Le Apple HomePod est disponible en France le 18 juin 2018. Alors que Google et Amazon vendent l’intelligence relative de leurs appareils, Apple a choisi de mener son combat sur le son. Une stratégie différenciante… une bonne stratégie ?

« — Dis Siri, mets Fip.
— Veuillez préciser de quel contact il s’agit, vous en avez 4.
— Dis Siri, écouter Fip.
— D’accord, je lance FLIP de Lomepal sur Apple Music.
— Dis Siri, écouter la radio Fip.
— Et tout de suite Beats 1, ma station de radio préférée !
— Dis Siri, écouter la radio F-I-P.
— 
D’accord, je crée une radio à partir de Fip, Vol. 3: La playlist qui rythm… »

Ma première rencontre avec un HomePod en français n’a pas été des plus agréables, ni des plus convaincantes. Possédant un Google Home depuis l’hiver 2017, j’avais pris l’habitude d’en faire tout à la fois mon poste de radio moderne pour écouter la merveille française qu’est Fip, ma station domotique, mon assistant côté cuisine et mon compagnon pour imiter les bruits d’animaux mignons (très important, les animaux mignons). Avec ses promesses d’enceinte tournant autour de la musique, j’attendais le HomePod d’Apple avec impatience pour la première de ces tâches — un échec « corrigé », puisque Fip est finalement disponible en direct pour la sortie française de l’enceinte.

Mais faut-il en vouloir pour autant à ce cylindre musical, sous prétexte que, pour la première fois depuis bien longtemps, le premier contact avec un produit Apple n’est pas plaisant ? Nous avons creusé la question pendant un petit mois, en compagnie d’un, puis de deux HomePod. Verdict.

Design et caractéristiques

Le HomePod d’Apple est une enceinte connectée ultra compacte, disponible en gris foncé ou en blanc. Compact est l’adjectif à retenir : on ne se douterait pas qu’un si petit objet (17 cm) puisse peser aussi lourd (2,5 kg). Clairement, on est face à un produit Apple. Rien ne dépasse, les finitions sont magnifiques et les proportions ont été savamment travaillées pour que le HomePod puisse trôner dans un salon sans dénaturer un intérieur élégamment décoré. On se retrouve avec un objet de design d’intérieur qui a moins l’aspect d’un objet tech que ses concurrents, qu’on les nomme Home ou Echo.

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Le revêtement en tissu troué est ultra régulier et semble d’une excellente qualité, renforcé par des éléments en arrière-plan que la main ne peut pas toucher. Cet écrin renferme un système audio complet, avec son caisson de basse en hauteur et ses sept tweeters en bas de l’ensemble — une technique non conventionnelle, mais qui répondait mieux au cahier des charges d’après les ingénieurs d’Apple. Qui dit enceinte connectée dit micros et le HomePod en possède 6, répartis circulairement autour de l’enceinte. L’intelligence de l’appareil est gérée par un processeur Apple A8, équipant également les iPhone 6. De quoi réutiliser d’anciens composants largement suffisants pour faire ce qu’on demande à une enceinte connectée.

La surface supérieure, immaculée et brillante, rappelle la face avant d’un smartphone. Et c’est normal : c’est ici que les commandes tactiles apparaissent quand le HomePod diffuse de la musique — un simple + et – — et que l’esprit de Siri se manifeste quand l’assistant est à l’écoute. Là encore, les animations sont un cran au-dessus de la concurrence et la surface est tactile multipoints, ce qui vous permet de passer d’un morceau à l’autre avec deux ou trois doigts et de faire des appuis longs.

Un seul câble pend de l’objet : pas de bouton. Vous branchez l’enceinte et c’est parti.

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L’expérience du son

La configuration du HomePod est enfantine. Vous approchez votre iPhone de l’enceinte et un menu apparaît à l’écran. En trois clics, vous avez transmis les infos du Wi-Fi, vos identifiants Apple Music et, éventuellement, quelques autres informations liées à iCloud (vos contacts, vos notes…). L’efficacité de ce premier contact a son petit défaut : si vous souhaitez par exemple changer le HomePod de réseau Wi-Fi, il faudra refaire une configuration depuis le début.

