Le « metaverse » de Facebook est-il vraiment l’avenir ? Pour le savoir, nous avons décidé de nous interdire toute forme de divertissement, en dehors d’un casque Meta Quest 2 (Oculus Quest 2), pendant une semaine. Entre nausées et rencontres surprenantes, voici comment s’est passé notre expérience… pas si concluante.

Depuis que Facebook a changé de nom pour Meta, le mot « metaverse » est à la mode. Cet univers virtuel, que certains présentent comme l’Internet de demain, est censé nous permettre d’interagir avec d’autres personnes, cette fois-ci bien réelles, grâce à la réalité virtuelle ou augmentée. Un fantasme technologique pour beaucoup, un cauchemar pour d’autres.

Peut-on tester le métavers en 2022 ? Oui et non. Le métavers, tel que présenté par Facebook, n’est encore qu’une simple idée. Il n’existe pas encore d’univers virtuel qui regrouperait de nombreuses applications différentes entre elles. En revanche, il existe plusieurs « expériences » correspondant à la définition du métavers. Pour aller voir des concerts, regarder un film dans un cinéma ou tout simplement sortir à plusieurs, cette idée d’univers virtuel inspiré du réel est déjà concrète. Dans cet article et dans la vidéo ci-dessous, nous vous racontons notre expérience, une semaine dans le métavers.

Le métavers et nous : notre protocole de test

Notre idée est assez simple : nous avons fait du casque Oculus Quest 2, renommé Meta Quest 2 il y a peu, notre seul appareil de divertissement pendant 7 jours. À la maison, pas de télévision, d’ordinateur ou de smartphone, nous nous sommes délocalisés dans la réalité virtuelle. Dans l’Oculus Store, nous avons téléchargé plusieurs applications qui, selon nous, appartiennent à la catégorie « métavers ». Chose importante : tout ce qui se passe dans la réalité virtuelle n’appartient pas au métavers. Il faut vraiment séparer ces deux concepts.

Pourquoi ne pas avoir étendu cette expérience au travail ? Tout simplement parce qu’Horizon Workrooms, l’application de télétravail de Meta, est encore très limitée (vois plus bas). La journée, nous sommes donc sortis de la VR. Enfin, sachez que nous n’avons pas pu expérimenter l’application Horizon Worlds durant notre test (qui pose les bases du métavers de Meta). Elle est seulement disponible aux États-Unis et, malgré nos demandes répétées et nos tentatives de contournement (VPN, compte US, etc.), Meta ne nous y a pas donné accès. Tant pis, nous le visiterons dans un prochain article.

Une semaine avec ça sur la tête, quel bonheur. // Source : Louise Audry pour Numerama
Une semaine avec ça sur la tête, quel bonheur. // Source : Louise Audry pour Numerama

Quelles sont les applications déjà disponibles ?

Puisqu’il n’est pas possible de tester « le Métavers » en 2022, nous allons diviser la première partie de cet article en plusieurs mini-tests. À chaque fois, nous vous raconterons nos expériences, positives comme négatives, dans l’application concernée.

Bigscreen, le cinéma comme en vrai

On commence par Bigscreen, une application au concept très intéressant. L’idée de ses développeurs est assez simple : vous permettre de vous retrouver entre amis, ou avec des inconnus, dans une salle de cinéma. Ce qui est diffusé apparaît au même moment dans les casques de tout le monde, ce qui permet de discuter du film à plusieurs. Une excellente idée, qui reprend celle d’Apple SharePlay ou Disney+ GroupWatch, mais en mieux.

Nous avons regardé le dernier Spider-Man dans une salle de cinéma, avec d'autres personnes. // Source : Numerama
Nous avons regardé le dernier Spider-Man dans une salle de cinéma, avec d’autres personnes. // Source : Numerama

Le concept en lui-même est très sympa, même si on peut s’interroger sur l’absence de modération. La grande majorité des salles publiques virtuelles diffusent du contenu piraté (comme des films ou du sport), sans que Big Screen ne puisse rien faire. Durant notre semaine dans le métavers, nous avons passé énormément de temps dans l’application. Nous avons pu regarder des films pas encore sortis sur les plateformes (Spider-Man No Way Home, Matrix 4, Dune…), des séries, des chaînes de télévision en direct, des matchs de foot et même un Nintendo Direct. L’expérience est vraiment intéressante, surtout pour un évènement comme la conférence de Nintendo. Il est étrangement plaisant de discuter avec un groupe d’inconnus et d’écouter leurs avis sur des jeux fraîchement annoncés. C’est d’ailleurs toujours drôle de croiser un Français ; on a le réflexe de se regrouper pour discuter.

