La série fête ses vingt années de diffusion en cette rentrée 2016. Un dessin animé dont les transgressions ont toujours subtilement frôlé le pire, et touché du doigt une lucidité souvent visionnaire. Social, générationnel et politique : petit florilège subjectif du génie South Park.

Il y a vingt ans, Trey Parker et Matt Stone donnaient naissance à South Park, cette ville peuplée de décérébrés perdue dans le Colorado qui se fera théâtre d’aventures toutes plus grotesques les unes que les autres. Mais de ces aventures, les kids qui ont grandi avec tireront des leçons parfois sévères ou visionnaires du monde dans lequel ils vivent. Négligeant aucun sujet politique, culturel et social, la série n’a manqué aucune occasion de plonger son époque dans le mauvais goût et un sarcasme évident. Avec plus ou moins de réussite et de lucidité, l’humour dévastateur et cradingue du duo Stone et Parker a tantôt été visionnaire, touchant d’un doigt acerbe des réalités occultées par de nombreuses séries — encore plus de dessins-animés.

Jonglant entre la bêtise la plus crasse et la critique la plus aiguisée, la série s’est permise la plus grande des liberté de ton en vingt ans. Et avec ces deux décennies de gags et d’enfantillages, elle s’est désormais donné un rôle majeur, si ce n’est essentiel, dans la vision du monde par les ados occidentaux. Nous avons ainsi décidé de lui rendre hommage, avec une subjectivité assumée, pour ses moments de fulgurance et d’anthologie, qui n’ont pas laissé nos consciences indemnes.

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Parmi les moments forts qui ont marqué nos consciences, ceux qui abordent les tabous religieux ont aujourd’hui une répercussion particulière. Jamais las de s’en prendre aux dogmes et à leurs défenseurs, toutes les représentations les plus dérangeantes ont été essayées dans South Park. Du diable personnifié qui est devenu récurrent à l’épisode Bloody Mary, la série n’a pas épargné les chrétiens les plus radicaux.

Bloody Mary est considéré par feu Gawker comme l’épisode le scandaleux de tous les temps, et en effet la turbulente série a provoqués l’ire des catholiques en représentant une statue de la vierge Marie ayant des problèmes visibles de menstruations. Diffusé le 7 décembre 2005, pendant la fête religieuse dédiée à l’immaculée conception, la Catholic League For Religious and Civil Rights a demandé de la production des excuses et une suppression définitive de l’épisode.

Il est bien évidemment toujours disponible. Car malgré des relations parfois difficiles entre les créateurs et Comedy Central, qui parfois refusera de suivre les propositions de Parker et Stone, South Park a toujours persisté dans sa provocation.

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La représentation du prophète Mahomet fut également un sujet de dissensions fortes : les créateurs reçurent des menaces des groupes radicaux, notamment lors de l’épisode 200. Le groupe Revolution Muslim, dissout depuis, avait été assez clair : « Nous devons avertir Matt et Trey que ce qu’ils font est stupide et qu’ils finiront probablement comme Theo Van Gogh ». Theo Van Gogh, qui était un réalisateur assassiné à la suite d’un court-métrage sur les femmes et l’islam. Malgré ces menaces médiatisées, l’épisode sera bien diffusé avec son Mahomet déguisé en ours qui finit par ne pas être Mahomet. La France n’a toujours pas de version francophone de cet épisode.

La scientologie a également été critiquée pour l’escroquerie qu’elle pratique. Elle est considérée en France comme une secte, mais son statut en Amérique est plus ambiguë. L’épisode Piégé dans le placard dans lequel la secte est représentée comme une arnaque de grande ampleur sera diffusé une première fois. Et lors de la programmation d’une rediffusion, le chanteur scientologue Isaac Hayes, qui était la voix de Chef, quittera le show au prétexte d’intolérance.

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Mais South Park ne s’est pas seulement adressé à nos tabous et nos bigoteries : la série a également évoqué les dérives de notre monde et dont nous sommes, à titre individuel et collectif, responsables. Ainsi à la rédaction d’Humanoid, lorsque l’on parle de l’anniversaire de South Park des voix évoquent l’épisode Y’a plus Internet qui dès 2008 parle d’une dépendance effective et sociale au web qui se décline en fonction des individualités en addiction au porno, aux réseaux sociaux, au téléchargement mais également à l’information, car sans Internet, les journalistes locaux ne sont plus capables de faire leur travail. Sa critique peut paraître aujourd’hui facile mais elle apparaît dans un monde sans Uber.

South Park c’est, pour Guillaume, un souvenir de lucidité sur les sujets du P2P : Numerama, en 2003, évoquait sous sa plume la prise de position de la série envers le groupe Metallica, connu pour avoir participé à la mort de Napster. Guillaume rapportait alors le dialogue de fin de l’épisode : « Les gens trouveront toujours des moyens de copier notre musique et de la partager gratuitement. Si on est de vrais musiciens alors on devrait être impressionnés qu’autant de gens écoutent notre musique. De plus peut-être que nos chansons seront téléchargées gratuitement mais si ce sont de bonnes chansons les gens voudront toujours acheter des billets pour voir notre groupe en concert. »

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Nous sommes également nombreux à avoir pu apercevoir, dans les yeux que nous offrent le show, un pan de la culture américaine qui n’est pas celui qui est exporté par le soft-power traditionnel. Et notamment, la politique des États-Unis. Ainsi, Français, nous découvrions à moitié surpris, la satire que Parker et Stone dressaient sur le racisme américain.

Manuel de FrAndroid continue par ailleurs de s’interroger : diffusé le lendemain de l’élection, l’épisode qui termine sur Obama avait-il une double fin ? Trey Parker a bien confié qu’il n’y a avait pas de « Version McCain » de l’épisode, ce qui selon lui aurait été « une tâche bien trop décourageante ». Mais peut-on le croire ? Le mystère fait en quelque sorte parti de la légende.

Le racisme américain décrit dans South Park a également parfois touché l’universel et fait écho dans toutes les sociétés (Ils nous prennent notre travail !). Ainsi, dans L’Amour selon Cartman, Token Black, l’enfant racisé qui s’appelle littéralement « Noir Symbolique », se retrouve à s’interroger sur la réalité de ses sentiments pour une fille également noire, car Cartman souhaite qu’ils sortent ensemble, guidé par son racisme. Et Token est perdu dans ses interrogations, affrontant par l’absurde le regard d’une société.

En somme, si nous ne pouvons voir South Park comme un manuel de prêt-à-penser, la série a été et sera sûrement encore longtemps, un contre regard intellectuellement déstabilisateur et dont la légèreté apparente a contribué a brouiller, positivement, nos réflexions et nos esprits. Un rôle forcément nécessaire pour nos générations, unies devant South Park grâce à une sensibilité partagée autour d’une certaine idée de la dérision. Or pour les kids un tantinet désabusés que nous sommes, l’ironie sans complexe de la série touche (trop ?) souvent juste.

Joyeux anniversaire South Park et à bientôt pour la saison 20 !

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