L’Ukraine alerte sur une coupure électrique à la centrale nucléaire de Tchernobyl. Cela pourrait avoir un impact sur le circuit de refroidissement des déchets. Toutefois, celui-ci semble pouvoir fonctionner un minimum sans électricité.

« La centrale de Tchernobyl et toutes les installations nucléaires de la zone d’exclusion sont privées d’électricité », a alerté l’Ukraine dans un communiqué publié ce 9 mars 2022. L’Ukraine accuse les occupants russes d’être à l’origine des dommages, qui ont provoqués la déconnection des sources d’électricité.

La centrale de Tchernobyl a été l’un des tout premiers lieux pris par l’armée russe lorsque Vladimir Poutine a lancé l’offensive, fin février 2022. Depuis, c’est la Russie qui contrôle la zone de la centrale, une zone qualifiée de « zone d’exclusion » en raison des retombées radioactives qui y perdurent depuis l’accident en 1986. Depuis la conquête des lieux par près de 400 soldats russes, l’Ukraine affirme avoir totalement perdu le contrôle, y compris la surveillance, ne pouvant plus, par exemple, monitorer les taux de radiation.

Le circuit de refroidissement est en jeu

Un grand nombre de matériaux radioactifs, issus de l’accident de 1986, est encore stocké sur place au sein d’une structure visant à les refroidir. Ce circuit de refroidissement consiste en une sorte de piscine dans laquelle les matières radioactives sont stockées. L’eau est pompée et nettoyée régulièrement, afin d’être renouvelée mais également refroidie. Cette opération nécessite une alimentation en électricité. Que se passe-t-il si cette alimentation est coupée ?

« Les générateurs diesel de réserve ont une capacité de 48 heures pour alimenter la centrale nucléaire de [Tchernobyl]. Après cela, les systèmes de refroidissement de l’installation de stockage du combustible nucléaire usé s’arrêteront, rendant les fuites de radiations imminentes », avertit le ministre des affaires étrangères ukrainien, Dmytro Kuleba.

En l’absence d’électricité, si les générateurs de secours venaient à tomber, le pompage et le refroidissement de l’eau n’ont pas lieu. « Si l’alimentation est coupée, l’eau se réchauffe et commence à s’évaporer. Certains isotopes radioactifs présents dans l’eau pourraient également s’évaporer », écrit Claire Corkhill, sur Twitter, spécialiste en dégradation des matériaux nucléaires.

L'Arche de Tchernobyl. // Source : Tim Porter / Wikimédias
L’Arche de Tchernobyl. // Source : Tim Porter / Wikimédias

De son côté, l’Ukraine alerte sur la possibilité que cette situation provoque une sorte de « décharge nucléaire », en ajoutant que « le vent peut transférer le nuage radioactif vers d’autres régions d’Ukraine, de Biélorussie, de Russie et d’Europe ». Claire Corkhill se veut plus pondérée sur les retombées : « Cela pourrait contaminer l’intérieur du bâtiment, mais il est peu probable que cela contamine la zone plus large. » Selon elle, le combustible ne pourra pas atteindre une température suffisamment chaude, dans cette configuration, pour provoquer une dislocation des matériaux qui pourrait être à l’origine de véritables rejets à grande échelle.

Même position du côté de l’AIEA (agence internationale de l’énergie atomique), qui ne voit pas encore de risque pour la sécurité : « La charge thermique de la piscine de stockage du combustible usé et le volume d’eau de refroidissement de la centrale nucléaire de Tchernobyl sont suffisants pour éliminer efficacement la chaleur sans avoir besoin d’une alimentation électrique. » Cette déclaration est cohérente, selon Claire Corkhill, « étant donné l’âge des déchets nucléaires ». Ces derniers sont en effet âgés de plus de 20 ans, ce qui réduit les risques, puisqu’ils émettront notamment moins de chaleur.

Il faut rappeler qu’au-delà de potentiels rejets à grande échelle, qui semblent donc peu probables (en tout cas dans l’immédiat), l’enjeu concerne, en premier lieu, le personnel sur place — plus de 200 personnes. Ils risquent de recevoir une dose « dangereuse » de radiation en cas de problème, a alerté l’Ukraine.

Se pose également la question de l’arche de confinement, le deuxième sarcophage qui recouvre celui qui avait été construit dans l’urgence en 1986. Ce nouveau sarcophage, dont la construction a été achevée récemment, est censé pouvoir contenir les radiations du réacteur n°4 pendant plusieurs décennies. Toutefois, son système de ventilation est alimenté électriquement, et, comme l’explique Claire Corkhill, la ventilation permet de prévenir la corrosion — il fait très chaud à l’intérieur du sarcophage. Ce type de dégradations pourrait avoir des effets au long terme sur l’efficacité de la structure, bien que, dans l’immédiat, le risque en la matière reste peu élevé.

L’Ukraine ainsi que l’Union européenne appellent à ce que la Russie redonnent le contrôle de Tchernobyl aux autorités ukrainiennes.


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