N’importe qui peut créer une room dans Big Screen VR et diffuser l’écran de son ordinateur, afin de projeter un film piraté ou un match de foot. Dans la salle, on peut changer de place à sa guise, sortir du popcorn ou des crayons pour dessiner, ainsi que discuter en appuyant sur un bouton pour ouvrir le micro. Regarder un film en famille, même à plusieurs centaines de kilomètres de distance, devient possible. Cependant, gare aux mauvaises rencontres.

L'interface de Bigscreen, on peut choisir une salle pour s'y téléporter. // Source : Numerama
L’interface de Bigscreen, on peut choisir une salle pour s’y téléporter. // Source : Numerama

C’est le bémol de nos essais dans Big Screen VR, les gens se comportent encore plus bêtement dans le métavers que dans le vrai monde. Certains se raclent la gorge en ouvrant le micro, d’autres crient ou crachent… Nous avons même été surpris par la bêtise d’un diffuseur qui, par surprise, a ouvert un site pornographique dans une room dédiée à un film. L’anonymat rend particulièrement bête dans le métavers, ce qui ouvre d’immenses débats sur la faisabilité d’un monde virtuel.

Horizon Venues, pour les sorties culturelles à plusieurs

Horizon Venues est le petit frère de Horizon Worlds et, un jour, fusionnera sûrement avec. En attendant, cette application officielle proposée par Meta permet de regarder des événements en direct. On accède à une sorte de lounge dans lequel on peut se balader pendant que l’événement a lieu sur le côté, avec d’autres personnes autour. Nous avons pu assister à un concert de Snoop Dogg, à un concert des Foo Fighters ainsi qu’à la finale du Superbowl.

Que penser d’Horizon Venues ? Premièrement, se déplacer dans Horizon Venues est très… vomitif. On utilise le joystick pour sélectionner un endroit, et on relâche, ce qui n’est pas du tout naturel. C’est un vrai problème du métavers, comment se déplacer sans jambes ? Ensuite, les interactions avec les autres personnes ne se sont pas toute déroulées comme nous l’espérions.

Voilà l'interface d'Horizon Venues (les captures d'écran sont interdites, d'où la mauvaise qualité). // Source : Numerama
Voilà l’interface d’Horizon Venues (les captures d’écran sont interdites, d’où la mauvaise qualité). // Source : Numerama

À notre grande surprise, nous avons assisté à des « bastons » virtuelles. Des gens s’insultent, font semblant de se donner des coups de poing et pire, peuvent parfois aller en embêter d’autres sans raison. Nous avons aussi vu un « garçon » tenter d’embrasser une « fille » qu’il n’avait pas l’air de connaître. Meta a mis en place des dispositifs pour bloquer les perturbateurs, mais est-ce vraiment un comportement tolérable ? Bien sûr, il y a aussi eu de belles rencontres, comme cet entrepreneur marseillais qui nous a expliqué chercher à « faire du business dans le métavers et les NFT ».

Par ailleurs, malgré l’interdiction de nombreuses applications aux mineurs, dont Horizon Venues, les voix d’enfants sont très nombreuses dans le métavers. Certains parents laissent leurs petits aller à la rencontre d’autres utilisateurs, ce qui est selon nous très dangereux. Certes, retirer le casque peut suffire, mais laisser ses enfants en présence d’inconnus décomplexés par leur anonymat a tout d’une très mauvaise idée. Si vous avez un casque Oculus à la maison, nous vous encourageons à verrouiller son accès. Certains enfants avec qui nous avons discuté nous ont indiqué que leurs parents n’étaient pas au courant.

VR Chat, un vrai métavers en mode grand n’importe quoi

Comment expliquer le concept de VR Chat ? Pour le coup, il s’agit peut-être de ce qui s’approche le plus du vrai métavers. Il existe des centaines de salles que l’on peut visiter, avec d’autres personnes. Certaines sont dédiées aux rencontres, d’autres à des jeux (escape game, échecs…). Les gens peuvent venir vers vous pour discuter, ou juste vous ignorer.

Dans VRChat, il y a des endroits juste créés pour se « poser » et discuter. // Source : Numerama
Dans VRChat, il y a des endroits juste créés pour se « poser » et discuter. // Source : Numerama

Si VR Chat est clairement mieux conçu que le reste des applications, c’est aussi celle qui nous a donné la moins bonne impression. Déjà, elle donne vraiment envie de vomir. Le déplacement n’est pas fluide, et certaines animations sont saccadées. Ensuite, nous avons souvent été mal à l’aise. Il y a beaucoup d’enfants, certains avatars font peur et les gens ont tendance à se jeter sur vous quand vous rentrez dans une salle et à poser des questions. Si on peut sans doute utiliser VR Chat plus calmement, dans des salles privées par exemple, nous n’avons pas eu envie d’en faire un rituel quotidien.

