Un député, soutenu par d’autres parlementaires, a déposé un amendement qui vise à accorder un tarif réduit d’électricité aux centres de minage en crypto-actifs basés en France.

À l’heure où l’urgence climatique commande d’appliquer sans tarder des mesures radicales en faveur de l’environnement, est-il raisonnable de la part du législateur de chercher à accorder une aide fiscale pour soutenir les « centres de minage d’actifs numériques », alors que ces établissements sont connus pour être particulièrement énergivores ?

La question se pose au regard de l’amendement déposé par le député Pierre Person, membre de La République en marche. Repéré par nos confrères de Next Inpact, le texte défend la mise en place un tarif réduit de la taxe intérieure de consommation d’électricité, pour les centres situés en France. L’amendement, qui n’a pas encore été examiné, a été déposé pour le projet de loi de finances pour 2019.

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Un réseau électrique à haute tension. // Source : George Becker

Dans l’exposé des motifs, le parlementaire fait observer « la hausse du coût complet de l’électricité en France depuis 2012 (+ 12 % pour les très gros consommateurs), alors qu’il est stable, voire en baisse, dans d’autres pays hébergeurs, est de nature à enrayer la dynamique de forte croissance des capacités françaises d’hébergement de données ».

Il avance aussi un enjeu « d’indépendance nationale en matière d’hébergement de données et [de] la sécurité juridique des données hébergées » qui « sont des enjeux cruciaux pour de nombreux secteurs industriels ». Or, le fait est que la question du coût de l’électricité a déjà fait l’objet d’une mesure, proposée aussi dans un amendement et qui établit un tarif réduit pour les centres de données.

Le cas norvégien

L’orientation que propose l’élu, qui s’inquiète à raison pour l’indépendance nationale en matière d’hébergement de données et la sécurité juridique des données hébergées, est toutefois une source d’interrogation. D’une part, l’on ne voit pas bien comment ces enjeux concernent des établissements dont la mission n’est pas d’être des data centers, mais des générateurs à crypto-actifs (comme des bitcoins).

D’autre part, la disposition tranche clairement avec le choix récent de la Norvège, qui a décidé de cesser de subventionner l’électricité des mineurs de cryptomonnaie, lorsque ceux-ci consomment au-delà d’un certain seuil énergétique. La suppression de ce coup de pouce fiscal sera effective le 1er janvier 2019.

« La Norvège ne peut pas continuer à fournir d’énormes incitations fiscales pour la forme la plus sale de la production cryptographique comme le bitcoin. Celui-ci nécessite beaucoup d’énergie et génère d’importantes émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale », déclarait alors un parlementaire norvégien, en commentant la décision de son pays de ne plus soutenir une activité énergivore.

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Impact énergétique du Bitcoin

Dans son amendement, Pierre Person explique que le coût de l’électricité constitue près de 95 % des coûts de production. Or, cette électricité ne vient pas de nulle part : elle doit être produite et il s’avère que tous les moyens de production ne sont pas décarbonés. Une étude parue fin octobre dans Nature Climate Change évaluait à 69 millions de tonnes de CO2 les rejets causés par l’usage du Bitcoin.

Par ailleurs, une étude conduite par Digiconomist et mise en avant fin 2017 expliquait que les activités relatives au Bitcoin avaient requis l’an passé 30,25 térawattheures (tWh) de courant, ce qui est une consommation supérieure à celle de 159 pays. Mais cela reste très loin de la consommation d’un pays comme la France, l’impact du Bitcoin n’équivaut « qu’à » 7 % de la consommation nationale.

Il est vrai que la France est dans une situation particulière, puisque l’essentiel son électricité est décarbonée, du fait du poids que représente le parc nucléaire et du rôle complémentaire joué par l’hydroélectricité (lacs de barrage, stations de transfert d’énergie par pompage, etc.). Idem pour l’essentiel du reste du mix énergétique (éolien, bioénergies, solaire), même si leur apport est minime, ponctuel et non-pilotable.

Cependant, les efforts en faveur du climat ne se limitent pas à limiter la hausse du CO2 ; il y a aussi toute une réflexion autour de la sobriété énergétique. Et il n’est pas certain que dans ce domaine les centres de minage d’actifs numériques soient des parangons de modération énergétique. La question en tout cas mérite d’être posée lorsqu’elle concerne l’hôte de la COP 21.


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