Immédiatement, le HomePod commence à travailler. Contrairement aux enceintes haut de gamme concurrentes (on pense plutôt à Onkyo ou à Sonos) qui sont des plaies à configurer ou à calibrer, le HomePod a été conçu pour faire ce travail d’ajustement en sous-marin. Et toute l’ingénierie logicielle d’Apple s’est focalisée sur une tâche bien précise : éliminer la pièce. Pour cela, en temps réel, le HomePod va ajuster le son qu’il émet en fonction de ce qu’il capte. Des murs, des surfaces qui résonnent mal, des objets dans des matières molles qui absorbent le son. Tout cela est fait à mesure que vous écoutez vos premiers morceaux et ajusté à chaque fois que l’appareil considère que le son ne donne pas satisfaction.

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Associez cette intelligence à des enceintes de bonne qualité et vous comprendrez pourquoi toute la presse spécialisée, des technophiles aux audiophiles, ont plébiscité la merveille d’ingénierie audio qu’est le HomePod. C’est bien simple, à ce format et à ce prix-là, les rivaux sont peu nombreux — enceinte connectée ou non.

Le son diffusé par le cylindre emplit la pièce et a la particularité d’être presque exactement le même, peu importe où vous vous trouvez. Il n’y a pas d’endroit idéal pour écouter un HomePod qui diffuse le son d’excellente manière où que vous soyez. Bien entendu, objet moderne oblige, le HomePod va s’appuyer sur Apple Music et les informations connues des morceaux et de leurs pistes pour ajuster les fréquences et proposer un mix idéal des morceaux.

Ce qui est bluffant, c’est que ce travail est aussi bien réalisé sur des morceaux hyper travaillés et peaufinés d’electro ou de r&b moderne, Sufjan Stevens et Frank Ocean, que sur les sons crades et bruts d’un vieux Neil Young ou la piste mono d’un Beach Boys, jusqu’à restituer avec une belle justesse du jazz barré à la Zorn ou les mélodies folk d’un Baptiste Hamon. On ne dira pas que le HomePod excelle partout, mais il est clairement le dernier stop avant l’installation Hi-Fi complète — et encore, l’entrée de gamme ne sonnera pas aussi bien.

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Connecter deux HomePod apporte une stéréo parfaite sans la moindre latence grâce à AirPlay 2, qui spatialise vraiment très bien le son avec toujours cette idée que la pièce doit être éliminée — cette fois par deux unités en même temps. Cette configuration s’avère également assez polyvalente à utiliser et pourra faire office d’enceinte pour du contenu multimédia diffusé par une Apple TV — on pourra alors regretter pour l’instant une absence de traitement aussi précis du flux audio que lors de la lecture musicale et une association fastidieuse avec l’enceinte, mais l’objet n’a pas encore été pensé pour. Une mise à jour logicielle pourrait tout changer et connaissant le suivi par Apple de ses produits, cette première génération de HomePod sera sans nul doute améliorée encore de nombreuses années.

Siri

Lecteurs et lectrices qui lisent les articles en entier auront remarqué à quel point l’introduction contraste avec les paragraphes qui précèdent. C’est qu’il faut reconnaître à Apple un tour de magie plutôt bien amené : le HomePod est si agréable à utiliser en tant qu’enceinte vaguement connectée qu’on oublierait qu’il est sur le marché des assistants. On le sait depuis maintenant quelques années : philosophiquement, Apple s’est tiré une balle de vertu dans le pied en jouant la carte de la privacy by design. Cela fait des iPhone, Mac et autres appareils des chevaliers de la vie privée et des appareils sécurisés par défaut à un niveau que le grand public ignore autant que la presse félicite.

Mais cette force vient avec une faiblesse : contrairement à Google, maître incontesté de la data pseudonymisée, Apple manque de ressource pour entraîner ses algorithmes et ses logiciels. Siri est un dommage collatéral de cette politique — on se souvient lors de l’Euro 2016 que le logiciel d’Apple n’était pas capable de donner les résultats de la compétition parce que rien n’avait été développé pour, quand les moteurs de Google n’ont besoin que de savoir gérer un sport et peuvent ensuite se dupliquer à l’infini sur toutes les compétitions.

