De prime abord, l’idée de se faire transporter dans une voiture complètement autonome, type robotaxi, n’est pas franchement rassurante. On ne cesse d’entendre d’Elon Musk, et d’autres fabricants, que la machine est plus fiable que l’humain. Sauf que, naturellement, on en doute encore. On pense notamment à tous les bugs possibles et aux différents accidents médiatisés. Quoi de mieux alors que de tester concrètement un de ces véhicules, dans un quartier animé de Londres, pour juger des progrès réalisés ?
Nissan nous a proposé de monter à bord des Nissan Leaf du projet Servcity. Une manière pour les équipes en charge de cette expérimentation de nous en dire plus sur le chemin déjà parcouru en 3 ans d’étude, et ce qu’il reste encore à faire. C’est aussi l’occasion pour nous de vérifier si des lignes de code, des lasers et des caméras peuvent vraiment faire mieux qu’un conducteur expérimenté. On vous spoile un peu, la réponse est : pas encore !
Le véhicule autonome Servcity s’en sort au milieu d’un trafic dense et inhospitalier
Comme Servcity est en phase d’expérimentation, il faut savoir que des opérateurs sont toujours présents à bord du véhicule, pour prendre le relai en cas de défaillance du système. La présence des opérateurs enlève une partie de l’appréhension naturelle que l’on peut avoir de monter, en tant que passager, dans une voiture qui n’a aucun chauffeur. Pour autant, c’est bien la voiture qui a géré son trajet sans intervention.
Nous avons eu l’occasion d’observer comment le système autonome se comporte dans les rues de Londres sur des boucles d’un peu plus de 4 km. C’est une chose de tester ce type de véhicule sur un circuit réservé à l’occasion, c’est autre chose de se retrouver plongé au milieu de la circulation d’un quartier animé de Londres. La cartographie de la zone de test est quand même pré-enregistrée dans le véhicule pour faciliter la circulation. Il ne s’agissait pas d’une navigation à l’aveugle dans un secteur inconnu. C’est un peu de la triche, on en convient.
Dans l’environnement en conditions réelles, on côtoie les autres véhicules : voitures, camions, bus, ainsi que les piétons. Ceux-ci ne remarquent même pas qu’une voiture autonome circule dans leur environnement immédiat. La voiture est pourtant discrètement bardée de capteurs électroniques et de caméras :
- 4 scanners laser,
- 1 radar,
- 9 caméras,
- 1 antenne V2I (vehicule-to-infrastructure),
- 6 unités centrales occupent également le coffre.
Ce test était finalement un bon condensé du quotidien de ce quartier :
- Les bus stationnés ;
- Le camion de livraison en vrac ;
- Le poids lourd qui se déporte de sa voie pour empiéter sur la nôtre ;
- La voiture qui coupe le rond-point sans que l’on puisse anticiper sa direction ;
- Les piétons qui traversent au rouge (piéton) pour aller attraper plus rapidement leur métro ;
- Les cyclistes roulant sur la chaussée entre deux pistes cyclables ;
- Les voitures qui doublent et se rabattent en forçant le passage.
Pour un conducteur lambda, c’est un trajet comme un autre du quotidien. Pour un ordinateur, c’est énormément d’informations à analyser et auxquelles il faut réagir au plus proche du comportement d’autres véhicules : sans générer d’entrave au trafic, ou sans risquer de créer un accident par une manœuvre inattendue d’autres automobilistes.
Une voiture autonome est programmée pour suivre des règles de conduite, auxquelles, avec l’expérience, les développeurs vont ajouter des milliers d’exceptions pour gérer l’imprévu et les cas particulier. Un casse-tête qui, comme les IA, va mettre du temps à devenir suffisamment pointu pour vraiment s’intégrer au paysage.
Plusieurs comportements de la voiture autonome sont assez enthousiasmants : le comportement des piétons est bien géré, à aucun moment on a vraiment craint pour eux. Mais, à discuter avec les responsables du projet, on se rend compte qu’il y a encore beaucoup à faire. La conduite est suffisamment coulée pour que l’on en oublie que la voiture conduit par elle-même… à quelques détails près.
