Utiliser ChatGPT diminue-t-il votre capacité de réflexion ? Une première étude menée au sein du prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT) avance des éléments qui vont dans ce sens. Est-ce suffisant pour sonner l’alarme ?

Est-ce qu’utiliser ChatGPT ou un autre chatbot, c’est déléguer sa réflexion ? Quels pourraient être les effets sur les facultés d’apprentissage des élèves, s’ils délèguent massivement leur effort intellectuel à ces outils ?

Pour faire la lumière sur ces questions, le laboratoire Media Lab au sein du Massachusetts Institute of Technology (MIT) a mené une étude publiée ce 10 juin par la chercheuse Nataliya Kosmyna, chercheuse spécialisée dans le domaine des interfaces cerveau-ordinateur. Avec de premiers résultats qui invitent justement à la réflexion.

Les effets de ChatGPT sur notre capacité de réflexion

Dans le cadre de cette étude, il a été décidé au préalable de diviser en trois groupes 54 volontaires âgés de 18 à 39 ans, et tous originaires de la région de Boston. Il a été demandé à chaque groupe de rédiger des dissertations, avec des règles différentes : l’un utilisait ChatGPT, l’autre passait par le moteur de recherche Google et le dernier n’avait droit à rien.

Lors de ces exercices, les chercheurs ont utilisé un électroencéphalogramme pour enregistrer l’activité électrique du cerveau et déterminer son intensité et les régions activées, parmi 32. Les sujets ont répété l’expérience sur plusieurs mois, afin de constater l’évolution de l’activité cérébrale. Les dissertations ont également été notées par des enseignants humains et une intelligence artificielle.

Une analyse de l'EGG sur les sujets // Source : « Your Brain on ChatGPT: Accumulation of Cognitive Debt when Using an AI Assistant for Essay Writing Task » du Media Lab du MIT
Une analyse cérébrale sur les sujets. // Source : « Your Brain on ChatGPT: Accumulation of Cognitive Debt when Using an AI Assistant for Essay Writing Task » du Media Lab du MIT

Conclusion ? « Les utilisateurs de [chatbots] ont constamment obtenu des résultats inférieurs aux niveaux neuronal, linguistique et comportemental ». L’activité cognitive était très différente entre les groupes : « les participants utilisant uniquement le cerveau ont montré les réseaux les plus forts et les plus distribués ; les utilisateurs du moteur de recherche ont montré un engagement modéré ; et les utilisateurs de [chatbots] ont montré la connectivité la plus faible ».

Ceux qui avaient ChatGPT à disposition peinaient à s’approprier leur travail, à le citer avec précision. Dans ce groupe précis, 83,3 % d’entre eux étaient incapables de citer des passages d’essais qu’ils avaient « rédigés » quelques minutes auparavant, contre à peine 11,1 % pour ceux qui n’avaient rien à disposition.

Le bouton Deep Research depuis l'interface ChatGPT
Le bouton Deep Research depuis l’interface ChatGPT. // Source : OpenAI

Au fil des mois, le groupe qui avait droit à ChatGPT est apparu de plus en plus paresseux à chaque dissertation, quitte à faire du copier-coller à la fin. Pour les enseignants qui ont évalué ces « élèves », les dissertations étaient « sans âme » et sans originalité, souvent similaires.

Que penser de cette étude sur les effets de ChatGPT sur le cerveau ?

La méthodologie de l’étude a été entièrement expliquée par les chercheurs qui l’ont réalisée ; un effort de transparence et d’explication nécessaire pour la crédibiliser et jauger les conditions dans lesquelles elle a eu lieu.

En revanche, il s’agit de la première étude du genre, et elle n’a pas encore fait l’objet d’une relecture par d’autres neuroscientifiques. Cette vérification via des pairs permet d’assurer le sérieux d’un article scientifique, alors que l’échantillon utilisé ici est relativement petit : 54 personnes réparties dans trois groupes, sur quatre mois seulement.

Pour le moment, la littérature scientifique sur ce terrain est encore rare. En mai dernier, l’université Harvard publiait un article scientifique montrant que les utilisateurs d’intelligence artificielle générative étaient plus productifs, mais moins motivés.

ChatGPT OpenAI
Source : Numerama

Le MIT, via le Media Lab, a déjà mené des études approfondies sur l’impact de l’utilisation de ChatGPT sur le cerveau, comme le comportement cognitif et le bien-être émotionnel des utilisateurs. Le MIT a associé l’usage intensif de ChatGPT au sentiment de solitude et à une diminution des interactions sociales réelles. Il relevait que ChatGPT engendrerait aussi des risques de dépendance émotionnelle. Ces résultats restent préliminaires et doivent être interprétés avec prudence.

L’usage de ChatGPT par les enfants inquiète

Nataliya Kosmyna et son équipe ont par ailleurs des inquiétudes « quant aux implications éducatives à long terme de la dépendance aux [chatbots] », principalement chez les plus jeunes. Ils appellent à la réalisation d’autres études plus approfondies sur le rôle de l’IA dans l’apprentissage. La chercheuse mène actuellement une autre étude sur l’usage de l’IA, cette fois-ci auprès de développeurs informatiques.

Le rapport préconise l'interdiction des écran pour les plus jeunes // Source : Canva
Quel impact de ChatGPT sur le cerveau des plus jeunes ? La question mériterait d’être davantage creusée. // Source : Canva

Une inquiétude partagée par l’autrice au Time. « Je crains que dans six à huit mois, certains décideurs politiques décident de mettre en place des maternelles GPT ». Une crainte qui l’a amenée à publier quand même son étude, malgré l’absence de contrôle par les pairs — un choix inédit de sa part, a-t-elle expliqué.

Le psychiatre Zishan Khan, interrogé par le Time, soutient cependant l’étude : « d’un point de vue psychiatrique, je constate que cette dépendance excessive à l’égard des [chatbots] peut avoir des conséquences psychologiques et cognitives imprévues, en particulier chez les jeunes. »

La publication de l’article a fait grand bruit dans la presse et sur les réseaux sociaux. La société OpenAI, qui a construit ChatGPT, a été interrogée, mais s’est refusée à tout commentaire.

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