Travailler avec la Chine est encore globalement perçu comme un élément négatif. Renault aimerait pourtant faire évoluer cette perception erronée et prouver que ce partenariat apporte bien plus qu’il n’y paraît à sa nouvelle Twingo.

La Chine n’est pas qu’une concurrence déloyale pour l’industrie automobile européenne, c’est également une incroyable opportunité pour progresser. C’est globalement le message que Renault tente de faire passer avec sa filiale Advanced China Development Centre (ACDC de son petit nom) basée en Chine. Et le groupe Renault est loin d’être le seul acteur occidental à avoir compris que considérer la Chine comme un ennemi à rejeter ne fait en rien grandir l’Europe. Des fournisseurs comme Valeo ou Forvia, ainsi que d’autres constructeurs l’ont bien compris. La Chine n’est pas que l’usine du monde, c’est aussi le nouveau centre mondial de R&D.

Comment cette collaboration profite-t-elle à une voiture comme la Twingo, au point que Renault la revendique ouvertement dans son dossier de presse ? Renault a emmené plusieurs journalistes (dont Numerama) visiter les bureaux d’ACDC à Shanghai – installés à deux pas du centre de design du constructeur Zeekr – pour mieux comprendre l’impact de cette décision qui apparaît si controversée.

« Avec la Chine, on apprend la vitesse »

Renault a tenté de vendre en Chine et ce fut un échec cuisant. Il n’était alors pas question pour le groupe de retenter l’aventure, le marché chinois s’étant encore durci pour les constructeurs étrangers. En revanche, le groupe a décidé de profiter de l’accélération de la Chine sur la question de la voiture électrique pour en tirer de bonnes pratiques à appliquer au développement de ses propres modèles électriques. C’est ce qui a en partie motivé la création d’ACDC en 2023 à Shanghai. Philippe Brunet, directeur de l’ingénierie du groupe Renault, l’assume : « On est là pour apprendre et copier », et même si le trait est volontairement grossi, voilà qui risque de chambouler certaines idées reçues. Oui, la Chine a des choses à apprendre aux glorieux constructeurs européens, qu’ils soient français ou allemands d’ailleurs.

Philippe Brunet présente le rôle d'ACDC à Shanghai // Source : Raphaelle Baut pour Numerama
Philippe Brunet présente le rôle d’ACDC à Shanghai // Source : Raphaelle Baut pour Numerama

Pour gagner en agilité, les constructeurs doivent réduire le temps de développement des nouveaux modèles. Passer de 4 à 2 ans, comme les constructeurs chinois, permet de mieux coller aux tendances du marché et surtout d’adopter les technologies prometteuses au plus vite, plutôt que d’arriver après la bataille. Déjà les R5 et R4 avaient abaissé cette durée à 3 ans, mais il fallait encore faire mieux, et c’est la Twingo qui s’y colle. Une rupture rendue possible grâce aux partenaires chinois. Mais Philippe Brunet veut rassurer : « Réduire la période de développement ne se fait pas au détriment de la qualité. » Avec la Chine, Renault Group et Ampere apprennent la vitesse – une question d’état d’esprit et de méthode, pas d’horaires à rallonge.

Jérémie Coiffier – responsable de l’ingénierie sur le projet Twingo (ainsi que R5/R4) et relai entre la France et la Chine depuis Shanghai – l’illustre avec un exemple : « On arrive à prendre des décisions sur la journée, au lieu d’une semaine », ce qui laissera probablement rêveur plus d’un chef d’entreprise. Lui, nous confiait par contre avoir à jongler avec le décalage horaire pour que les équipes du Technocentre soient correctement incluses dans le développement. Il fallait néanmoins insuffler de nouvelles règles pour secouer les habitudes très ancrées, vous savez, le fameux « on a toujours fait comme ça » que les réfractaires au changement prônent sans cesse.

Bureaux Renault Group / ACDC à Shanghai // Source : Renault Group
Bureaux Renault Group / ACDC à Shanghai // Source : Renault Group

Renault gagne du temps aussi bien sur les décisions du style, qui sont arrêtées plus rapidement sans se perdre dans des détails, que sur la sélection des fournisseurs. Mis bout à bout, la partie développement a été réduite de 41 %. Il y a également 16 % de gain sur la partie en amont du « concept freeze » (lorsque le concept est arrêté) et 26 % de temps gagné sur la phase de pré-industrialisation avec l’usine de Novo Mesto (Slovénie).  Et cette rapidité sera encore plus visible sur les cousines de la Twingo (une chez Dacia et une chez Nissan) qui seront développées en 18 mois.

La Chine ne va remplacer ni le Technocentre ni les fournisseurs européens

Tout ceci ne se fait pas au détriment des équipes françaises de Renault et Ampere. Il reste encore à lever les inquiétudes des syndicats et des ingénieurs du Technocentre sur le rôle des équipes chinoises et des partenaires. Cette tâche incombe notamment à Philippe Brunet pour pouvoir pérenniser ce fonctionnement.

Comment se décompose la création de la Twingo // Source : Renault
Comment se décompose la création de la Twingo // Source : Renault

Pour tenir les objectifs de coût de cette Twingo sous les 20 000 €, ainsi que les délais serrés, Renault a aussi remis à plat la question des fournisseurs. Là encore, Philippe Brunet se montre rassurant : « On ne veut pas évincer tous les fournisseurs historiques. » Néanmoins, en induisant de nouveaux compétiteurs chinois dans la balance, cela a poussé les fournisseurs occidentaux à se remettre en question et à s’améliorer.

Aujourd’hui, 60 % des composants de la Twingo sont fabriqués en Europe (et d’autres pays voisins), les éléments chinois comme la batterie (CATL) ou les moteurs ne représentent que 40 %. Ce chiffre est amené à évoluer dans les mois et années à venir, car progressivement ces pièces seront fabriquées en Europe. Ce sera notamment le cas de la batterie LFP qui sortira de la future usine de Hongrie. Loin d’une idée reçue, les fournisseurs chinois sont prêts à produire localement en Europe pour leurs clients. Nous avons rencontré plusieurs fournisseurs de Renault en Chine qui ont déjà des bureaux en France et des unités de production dans l’Union européenne.

L'équipe dirigeante de Renault et les responsables du projet réunis pour officialiser la Twingo // Source : Raphaelle Baut pour Numerama
L’équipe dirigeante de Renault et les responsables du projet réunis pour officialiser la Twingo à Paris // Source : Raphaelle Baut pour Numerama

La branche ACDC profite d’être implantée en Chine pour suivre au plus près les évolutions technologiques. Ils se sont déjà penchés sur 189 startups, dont certaines proposent des technologies intéressantes dans des domaines comme le X by Wire, les batteries ou les ADAS, mais n’en ont retenu que 64, ce qui a permis de réduire de 29 % le coût du sourcing. Mais tout cela ne se résume pas à faire des économies. Renault veut prouver qu’apprendre de la Chine ne signifie pas s’y soumettre, mais s’en inspirer pour accélérer.

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