Le système manque de quelques réflexes plus humains, mais pas pour tout !
Même si en tant que conducteur, nos réactions auraient peut-être été différentes de celles de la voiture autonome, les résultats sont plutôt bons. Par exemple :
- Nous aurions anticipé l’arrivée sur un feu de circulation au rouge en levant le pied de l’accélérateur assez tôt, exploitant le freinage régénératif de la Leaf, plutôt que de maintenir la vitesse et freiner pour marquer l’arrêt.
- Le système ne voit pas les clignotants d’autres véhicules, il ne va pas comprendre le changement de cap de certains automobilistes et faciliter son passage, sauf si le système sait qu’une voie est bloquée (par un bus par exemple). Nous aurions laissé de l’espace et fait signe au conducteur qu’il pouvait passer.
- Le système est très prudent au moment de s’engager dans un carrefour, donc encore un peu lent, en tout cas plus que nous l’aurions été à la même place.
La voiture n’a pas commis d’erreurs particulières, elle ne nous a pas fait peur en se montrant dangereuse dans le trafic. En y réfléchissant bien, la voiture autonome avait un comportement assez proche d’un élève d’autoécole ayant déjà atteint un certain nombre d’heures de conduite.
Il y a encore du chemin à parcourir pour aboutir à autre chose qu’un projet de recherche sur des routes très balisées. Servcity n’est pas encore assez mûr pour passer à un service ouvert à la clientèle, mais les progrès sont en bonne voie.
L’avantage d’un service de robotaxi autonome, c’est que le véhicule n’aura pas les défauts de certains conducteurs humains. Le véhicule autonome ne va pas se mettre à klaxonner, injurier les autres conducteurs, faire des manœuvres de représailles, ce qui n’est pas toujours le cas avec certains de nos amis chauffeurs de taxi. Sur cet aspect, on a assez hâte de voir cette nouvelle concurrence de robotaxis arriver dans les villes ou sur les liaisons avec les aéroports.
Quelle différence avec les autres voitures autonomes déjà en fonctionnement ?
De nombreuses expérimentations de voitures et taxis autonomes se développent un peu partout dans le monde, notamment aux USA. Sauf que l’Europe est probablement un des challenges les plus ardus pour cette technologie. Un système autonome pensé pour circuler dans les grandes villes américaines ne pourrait pas forcément s’adapter à la circulation de nos contrées européennes. D’ailleurs, ce n’est assurément pas pour demain que le Full Self-Driving de Tesla pourra être utilisé en toute sécurité et en toute confiance en Europe.
Les grandes villes européennes, à quelques exceptions près, doivent plus facilement s’apparenter au challenge de la conduite autonome dans les rues bondées des villes chinoises. En Europe, en plus de règles de circulation complexes, on ajoute tous les obstacles liés aux constructions historiques de nos villes : ponts étroits, tunnels, rues biscornues, ronds-points qui n’en sont pas…
Les expérimentations de conduite autonome en Europe sont également limitées par les contraintes réglementaires des différents pays. Le soutien apporté par le gouvernement britannique a aussi permis de faciliter la mise en place des essais en conditions réelles.
Pour les besoins de l’étude, Servcity s’appuie sur les infrastructures de la ville, caméras, feux de signalisation connectés, pour assurer de bonnes conditions de test. C’est ainsi que 24 km de voirie ont été équipées, plus de 200 points sont surveillés et plus de 300 caméras sont accessibles en direct pour suivre les évolutions des véhicules de test.
Le projet de recherche Servcity a déjà parcouru 1 600 miles — soit environ 2500 km — de test sur Londres. Si l’expérimentation de Servcity se révèle être un succès, cela pourrait déboucher sur un potentiel service de robotaxi dans les grandes villes du Royaume-Uni.
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