En quelques générations seulement, la déforestation en Nouvelle-Zélande a éliminé les plécoptères volants, ce qui pose potentiellement un problème pour la conservation de l’espèce.

La modification du paysage par les activités humaines peut avoir un impact profond sur les écosystèmes, et la biodiversité qui y habite. Parfois, cela se traduit par des changements rapides et irréversibles. C’est ce que montrent, avec un cas pratique, les auteurs d’une étude parue le 11 août 2021 dans Biology Letters.

Au cours de leurs travaux, ils ont découvert que la déforestation en Nouvelle-Zélande a provoqué un changement très rapide dans l’évolution des insectes locaux : ils perdent leurs ailes, ou plus précisément leur capacité à voler.

Une « perle » avec des ailes. // Source : Flick/CC/gailhampshire

Une « perle » avec des ailes.

Source : Flick/CC/gailhampshire

Si l’on sait que les modifications environnementales d’origine humaine peuvent « altérer les trajectoires évolutives des populations sauvages », on sait toutefois « peu de choses sur les impacts évolutifs de la déforestation, l’un des changements d’origine humaine les plus répandus dans les écosystèmes terrestres à l’échelle mondiale », relèvent les auteurs en introduction de leur papier de recherche.

Un changement en 300 générations seulement

Les auteurs se sont penchés sur le Zelandoperla fenestrata, une espèce de plécoptères surnommés « perles ». On trouve des plécoptères volants, munis d’une paie d’ailes, qui habitent surtout les régions boisées, forestières. On en trouve également aux ailes atrophiées, qui ne peuvent donc voler, et qui habitent plutôt des régions de haute altitude où les vents peuvent les transporter.

Or, dans le sud de la Nouvelle-Zélande, 40 % du paysage forestier a été transformé en une zone « plate » (arbustes, prairies…), en quelque 700-600 ans de déboisement organisé par l’être humain. Dans ces zones, les auteurs ont découvert que les Zelandoperla fenestrata ne peuvent pas voler — or, à cette altitude, l’espèce le devrait. Cela concerne très spécifiquement ces zones qui ont été déforestées par l’être humain, car ces populations d’insectes se trouvent exactement dans la délimitation de ces lieux déboisés.

Cela s’explique en grande partie par ce que l’on sait des mécaniques évolutives chez les insectes : dans une zone déboisée, le fait de voler est un désavantage en raison du vent plus fort. Cela entraîne une sélection naturelle : les spécimens avec des ailes s’éteignent. C’est la raison pour laquelle on trouve peu d’insectes volants dans les îles océaniques, où le vent est souvent élevé, et où il y a assez peu de zones forestières — sauf dans le Sud, notamment, mais cette couverture a été réduite par la déforestation.

Le cas des Zelandoperla fenestrata fournit « un nouvel exemple de changement évolutif rapide induit par l’être humain ». Les auteurs estiment que le changement a démarré il y a 600 ans, quand la déforestation a commencé à se traduire par des brûlages massifs de forêts. Puis la sélection s’est effectuée en 300 générations seulement au sein de l’espèce.

En perdant leur capacité de vol si rapidement, l’espèce locale a aussi vu sa capacité de dispersion être réduite. Le risque d’extinction augmente donc, relèvent les auteurs. Et plus la déforestation progresse, plus ces spécimens incapables de voler vont s’étendre, ce qui, en définitive, « peut avoir des conséquences sur la conservation » de l’espèce. Pour les auteurs, cette étude montre qu’il faut davantage étudier les effets à court terme de la déforestation sur les insectes.

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