Dans cette salle, on se rencontre pour jouer aux échecs. // Source : Numerama
Dans cette salle, on se rencontre pour jouer aux échecs. // Source : Numerama

Horizon Workrooms, le télétravail du futur ?

Enfin, comme promis, parlons d’Horizon Workrooms, l’application de télétravail du groupe Meta. Il y a déjà une première aberration ici : il faut créer un compte Horizon Workrooms depuis un PC pour y accéder. Il est impossible de le faire depuis son casque, ce qui est une véritable erreur de conception. C’est d’autant plus idiot que toutes les autres applications Oculus fonctionnent avec un compte Facebook, sans compte supplémentaire. Bref.

Une fois qu’il est configuré, Horizon Workrooms permet de créer des espaces de travail. Chose intéressante, le virtuel repose sur le réel. On utilise son casque pour scanner l’emplacement de son vrai bureau, qui sera répliqué dans le métavers. On peut aussi transformer un mur de sa maison en un tableau blanc, pour dessiner des choses que toutes les personnes présentes dans la salle verront. Sur le papier, l’idée est excellente, même s’il y a souvent des soucis techniques (le tableau se met à 1 cm derrière le mur, et n’est pas accessible).

Dans le vrai monde, ce tableau est en réalité un mur. // Source : Numerama
Dans le vrai monde, ce tableau est en réalité un mur. // Source : Numerama

Ensuite, on peut installer un logiciel sur son ordinateur pour afficher son écran dans le métavers. Là aussi, nous avons eu de gros problèmes. Le logiciel Mac marche une fois sur deux, ce qui ne nous a pas donné envie de continuer l’aventure trop longtemps. Peu de claviers sont reconnus, ce qui peut forcer l’utilisateur à taper à l’aveugle.

Un des bureaux virtuels de Facebook. // Source : Numerama
Un des bureaux virtuels de Facebook. // Source : Numerama

Sur le papier, Horizon Workrooms est séduisant. En temps de confinement par exemple, pourquoi pas se réunir avec ses collègues dans une salle plutôt que dans Zoom. Cependant, à l’heure actuelle, il a des airs de bêta. Nous sommes curieux de voir comment Meta le fera évoluer.

Dans le métavers, on trouve les mêmes vices que dans le monde réel

Dans les prochains mois, nous comptons continuer d’aller explorer le métavers et ses premières floraisons. Nous vous proposerons sûrement d’autres articles dans ce genre avec, espérons-le, des expériences encore plus sophistiquées. En attendant, quel est notre bilan de cette première semaine de test ?

Vous l’avez peut-être deviné en lisant nos paragraphes précédents, quelque chose ne tourne pas rond dans le métavers. Il y a déjà des premières dérives comportementales qui nous font imaginer le pire pour la suite. Dans un univers virtuel où tout le monde est anonyme, libre de ses actions, capable d’interagir avec des inconnus en direct, comment empêcher les gens de faire n’importe quoi ? Se posent aussi des questions légales, comme : « le harcèlement dans le métavers doit-il être considéré comme du vrai harcèlement ? » Meta aura-t-il la possibilité de créer un espace sain pour tout le monde ? En l’état, nous sommes très inquiets.

Notre quotidien pendant une semaine ressemblait à ça. // Source : Louise Audry pour Numerama
Notre quotidien pendant une semaine ressemblait à ça. // Source : Louise Audry pour Numerama

Certains comportements sont anodins (des personnes qui crachent dans le micro), d’autres beaucoup plus graves (des insultes ou des actes violents) et, pour l’instant, Meta n’a pour seule solution que la création d’une bulle de sécurité qui permet de s’isoler quelques secondes quand quelqu’un nous embête (ou empêcher les gens de nous approcher de trop près). A-t-on vraiment envie d’un monde virtuel où nous devrions nous enfuir pour être tranquille ?

Autre problématique que nous avons découverte : en l’état, passer autant de temps dans un casque de réalité virtuelle épuise. Il y a à la fois la fatigue physique (l’envie de vomir, la tête qui tourne sont courants dans le métavers), mais aussi une forme de fatigue morale que nous n’avions pas anticipée. Enfermés dans notre monde virtuel, nous avons parfois oublié que nous pouvions blesser les gens que l’on aime, ceux du monde réel, que nous omettions complètement de notre réalité durant notre test. Si certaines idées derrière ce métavers sont clairement alléchantes, sa faisabilité nous semble tout sauf garantie. Le métavers peut-il être autre chose qu’un Internet, en pire ?

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