C’est une contrariété de moins pour Salto et elle était de taille. Le service de vidéo à la demande par abonnement (SVOD) français a appris avec satisfaction le 8 novembre 2021 que le recours engagé début 2020 contre lui a été balayé par le Conseil d’État. Pour la plus haute juridiction de l’ordre administratif, les conditions dans lesquelles la création de cette plateforme a vu le jour s’avèrent satisfaisantes.
Cette conclusion est évidemment un soulagement pour le service de SVOD, qui vient de fêter sa première année d’existence et dont l’horizon était chargé de nuages noirs à cause de cette procédure. Pour autant, rien n’est joué pour le futur de Salto : il lui faut réussir à exister dans un environnement ultra-concurrentiel peuplé de poids lourds très puissants, comme Netflix, Disney+ ou Amazon Prime Video.
Pour qui n’aurait aucune idée de ce qu’est Salto, il faut rappeler que ce projet est le fruit de la volonté de trois des plus grands groupes audiovisuels français : TF1, M6 et France Télévisions. Les trois entités, bien que concurrentes dans la télévision, ont décidé d’unir leurs forces dans la SVOD, en mettant en commun une partie de leurs émissions et programmes dans le catalogue.
Free s’alarmait d’un risque anti-concurrentiel
Dans ce cadre, on aurait pu penser qu’une chaîne comme Canal+ — qui s’est elle aussi mise sur le créneau de la SVOD — se retrouve au cœur d’une procédure contre Salto. Après tout, trois de ses concurrentes indirectes (TF1, M6 et France TV sont accessibles en clair, à la différence de Canal+, qui nécessite un abonnement pour voir l’intégralité de son contenu) se sont rapprochées, ce qui constitue une menace pour MyCanal.
Mais c’est en fait de Free et de sa maison-mère Iliad que le coup est venu. À la fin février 2020, La Lettre A révélait l’existence d’une action initiée par le fournisseur d’accès à Internet. Motif : les exigences imposées par l’Autorité de la concurrence — qui était en charge de l’examen — seraient insuffisantes pour prévenir des risques de pratiques anti-concurrentielles entre les trois partenaires de la TV.
L’opérateur disait craindre un « cartel vis-à-vis des distributeurs », comme il l’a déjà mentionné dans une lettre adressée à l’Autorité de la concurrence, révélée par Électron Libre en juillet 2019. Il faisait alors observer que les trois groupes représentaient « 80 % de l’audience » française et qu’ils pourraient être tentés de favoriser Salto au moment de fixer le prix de vente de leurs chaînes pour la diffusion en direct.
Cette lecture de Free et Iliad survient alors que les chaînes de télévision et les opérateurs les distribuant (comme les FAI) sont en conflit depuis quelques années. En effet, des groupes comme TF1 et M6 se sont mis à demander aux opérateurs de les rémunérer pour avoir le droit de diffuser leurs contenus et leur replay — alors que ces chaînes sont pourtant gratuites sur la TNT et via Internet.
L’Autorité de la concurrence, en validant la création de Salto, avait fixé des règles aux trois chaînes de télévision pour éviter justement tout favoritisme. Comme le rappelle Capital, cela inclut le fait que Salto ne doit fournir que des informations essentielles à ses actionnaires et que les représentants des chaînes au conseil de surveillance de Salto n’aient aucun rôle dans l’achat des programmes et la distribution des chaînes.
Mais parmi ces dispositions, dictées par des enjeux de concurrence, se trouvent aussi des contraintes qui limitent de facto la capacité de Salto à exister sur un marché de la SVOD très dynamique et très dur — cela, d’autant plus que l’arrivée de Salto est relativement tardive par rapport à d’autres concurrents, notamment américains, qui sont présents en France depuis plusieurs années.
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