Apple faisait écouter des conversations avec Siri. // Source : Apple

Il y a encore beaucoup de fait main chez Apple, sur des tâches que du machine learning puissant devrait faire tout seul. Apple doit apprendre à Siri à faire des choses, quand Google apprend à Assistant à apprendre, à puiser dans la base de connaissance qu’est le web — et nos données. En pratique, cela donne des situations ubuesques comme celle du départ : pendant un temps, Siri n’avait pas la radio Fip comme partenaire officiel et ne savait donc pas aller la chercher. Un Google Home va se connecter à l’application TuneIn et chercher chez son service tiers le flux en direct de la radio française. Bien entendu, Apple connaît ces limites et sait ajuster son offre. Mais cette anecdote est symptomatique du fonctionnement global de Siri qui tombe trop souvent à côté de la plaque — même si le moteur de reconnaissance de la voix est bon, même en français.

N’attendez donc pas du HomePod qu’il soit un Google Home. Il ne répondra pas à vos questions de culture générale, n’aura pas des centaines d’applications tierces greffées automatiquement et n’aura pas non plus la capacité d’apprendre aussi vite. Le HomePod ne sait par exemple pas qui est le président de la France, mais sait qui est le président de la République française.

Mais alors, qu’est-ce que Siri sait faire ?

Un tel écart de compréhension n’a pas de sens et un Google Home est capable de corriger ce qu’il ne sait pas comme un grand en apprenant de ses utilisateurs, parfois en moins d’une semaine. Bref, on aurait aimé qu’Apple ait trouvé la recette du Saint-Graal de l’informatique moderne : proposer du machine learning puissant tout en respectant la vie privée en extrémiste de la question, comme il aime à le faire. Ce n’est pas encore le cas.

Mais alors, qu’est-ce que Siri sait faire ?

  • Gérer des accessoires HomeKit : lampes, volets, prises… toutes les commandes ont été travaillées par Apple et sont donc parfaitement comprises et effectuées. La puissance du constructeur dans la domotique n’a pas d’égal et le jeu avec les scènes et autres réglages fins (pourcentage de luminosité d’une lampe en particulier, etc.) font du HomePod le parfait chef d’orchestre.
  • Assister aux tâches banales du quotidien : météo, température, minuteur, réveil, rappel…
  • Passer des SMS/iMessages : Siri a de l’avance de ce côté-là grâce à la synchro iCloud de toutes ces fonctionnalités. C’est ultra plaisant et fonctionnel. On regrette simplement que le HomePod ne sache pas passer d’appel ou de FaceTime Audio, alors qu’il sait les gérer une fois qu’on les a passés depuis un iPhone.
  • Gérer pas trop mal Apple Music et les podcasts : oui, Siri se plantera souvent sur les requêtes. D’autres fois, elle saura vous impressionner : vous pourrez lui demander de la house des années 1990, de la folk contemporaine, les meilleurs morceaux d’untel, vos morceaux préférés, de la musique qui vous plairait… bref, vous pouvez guider à la voix Apple Music sans trop de difficulté. On apprécie tout de même s’en charger depuis un iPhone et diffuser le son sur un HomePod : Apple Music sera chargé dans le HomePod et vous pourrez donc quitter la pièce en laissant le son.

Et c’est tout. Pas de Skills, pas de jeux, pas de bidules rigolos, pas de contrôle d’une Apple TV à la voix, pas de programmes pensés pour le HomePod comme on a pu en voir pour Google Assistant ou Alexa. Encore une fois, Apple va améliorer sa copie dans les mois et les années qui viennent — en commençant par les recettes sur iOS 12. Mais pour l’heure, on peut dire que le HomePod est plus une enceinte connectée avancée qu’un assistant intelligent. Pour certains clients, cela ne sera d’ailleurs pas un défaut.

L’Apple HomePod est disponible à 329 €.

Le verdict

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8/10

Apple HomePod

Dernier arrivé sur le marché de l'enceinte connectée, Apple a un retard certain à rattraper. Et le HomePod n'aura aucun mal à convaincre qui cherche une enceinte compacte haut de gamme d'excellente qualité : le pari de proposer un objet autour de la musique est entièrement assumé et Cupertino surclasse sans mal la compétition. Le tout dans un écrin soigné qu'on aime faire trôner au centre d'une pièce. 

Reste que les craintes autour de Siri sont fondées : à la sortie de l'appareil, l'assistant intelligent d'Apple est loin de la concurrence. Il s'en sortira sans mal sur les tâches de base, mais reste aux abonnés absents sur des requêtes qui sortent un peu de l'ordinaire -- on s'étonne également de manques liés à l'écosystème (pourquoi passe-t-il des SMS mais pas des appels ? pourquoi ne peut-il pas gérer une Apple TV ?). Bref, on attend iOS 12 et la suite avec impatience.


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