Death Stranding, de prime abord, ressemble à une simulation de livreur UPS en Islande. Sauf qu’il y a quand même quelques petits trucs bizarres dans ce jeu ; comme cette pluie qui fait vieillir tout ce qu’elle touche, des spectres qui rôdent çà et là, un bébé qui nous prévient de la proximité desdits spectres, une fille qui peut se téléporter, un type qui fait des arrêts cardiaques toutes les vingt-et-une minutes… En somme, c’est un jeu sorti de la caboche de Hideo Kojima, avec une surcouche de cocasseries qui n’aide pas toujours à saisir un scénario évidemment lardé de personnages mémorables et de twists en pagaille.
Cela va sans dire, les lignes suivantes seront chargées en spoilers du premier épisode et s’autorisent également quelques raccourcis et coupes pour tenter de rendre la trame centrale la plus compréhensible possible afin que votre arrivée dans Death Stranding 2: On the Beach soit moins troublante.
Apocalypse now
Death Stranding se déroule quelque part dans un futur pas trop lointain — grosso modo, entre 2050 et 2100, semble-t-il (le jeu ne donne aucune date claire). Plutôt qu’un dérèglement climatique hors de contrôle ou une troisième guerre mondiale, c’est en fait un cataclysme surnaturel qui aura raison du monde tel que nous le connaissons : on l’appelle le Death Stranding. En gros, la barrière entre le monde des vivants et celui des morts a soudainement cédé et des entités spectrales, les échoués, s’en sont pris aux humains provoquant tout un tas de néantisations, des sortes d’explosions massives emportant tout sur leur passage (ce point de contact contre-nature entre la vie et la mort provoque une espèce de vortex destructeur, en somme). Désormais, ces âmes défuntes rôdent et une pluie mystérieuse tombe un peu trop souvent, faisant prématurément vieillir ce qu’elle touche. Entre ça et les explosions massives, les États-Unis, théâtre du premier épisode, pourraient être comparés à une Islande post-apocalyptique, une terre écorchée, mais d’une beauté saisissante.

Face à de telles menaces, les quelques survivants n’ont guère eu d’autre choix que de se réfugier sous terre dans des bunkers ultra-modernes. Pour l’approvisionnement en nourriture, matériel et médicament, l’humanité dépend désormais de quelques livreurs téméraires qui traversent ces terres désolées de bunker en bunker, comme Sam Porter Bridges, notre héros. Il s’adonne à cette périlleuse mission car il fait partie des quelques humains porteurs du DOOMs, un pouvoir psychique qui lui permet de mieux ressentir l’autre côté, celui des morts, et donc de leur échapper. Mais la plus grosse ligne sur son C.V. reste d’être le fils de Bridget Strand, la dernière présidente des États-Unis. Sur son lit de mort, elle l’enjoint de reconnecter l’humanité (qui, comme bien souvent dans les œuvres de pop culture, se résume aux États-Unis) grâce à une technologie avancée : le réseau chiral. Bon gré, mal gré, il va s’atteler à cette tâche et partir vers le Grand Ouest sur les traces de sa sœur, Amelie, qui a déjà tenté l’aventure il y a quelques années avant d’être capturée par une faction terroriste, les Homo demens — menée par le terribles Higgs et son masque doré flippant.
Pour l’aider dans sa mission, Sam peut compter sur les bons conseils de Deadman et Die-Hardman, respectivement médecin et président de l’UCA (United Cities of America) et directeur de l’entreprise Bridges, employeur de notre héros. Il porte également un tout petit être vivant, un bébé enfermé dans une capsule, BB-28, au départ un simple outil qui détecte la présence de fantômes et joue donc le même rôle que la radio dans Silent Hill (nous prévenir et nous faire flipper en même temps). En chemin, il croisera également Fragile, une autre livreuse de colis, qui peut se téléporter et ressemble à s’y méprendre à une actrice française très connue (elle est incarnée par Léa Seydoux). Elle a aussi une petite dent contre Higgs, un ancien de ses collègues qui l’a peu ou prou torturée après qu’elle ait fait capoter son plan de faire exploser une bombe nucléaire.

