Les temps sont-ils en train de changer pour les géants du net, qui achètent des startups à tour de bras pour empêcher l’émergence de futurs rivaux ? Le Financial Times, dans son édition du 29 novembre 2021, rapporte que l’autorité de la concurrence britannique devrait jouer un mauvais tour à Facebook, devenu Meta, en s’opposant à l’acquisition de Giphy, une très grosse plateforme d’hébergement et de partage de gifs.
Si le régulateur outre-Manche contraint effectivement Facebook à se séparer de Giphy, ce serait un séisme dans le milieu de la tech. Comme le signale l’un des deux journalistes qui ont signé l’article, ce serait la première fois que le gendarme de la concurrence annule une acquisition lancée par l’une des plus puissantes plateformes du net, constituant un signal d’avertissement pour toutes les autres.
Le marché du gif sur les réseaux sociaux est essentiellement partagé entre Giphy, qui est dans l’escarcelle de Facebook, et Tenor, qui appartient à Google. Il existe d’autres acteurs notables sur la toile, pour accueillir des images animées, qui restent encore indépendants, comme Gfycat. Une décision sur l’avenir de Giphy pourrait intervenir très bientôt, aux alentours du 1er décembre 2021, anticipe le journal anglais.
Les gifs sont extrêmement populaires sur le net, et cela depuis des années. Après avoir servi à décorer les sites web, parfois de façon grotesque, les images animées servent aujourd’hui massivement sur les réseaux sociaux et dans les messageries pour véhiculer une humeur ou faire une plaisanterie. À ce compte, ils ont un statut assez semblable aux émojis et aux smileys.
Facebook a déjà pris une amende de 60 millions d’euros
Les choses se présentent assez mal pour Facebook, dans la mesure où une décision provisoire rendue en août est justement allée dans le sens d’une revente de Giphy pour résoudre des problématiques de concurrence. Dans les craintes du régulateur figure le risque que Facebook entrave l’accès aux gifs de Giphy, mais aussi des demandes d’accès à plus de données de la part de Snapchat, Twitter ou TikTok.
C’est en juin 2020 que l’autorité de régulation britannique a lancé une enquête sur le deal entre Facebook et Giphy. Un mois plus tôt, Facebook annonçait l’acquisition de Giphy et l’intégration de son équipe, pour un montant estimé à 400 millions de dollars (environ 350 millions d’euros). Giphy, qui a vu le jour en 2013, est maintenant fréquenté chaque jour par 700 millions d’internautes.
L’enquête conduite par l’autorité de régulation a connu en octobre un premier soubresaut d’importance, puisque l’instance administrative a infligé une amende d’un peu plus de 50 millions de livres sterling (environ 60 millions d’euros) à Facebook, parce que le réseau social a enfreint certaines obligations — en particulier, il est reproché au site de ne pas avoir transmis toutes les informations demandées.
Pour le régulateur, Facebook et Giphy n’auraient pas dû se rapprocher davantage durant le temps de l’enquête, jusqu’à ce que ses conclusions soient connues. Le régulateur a rappelé que ce type de restriction est courant et sert à « s’assurer que les entreprises continuent à se faire concurrence comme elles l’auraient fait sans la fusion ». En somme, il n’aurait pas fallu mettre la charrue avant les bœufs.
Le spectre du démantèlement des géants de la tech
La divergence de vues qui se creuse entre l’autorité de concurrence britannique et Facebook autour de Giphy pourrait n’être que la partie émergée de l’iceberg. À plus large échelle, le devenir d’autres acquisitions pourrait aussi être remis en cause, parce qu’elles seraient en fait trop déstabilisatrices pour l’équilibre du marché. Facebook, à cet égard, apparaît très exposé avec Instagram et WhatsApp.
On se souvient par exemple que la Commission européenne a infligé une amende de 110 millions d’euros à Facebook en 2017, parce que le réseau social a transmis des éléments erronés sur le rachat de la célèbre messagerie instantanée, en 2014. En particulier, il lui a été reproché d’avoir autorisé le partage des données personnelles de l’app vers Facebook après avoir assuré du contraire.
Même aux États-Unis, une réflexion avance sur un relatif démantèlement de certains très gros acteurs du net. Une agence indépendante américaine, la Federal Trade Commission, qui évolue dans le droit de la consommation, a attaqué en justice le réseau social américain au motif qu’il a organisé illégalement son monopole. Et parmi les remèdes potentiels, la revente de WhatsApp et d’Instagram n’est pas improbable.
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