Souvenez-vous : c’était les débuts de la pandémie de coronavirus en France, le premier confinement, et les débats autour du lancement de l’application de traçage de contacts StopCovid. Le gouvernement avait accordé la tenue de débats de plusieurs heures à l’Assemblée nationale, se disant prêt à répondre à toutes les questions et inquiétudes sur le fonctionnement de l’app souveraine française.
Neuf mois plus tard, les choses ont bien changé.
Le média spécialisé APM News a repéré, le 12 janvier 2020, un projet de décret du gouvernement qui vise à modifier certaines caractéristiques de TousAntiCovid, le nouveau nom de l’application StopCovid. Il a été rendu public sur le site du ministère de la Santé le même jour, sous la forme de la publication, non pas du projet, mais de l’avis du peu connu Comité de contrôle et de liaison COVID-19 (CCL-COVID), saisi en novembre.
L’avis du CCL-COVID a été rendu le 15 décembre, et partagé sur le site du ministère de la Santé le 12 janvier 2021, soit près d’un mois plus tard. L’objectif du décret concerné est de modifier celui du 29 mai 2020, relatif au traitement de données de StopCovid (qui s’appelait ainsi à l’époque).
Ce projet de décret n’est pas encore devenu un décret — il n’y a d’ailleurs pas de date de publication officielle. Il permet, s’il venait à être passé en l’état, de changer plusieurs aspects importants dans la manière dont TousAntiCovid est utilisée aujourd’hui.
Pour rappel, il s’agit d’une application pour smartphone censée enregistrer les contacts entre deux personnes, pour pouvoir en prévenir une si l’autre est déclarée positive au Covid-19. De nombreuses questions et débats ont été soulevés depuis sa création, comme le choix d’une solution incompatible avec celles privilégiées par les voisins européens, d’un système centralisé, de l’efficacité tout court de l’application qui, en plus d’être très peu pertinente sur iPhone, repose sur une technologie de Bluetooth connue pour être très peu fiable.
Voici les grands axes que l’on retrouve dans le nouveau projet de décret, dont certains posent de réelles questions sur l’absence d’explications ou de pédagogie de la part du gouvernement.
Scanner des QR Code pour entrer dans des lieux clos
C’est probablement la partie la plus dense et la plus importante des modifications que ce projet de décret suggère de mettre en place. Numerama s’attellera à détailler, dans les jours à venir, ces propositions dans de futurs articles, car l’étendue des inconnues est vaste.
On apprend ainsi que le gouvernement souhaiterait désormais ouvrir la porte à l’utilisation du QR Code pour pénétrer dans les lieux clos. Le CCL-COVID le présente ainsi : « De manière simplifiée, un QR code sera positionné à l’entrée de certains lieux à risque (liste des lieux en cours d’identification en lien avec SPF), la personne flash ce code (il suffit donc d’un téléphone avec appareil photo) et fait ainsi un check-in à la date ‘d’ pour une durée ‘t’ dépendant du type de lieu.»
On peut lire dans le projet de décret :
« Les informations relatives à la fréquentation d’un lieu clos permettant le rassemblement ou la réunion de plusieurs personnes obtenues par un QR-code mis à disposition à l’intérieur ou devant ce lieu. Ces informations sont stockées par un serveur dédié en vue d’informer l’utilisateur qu’il a été en contact avec une personne diagnostiquée ou dépistée positive au virus du covid-19 et ayant fréquenté le même lieu durant la même plage horaire. »
On ne sait quasiment rien du fonctionnement de ce futur hypothétique système, ni comment seraient précisément gardées les données, ni quels lieux seraient concernés, ni s’il y aura un caractère obligatoire au scan des QR Code, etc. Il faudra que le ministère précisé énormément de modalités dans cette proposition.
Rendre prioritaire l’accès aux tests Covid pour les utilisateurs notifiés
Attention, il ne s’agit pas là de rendre tous les utilisateurs ou utilisatrices de TousAntiCovid prioritaires à l’accès aux tests.
En revanche, il est bien suggéré dans le projet de décret que les personnes qui ont été notifiées par l’application qu’elles sont potentiellement cas contact puissent « bénéficier d’un examen de dépistage dans des conditions de réalisation prioritaire en tant que personne contact ».
Pour l’instant, les personnes considérées comme prioritaires pour l’accès aux tests sont celles qui ont été notifiées par traçage humain qu’elles étaient potentiellement des cas contacts, par la CPAM notamment.
Cela signifie que si vous avez reçu une notification de TousAntiCovid, vous aurez le droit d’être considéré comme prioritaire pour un test, comme si vous aviez été notifié par un être humain. « Les personnes notifiées par TousAntiCovid (considérées comme personnes contacts) seront prioritaires au même titre que toute autre personne contact (identifiée par Contact Covid ou par un médecin traitant) », peut-on lire dans le rapport du CCL-COVID.
Retirer toute limite de temps à son obligation de rapport de fonctionnement
Dans le décret de mise en place de StopCovid de mai 2020, on pouvait lire : « Le responsable de traitement rend public un rapport sur le fonctionnement de StopCovid dans les trente jours suivant le terme de la mise en œuvre de l’application, et au plus tard le 30 janvier 2021. » Or, la Direction générale de la santé (DGS) n’a jamais publié ce grand rapport sur le fonctionnement de l’application, et encore moins dans le mois qui a suivi son activation, en juin dernier.
Alors qu’il ne reste plus à la DGS que 15 jours avant de devoir rendre ce rapport, le gouvernement prévoit dans ce projet de décret de se retirer toute obligation temporelle, en faisant disparaître « le 30 janvier 2021 ».
Récolter plus de données d’utilisation de l’app (de manière anonyme)
Le ministère de la Santé n’a donc plus de date limite pour fournir le rapport sur le fonctionnement de StopCovid, ni TousAntiCovid. Même chose concernant les statistiques d’utilisation, qui restent encore très peu nombreuses, et encore moins partagées au grand public, à l’exception du nombre de téléchargements (12,3 millions au 13 janvier) et de notifications envoyées (49 205 à la même date).
Dans l’avis du CCL, on lit toutefois que le gouvernement envisage de lancer de la collecte de données de manière anonyme afin de connaître les « données de navigation de l’utilisateur, temps d’activation moyen du Bluetooth dans la journée, temps d’ouverture moyen de l’application, nombre de contacts scorés, nombre de contacts croisés ». Mais note toutefois que « les objectifs de ces analyses, le type de données traitées et les destinataires des analyses doivent être explicités.»
Pour l’instant, aucune explication supplémentaire, ni garantie, n’a été fournie.
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