Bien sûr, la quête pour réussir à atteindre la côte ouest et connecter l’ensemble du réseau chiral est jalonnée de moult péripéties, notamment à cause de Higgs. Il se révèle très calé en DOOMs et peut dès lors déchaîner de gros monstres pour tenter d’arrêter notre héros. Mais, au final, Sam va le battre et confier le destin de celui qu’on imagine être le grand méchant à Fragile qui tient enfin sa revanche. C’est à ce moment-là que Death Stranding enclenche un tourbillon de rebondissements tonitruants et de révélations un brin tordues. [Attention, là, c’est vraiment parti pour les gros spoilers !]
Twist and shout
Sans surprise quand on connaît un peu Hideo Kojima, ce que nous réserve la seconde partie et surtout le dénouement de Death Stranding vient gentiment bouleverser le scénario. Tout d’abord, Sam n’est pas le fils de la présidente, mais celui de Clifford Unger (soit Cliff Unger, soit cliffhanger, vous l’avez ?), un bonhomme inquiétant (normal, il est incarné par Mads Mikkelsen). On l’affronte à plusieurs reprises dans le jeu lorsque l’on est transporté dans des failles spatio-temporelles pendant les Première et Seconde guerres mondiales et qui veut à tout prix récupérer notre BB. Il s’agit en fait d’un ancien soldat américain qui a confié son enfant tout juste né à Bridges dans le cadre d’une expérience scientifique qui devait aider à contrer les effets du Death Stranding. Apprenant que l’entreprise compte en fait le séparer de son enfant à des fins bien plus terribles, il tente de s’échapper avec lui, mais est tué par son ami Die-Hardman, manipulé par la présidente Bridget Strand. Hélas, son fils Sam meurt aussi durant cette évasion ratée.

Oui, Sam est censé être mort quand il était tout bébé, mais il a été peu ou prou ressuscité par Bridget — qui n’est donc pas sa véritable mère ni vraiment la personne que l’on pense, car elle a des pouvoirs tout à fait extraordinaires et une autre subtilité. Elle et Amelie (sa supposée fille et sœur de Sam) sont en réalité la même personne. En quelque sorte, la première est l’esprit, tandis que la seconde est le corps. Oh, et c’est aussi elle, la réelle chef des Homo demens — c’est même à elle que Higgs doit ses pouvoirs. Car Amelie est un agent d’extinction et serait donc vouée à détruire pour de bon l’humanité. Et c’est précisément ce qui nous pend au nez à la toute fin du jeu. Mais après que Sam, au lieu d’essayer de la tuer pour l’en empêcher, lui ait fait un gros câlin plein d’empathie, Amelie décide finalement que déclencher une apocalypse est un peu exagéré et se sacrifie à la place.
Tout est bien qui finit plutôt bien : le monde/les nouveaux États-Unis/l’Islande qui s’appelle UCA est sauvé. Tout le monde est sain et sauf. Il reste juste un triste détail à régler : le BB que Sam porte depuis le début n’est plus actif. Il doit être incinéré car en mourant, il risque de provoquer une nouvelle catastrophe. Avouez qu’après tout le mal qu’il s’est donné, ce serait dommage. Sam emmène Lou, ainsi qu’il l’appelle désormais (on s’attache à ces petites choses…), décide finalement de libérer le nourrisson de sa capsule bizarre et le réanime miraculeusement. Félicitations, Sam ! C’est une fille ! Voilà donc notre héros propulsé au rang de papa adoptif. Après avoir évité la fin du monde en exprimant sa compassion envers un être surnaturel symbolisant la mort et la destruction, Sam accueille la vie. C’est beau.

Et la Grève dans tout ça ?
Si Death Stranding 2 est sous-titré On the Beach, ce n’est ni en hommage à un mésestimé album de Neil Young, ni pour signifier que cette suite se passe à Copacabana avec Sam sirotant des mojitos. Le concept de Beach est central dans le lore de la série et a été traduit en français par Grève. C’est un espace liminaire qui prend forme à la mort d’un individu et qui sert peu ou prou de lien entre le monde des vivants et l’au-delà. Les Grèves sont intimement liées à chaque individu et se matérialisent différemment en fonction de ses croyances, son passé, sa philosophie ou religion (pour Sam, c’est une jolie plage islandaise bien déprimante car il doit être fan de Sigur Rós, par exemple). C’est notamment ici que Sam atterrit quand il meurt dans le jeu ou encore ce qui permet à Fragile de se téléporter.
Si un grand nombre de personnes meurt au même endroit et au même moment, il peut toutefois arriver que leurs Grèves s’entremêlent pour créer une Grève commune (les deux séquences de jeux pendant les guerres mondiales en sont des illustrations). Et justement, quand Sam réussit à connecter le réseau chiral, le terrible Higgs cherche à l’exploiter pour fusionner les Grèves de toute l’humanité grâce au pouvoir d’Amelie et ainsi précipiter un ultime Death Stranding. Bref, les Grèves sont un concept flou et polyvalent qui en font un outil narratif précieux pour la série puisqu’elles permettent de justifier les allées et venues dans des lieux incongrues, des simili résurrections et tout un tas de pouvoirs pour celles et ceux qui, grâce au DOOMs, ont la capacité d’interagir plus ou moins fortement avec. Il y a fort à parier que c’est un élément qui jouera un rôle important dans Death Stranding 2: On the Beach qui, rappelons-le, sortira le 26 juin prochain.
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