Les avocats et les juristes ont-ils du souci à se faire avec le développement de l’intelligence artificielle ? C’est peut-être toutes les personnes avec lesquelles vous pourriez être en contentieux qui devraient se méfier, en réalité. Car les progrès rapides dans l’IA donnent aujourd’hui des réponses juridiques instantanées dont la qualité va croissante.
Un exemple ? LegiGPT. Ce site, construit par le développeur Steeve Morin, agit comme un assistant personnel juridique. L’idée, ambitieuse, est de pouvoir discuter avec la loi, en employant le langage naturel, comme si l’on discutait avec quelqu’un. Ici, l’outil est interfacé avec GPT-3.5, le modèle de langage derrière ChatGPT. Le chatbot a depuis basculé sur GPT-4.
Un ChatGPT spécialisé dans le droit français
LegiGPT prend la forme d’un tchat, dans lequel on peut poser n’importe quelle question ayant trait au droit à l’IA. Vous pouvez lui demander autre chose, mais il n’a pas été conçu pour ça. On l’a ainsi questionné sur son appréciation du film Avengers, mais il n’a rien pu nous dire. Il a simplement rappelé qu’il n’est là que pour parler du droit français.
Selon Steeve Morin, d’ailleurs, plus de 148 000 articles de la loi ont été ingérés par LegiGPT, provenant de tous les codes. Une future version de l’outil, baptisée LegiGPT+, est envisagée. Elle utiliserait GPT-4 et intégrerait d’autres fonctionnalités : les projets de loi, les ordonnances, les décrets, les arrêtés, les exposés des motifs et la jurisprudence.
Reste la question centrale : est-ce que ça marche ? Sur un plan technique, disons-le tout net : le site rencontre parfois quelques difficultés de fonctionnement, en raison des limitations de l’API fournie par OpenAI. Résultat, LegiGPT reste silencieux de temps en temps, ce qui oblige à relancer sa requête un peu plus tard. Un problème que Steeve Morin a inévitablement relevé.
Et, juridiquement, que donne l’outil ? Les quelques tests qu’on lui a fait passer ont permis de montrer des réponses plutôt probantes — évidemment, le site rappelle en introduction qu’il ne remplace pas un vrai professionnel du droit. D’autant plus que l’outil n’a pas ingéré les toutes dernières évolutions de la loi. Il ne connaît rien au-delà du 17 avril 2022.
Évitez donc de penser que vous pourrez résoudre une problématique juridique réelle avec LegiGPT. Cependant, l’outil peut vous mettre sur une piste. Et pour les experts du droit, le chatbot pourrait bien servir d’encyclopédie intelligente, un peu comme un pense-bête évolué. Nul doute, d’ailleurs, que la legaltech, comme le site web Doctrine, va tôt ou tard sauter à pieds joints dans l’IA.
En attendant, voilà ce que retourne LegiGPT sur quelques sollicitations.
Ce qu’il peut dire de l’exception au droit d’auteur :
Que risque-t-on en piratant un film ?
Mais si c’est un film libre de droits ?
Est-ce que le port d’un casque est nécessaire pour du vélo ? Et, quid des speedbikes ?
Qui est responsable si je chute à vélo à cause d’une voie cyclable mal entretenue ?
Si des individus entrent dans mon garage, sans effraction, mais cassent les vitres des voitures, s’exposent-elles à des poursuites ?
Un outil limité avec GPT-3.5, meilleur avec GPT-4
L’outil, dans cette première forme, comporte quelques limites. On peut regretter, par exemple, l’absence de liens directs pointant vers les articles mentionnés dans les réponses. Il vous revient la tâche de rechercher vous-même le contenu des articles en tapant leur numéro dans un moteur de recherche, afin de vous assurer que les éléments retournés sont justes.
Il lui arrive aussi de générer des réponses inexactes — il peut pointer sur un article qui n’est pas le bon. Une partie des limitations actuelles vient du fait que LegiGPT repose sur GPT-3.5, qui est moins abouti que GPT-4. Une même question posée dans une instance GPT-3.5 puis à GPT-4 ne retournera pas la même réponse. La seconde est jugée plus conforme.
Des limites admises par Steeve Morin. « Il lui arrive d’halluciner des choses. C’est une limitation de GPT-3.5. La plupart de ces soucis n’existent pas sur GPT4. Malheureusement, GPT-4 est encore trop cher pour que je vous le propose gratuitement. Même s’il est encore plus impressionnant », explique l’intéressé dans un fil sur Twitter, le 28 avril.
« Par exemple, GPT-3.5 a du mal à compter les points du Code de la route. GPT-4 s’en sort très bien. Vérifiez ! Ça reste une démonstration », ajoute-t-il. Et même si l’outil n’a pas vocation à remplacer un spécialiste du droit, cela peut être un bon premier assistant, y compris pour effectuer des tâches rébarbatives. Comme générer un courrier de réclamation.
Les réactions sur Twitter à LegiGPT s’avèrent dans l’ensemble positives, même si des retours d’internautes pointent des manques (des codes non codifiés sont absents) ou une faible capacité à tenir un échange. Parfois, c’est la qualité des réponses qui fait défaut, en raison de GPT-3.5. Mais, lorsque Steeve Morin offre une comparaison avec GPT-4, le résultat est jugé correct.
Reste alors une question : pourquoi ne pas proposer LegiGPT avec GPT-4 ? Parce que l’outil est encore trop cher aujourd’hui, de l’aveu du développeur. « La plupart de ces soucis n’existent pas sur GPT-4 », assure-t-il. Peut-être cela changera-t-il quand la tarification évoluera favorablement. En attendant, l’intéressé songe à une solution payante avec LegiGPT+.
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