Après des années de recherche, des astronomes ont découvert un amas de galaxies pas encore totalement formé, qui produit des étoiles à un rythme effréné. Une découverte précieuse pour étudier les débuts de l’Univers.

En astronomie, il existe l’étude des étoiles, des planètes ou des astéroïdes. Des astres qui ne sont que des poussières face à d’autres structures comme les galaxies. Et encore au-delà, il existe les amas de galaxies, des ensembles de plusieurs dizaines, voire centaines de constructions similaires à notre Voie lactée.

Ces amas sont assez bien étudiés, même si leur observation est parfois délicate. Mais ce qui est moins connu, ce sont les protoamas, des ensembles pas encore complètement formés. Ils sont au cœur d’une étude menée par Maria Polletta, scientifique à l’IASF (institution d’astrophysique à Milan, Italie), parue le 26 octobre 2021 dans la revue Astronomy and Astrophysics.

« Il s’agit d’une synthèse qui prend en compte plus d’une décennie de recherche, raconte Hervé Dole, astrophysicien et chercheur à l’Université Paris-Saclay qui a participé à la rédaction, à Numerama. Nous scrutons ce protoamas depuis des années et nous sommes enfin capables d’en savoir plus ! »

Baptisée G237, cette structure regroupant quelques dizaines de galaxies avait été vue en 2009 pour la première fois, grâce au télescope spatial Planck qui scrute le fond diffus cosmologique. L’observatoire, aujourd’hui à la retraite, avait pour but de voir l’Univers tel qu’il était à ses débuts, et pour cela, il faut aller voir très loin. Plus les objets observés sont lointains, plus ils sont « jeunes » à nos yeux, et formés peu après le Big Bang.

Trouver les ancêtres des amas de galaxies

Hervé Dole précise : « Avec Planck, nous voulions aller trouver les parents, en quelque sorte, des amas de galaxies, voir à quoi ressemblaient ces structures avant qu’elles n’atteignent leur taille adulte. L’astuce que nous avons utilisée, c’est la capacité de Planck à trouver les sources de formation d’étoiles. »

Le télescope étant particulièrement pratique pour détecter les objets brillants, les chercheurs ont alors fouillé le ciel pour trouver ce qui était le plus lumineux, et ils ont découvert environ 2 000 objets, potentiellement des protoamas alors en pleine production intensive d’étoiles. Une véritable pouponnière avec un taux de formation bien au-delà de ce que prévoient les simulations… Mais on va y revenir !

Cette première sélection a été affinée ensuite avec un autre télescope spatial, Herschel. Lui ne peut pas faire un grand panorama, mais sert plutôt à viser des zones précises, ce qui a permis d’aboutir à une nouvelle sélection de 200 sources lumineuses. Toutes ressemblaient à des protoamas, mais il manquait une caractéristique essentielle pour s’en assurer : le redshift.

Ce décalage vers le rouge est utilisé en astronomie pour connaître la distance des sources de lumière. Le mécanisme, qui implique l’expansion de l’Univers et l’effet Doppler, est assez compliqué à résumer, mais pour faire simple : plus c’est rouge, plus c’est lointain. Et ceci est très pratique pour savoir si les candidats protoamas sont bien ensemble, et pas simplement alignés de notre point de vue. De la même manière qu’en regardant le ciel, vous pouvez avoir l’impression qu’un avion et une étoile sont très proches l’un de l’autre, les observateurs derrière Herschel ne pouvaient pas dire si leur protoamas en était vraiment un.

Ce redshift arrive enfin en 2020, avec une étude signée Yusei Koyama, de l’Observatoire astronomique national du Japon : il se sert du télescope japonais Subaru pour trouver 38 galaxies avec le même redshift. « Il a tué le game, assure Hervé Dole. Nous avions enfin notre protoamas, plus de dix ans après l’avoir vu pour la première fois. »

G237 n’a rien d’exceptionnel, et c’est ça qui compte

Mais à quoi ressemble G237 ? C’est un regroupement d’au moins 38 galaxies, mais il pourrait y en avoir plus, cachées derrière la poussière. Ce n’est pas le premier protoamas découvert, ni le plus grand, ni le plus lointain. En revanche, même s’il ne bat pas de record, il fait partie de ceux qui ont le plus gros taux de formation d’étoiles, entre 3 et 10 fois au-dessus de ce que prévoient les modèles.

« C’est un biais, résume Hervé Dole. Et il est dû à notre mode de détection avec Planck. » Il faut dire que dans la plupart des autres études consacrées au sujet, les chercheurs visent une zone du ciel, puis ils cherchent des protoamas. Ici, c’est l’inverse ! Les astronomes ont d’abord cherché des zones où les étoiles étaient produites en grand nombre, puis ils ont vérifié si un protoamas était bien là. « Avec cette technique, nous allons forcément tomber sur une grosse pouponnière d’étoiles, et c’est justement ce que nous voulions faire. »

Les données sur la question sont très parcellaires, les protoamas connus sont très différents, et chaque méthode de détection favorise certains types de structures difficiles à comparer ensuite. Certaines vont permettre de trouver les plus actifs, d’autres les plus lointains, etc. Et lorsqu’une étude arrive avec un taux de formation défiant toute concurrence, il est difficile de savoir si c’est un cas classique, ou un « monstre » inhabituel. « Le fait que nous tombions ainsi sur G237 nous pousse à croire qu’il n’est pas le seul à avoir ce taux de formation, précise Hervé Dole. C’est notre pierre à l’édifice pour pousser à revoir les modèles qui sont très clairement insuffisants pour décrire la réalité de ce qu’est l’Univers. »

Représentation du téléscope spatial Euclid.ial // Source : ESA/C. Carreau,CC BY-SA 3.0 IGO

Représentation du téléscope spatial Euclid.ial

Source : ESA/C. Carreau,CC BY-SA 3.0 IGO

La théorie générale veut que les protoamas grandissent en produisant des étoiles, puis fusionnent entre eux pour créer les amas de galaxies. Mais comment se déroule tout ce processus ? C’est encore l’inconnue. Avec cette étude, les chercheurs ont réussi à surprendre G237 au moment où il était sans doute au pic de sa productivité. Mais on ignore à quel point il se trouve ou non dans la moyenne de ses congénères.

Heureusement, les années qui viennent seront peut-être riches d’enseignements. Il y a tout d’abord le fameux télescope James Webb, qui doit être lancé le 18 décembre prochain. Hervé Dole a obtenu du temps d’observation, et il va viser cette fois un autre protoamas de la sélection, un petit peu plus lointain. Ensuite, le télescope spatial Euclid doit être lancé en 2023. Construit par l’Agence Spatiale européenne (ESA), il doit justement observer les objets lointains en infrarouge et en savoir plus sur l’origine de l’accélération de l’expansion de l’Univers.

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