires se relocalisait directement au niveau de la peau du visage, il ne permettrait pas de lutter seul contre le vieillissement de la peau, ni contre l’« effet bajoues ».
« Le rationnel scientifique est extrêmement faible et aucune étude de qualité évaluant les effets du collagène sur la peau ne présente de résultats tangibles », explique le dermatologue. Les études existantes sont souvent de médiocre qualité méthodologique, portant sur des durées très limitées et de petits échantillons de personnes. « En tant que dermatologue, je préfère largement recommander d’acheter une casquette et de la crème solaire, d’hydrater sa peau, de manger équilibré et d’avoir une activité physique régulière plutôt que d’utiliser des compléments à base de collagène », tranche le spécialiste.
Contre l’arthrose, pas de preuve tangible
Concernant l’arthrose, qui consiste à la fois en une dégradation des cartilages, en une inflammation de la membrane qui tapisse l’articulation et en un remaniement osseux, le Pr Berenbaum est tout aussi dubitatif. « À ce jour, aucun complément alimentaire n’a démontré une efficacité pour refaire du cartilage ou pour retarder l’arthrose », martèle-t-il.
Pour cette indication, c’est souvent, du moins d’après les laboratoires qui le commercialisent, le collagène marin qui est recommandé. Celui-qui est fabriqué à base de peau, d’arêtes ou encore de cartilages de poissons. « Il n’est même pas sûr d’y retrouver du collagène de type 2, constitutif du cartilage », s’amuse le rhumatologue, moquant le manque de connaissance des promoteurs d’un complément.
Il déplore également les limites méthodologiques des rares études mettant en évidence un bienfait en termes de soulagement des douleurs liées à l’arthrose : petits échantillons, absence de randomisation et/ou de contre-placebo, manque de suivi à moyen-long termes des participants, etc. « Ce qui marche pour lutter contre l’arthrose et la prévenir, c’est de perdre du poids et de maintenir une activité physique régulière, pas de de se supplémenter en collagène », précise le spécialiste admettant toutefois que les compléments ne semblent pas présenter de risque — si ce n’est pour le porte-monnaie.
À coupler avec de l’exercice pour les tendons et les muscles
Concernant les douleurs tendineuses, notamment au tendon d’Achille — la hantise des sportifs –, Anthony MJ Sanchez, maître de conférence à l’UPVD et chercheur associé à l’Université de Lausanne se montre un peu plus enthousiaste : « Il existe quelques travaux qui montrent que les compléments à base de peptides de collagène peuvent contribuer à une reprise plus rapide de l’activité physique chez les sportifs souffrant de tendinopathie. »
Il précise toutefois que « cela ne fonctionne que si la complémentation est couplée à des exercices spécifiques de renforcement et uniquement lorsque la tendinopathie est prise en charge à un stade précoce, c’est-à-dire avant que le tendon ne présente des modifications de matrice et une perte de vascularisation ». Selon lui, les compléments en collagène pourraient aussi avoir des effets bénéfiques sur les douleurs sportives et sur la prise de masse musculaire, mais toujours en association avec de l’exercice physique et uniquement chez les adultes d’âge moyen (pas chez les jeunes, ni chez les seniors).
Des résultats issus là encore de d’études portant sur de petits échantillons et qui mériteraient d’être précisés et de faire l’objet de méta-analyses rigoureuses.
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