Selon l’étude Anamia menée par des chercheurs français et britanniques, la censure des contenus « pro-ana » qui vantent les pratiques anorexiques aurait un effet contraire à celui recherché. Par ailleurs, en offrant des espaces de discussion avec les commentaires ou les forums, ces blogs et sites auraient un effet salutaire pour les personnes atteintes de tels troubles du comportement alimentaire.

Alors que les élus UMP s’alarment actuellement des sites qui facilitent l’accès aux mères porteuses et demandent leur interdiction, le député Marc Le Fur s’attaque cette semaine à un autre phénomène de santé publique qui peut choquer davantage, mais qui demande la plus grande nuance.

Dans une question au ministère des affaires sociales, Marc Le Fur relaie en effet l’inquiétude de parents qui « s’émeuvent du développement de site dits « pro-ana » généralement publiés par de jeunes, voire même de très jeunes, filles, contenant de nombreuses préconisations, rédigées comme des commandements basés sur la frustration et la culpabilité, dont l’objectif est de prodiguer des conseils nutritionnels aux personnes souffrant d’anorexie et de boulimie« . Les parents concernés reprochent à ces sites de présenter l’anorexie comme un « mode de vie », niant qu’il s’agit d’une maladie.

De quoi justifier une interdiction et des mesures de blocage, ou à tout le moins des sanctions ? Non, car ce serait une erreur.

Le député évoque en effet les travaux du projet de recherche franco-britannique Anamia, qui mêle notamment le CNRS et Telecom ParisTech, et qui vise précisément à comprendre ces communautés « pro-ana » (ou « ana-mia ») qui se développent sur Internet, et leurs effets. Or le 8 mars dernier, Anamia a présenté publiquement à l’occasion d’un séminaire les résultats de ses travaux, qui montrent que la censure des contenus pro-anorexie est contre-productive.

Evoquant les « conséquences paradoxales de l’interdiction« , le groupe de recherche notait ainsi que « la structure des réseaux se transforme mais les communautés ana-mia ne disparaissent pas, elles ne font que se renouveler« . Entre 2010 et 2012, le groupe a remarqué que 50 % des sites pro-ana s’étaient renouvelés, c’est-à-dire que la moitié d’entre eux avaient disparu, mais pour être aussitôt remplacés par d’autres. Le nombre de sites identifiés est resté étonnement stable sur deux années, avec 559 sites identifiés en 2010, et 593 en 2012.

« La censure ne marche pas et elle ne fait que rendre l’étude de ces populations plus difficiles« , prévenaient les chercheurs.

Or non seulement la censure ne marche pas, mais elle pourrait même être néfaste du point de vue de la santé publique, qui est l’objectif recherché. L’étude Anamia a en effet montré que les personnes atteintes d’anorexie ou de boulimie utilisaient ces sites pro-ana pour parler de leurs problèmes, et trouver notamment un soutien émotionnel auprès de personnes qui éprouvent les mêmes difficultés. Les sites ana-mia sont donc à la fois des lieux de provocation à la prise de risque pour la santé, et de soutien aux malades. Selon les chercheurs, ces sites permettent une « nouvelle sociabilité pour rompre l’ancien isolement« , et ne provoquent pas un détachement de la « vie réelle » puisque les personnes concernées recherchent toujours, aussi, le recours aux professionnels de santé.

Face à ces constats, le député demande au gouvernement comment « encadrer la multiplication de ces sites « pro-ana », qui font à la fois l’apologie de cette maladie mais qui tiennent également lieu de réseaux de solidarité et d’entraide entre les malades« . Difficile programme.

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