Un article du Parisien sur le coût du déploiement des compteurs intelligents Linky a soulevé beaucoup de questions au sein de la population française. Les compteurs, installés depuis 2014, vont-ils coûter plus d’argent que prévu aux usagers ?

Jamais un petit boîtier vert-jaune n’aura déchainé tant de passions. Un article du Parisien sur le coût du dispositif Linky publié lundi 31 mai 2021 a relancé le débat sur le compteur intelligent. L’article rappelle, entre autres, que le coût total du déploiement de Linky s’élève à 5,7 milliards d’euros, soit 130 € par boîtier. Et indique que les usagers vont devoir commencer à rembourser ce montant à partir de 2022, le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité Enedis ayant opté pour un système répercutant le coût de manière différé.

En 2011, rappelle Le Parisien, le ministre de l’industrie et de l’énergie, Eric Besson promettait pourtant que le compteur Linky ne coûterait « pas un centime aux particuliers ». L’article a suscité de nombreuses inquiétudes — et d’énervement –, certains lecteurs et lectrices ayant légitimement le sentiment de s’être fait berner et s’inquiétant des montants qui apparaîtront dans leurs prochaines factures. La situation est cependant plus complexe que cela.

Un compteur Linky. // Source : Benoît Prieur

Un compteur Linky.

Source : Benoît Prieur

Le coût de Linky pour l’usager

Sur des projets de service public de ce type, il est évident que le coût est in fine supporté par les usagers. L’idée que Linky ne coûterait pas d’argent aux particuliers ne signifie pas qu’il ne coûtera rien, mais qu’il ne leur coûtera pas plus que les anciens compteurs. Et sur ce point, Linky a de nombreux atouts à faire valoir. Outre le fait que le compteur intelligent va faciliter l’intégration des énergies renouvelables  et l’utilisation des véhicules électriques — deux enjeux majeurs à l’heure actuelle — il permet aussi de réaliser diverses économies.

La plus évidente concerne la relève du compteurs : avec les anciens appareils, il fallait envoyer un employé sur place, tandis qu’avec Linky, le relevé se fait automatiquement à distance. Le boîtier vert permet du reste de réaliser d’autres petites interventions à distance (modification de la puissance souscrite, etc.), de réduire les erreurs de facturation et ouvre la voie à l’apparition d’offres plus personnalisées.

Un mécanisme de différé tarifaire avantageux pour Enedis

Ses économies ne pouvant être réalisés qu’une fois le déploiement déjà avancé, Enedis avait opté pour un mécanisme de différé tarifaire :  de cette façon, explique la CRE, « les coûts liés au déploiement de Linky (qui ont précédé de quelques années les gains directs en fonctionnement estimés à 1 milliard d’euros d’ici 2024), sont  répercutés dans les tarifs en même temps que les bénéfices ».

Précisons que tout cela n’a rien de neuf : ce fonctionnement a été largement commenté en 2018, lorsque la cour des Comptes a publié un rapport sur Linky. A cette occasion, la cour des Comptes avait tout de même noté que le dispositif avantageait un peu trop à son goût Enedis. Pour avancer les fonds nécessaires au déploiement de Linky, l’entité a en effet pour partie puisé dans ses fonds propres et pour partie utilisé un prêt intragroupe au taux de 0,77 %. Or le taux qu’elle fait payer aux consommateurs pour cette avance est plus élevé (4,6 %) ce qui lui permet de dégager un bénéfice d’environ 500 millions d’euros. La cour des Comptes avait également tiqué sur certaines incitations mises en place. La Commission de régulation de l’Energie estimait en revanche que ces dispositions étaient justifiées au regard des risques pris par Enedis dans ce projet.

Nous avons sollicité la CRE pour savoir si ces dispositions avait finalement été renégociées avec Enedis — comme le suggérait la cour des Comptes dans son rapport — et mettrons à jour cet article si nous obtenons des précisions. Ce point ne remettait toutefois pas en cause l’idée générale que Linky ne coûterait pas plus aux usagers que les anciens compteurs. Il suggérait simplement qu’il aurait pu leur coûter moins.

Si le montage décidé par Enedis semble donc cohérent dans ses grandes lignes, l’affaire fait tout de même ressortir la nécessité d’une plus grande transparence. La CRE martèle ainsi dans son communiqué « Linky ne fait pas augmenter la facture du consommateur d’électricité ». Ce constat pourrait toutefois s’appliquer à deux scénarios différents :

  • un dans lequel le prix n’est jamais supérieur à ce qu’aurait couté les anciens compteurs ;
  • un autre dans lequel un surcoût s’observe pendant quelques années, mais est ensuite compensé par un coût inférieur les années suivantes.

Les scénarios étudiés par la Cour des comptes semblaient suggérer, en 2018, qu’il y aurait effectivement un surcoût pour l’usager de 2021 à 2029 mais que cela serait compensé par un coût nettement inférieur à partir de de 2029.

Le rapport de la Cour des comptes suggérait en 2018 qu'il y aurait un surcoût momentané, compensé par un coût inférieur les années suivantes sur les compteurs Linky.  // Source : Cour des Comptes

Le rapport de la Cour des comptes suggérait en 2018 qu'il y aurait un surcoût momentané, compensé par un coût inférieur les années suivantes sur les compteurs Linky.

Source : Cour des Comptes

Suivre de près les économies réalisées par Linky

Nous avons demandé à la CRE et au ministère de la Transition écologique si ce scénario était toujours d’actualité, et mettrons à jour cet article si nous recevons des précisions. Un surcoût contenu et momentané n’est pas nécessairement problématique s’il est compensé par la suite. Mais il serait utile d’être aussi transparent que possible sur le sujet, car les personnes ayant un budget très serré auront besoin de se préparer à ces variations.

Le point qui déterminera vraiment l’impact économique de Linky sur les usagers reste toutefois les économies qu’il permettra — ou non — de dégager à différents niveaux : celui des gestionnaires du réseau de distribution (avec la télé-relève, réduction des pertes d’énergie, détection des pannes, des fraudes), celui des fournisseurs et des producteurs (avec la mise en place d’offres plus compétitives, un meilleur dimensionnement des projets par rapport aux besoins, etc.) et celui des usagers (moins d’erreurs de facturation, suivi de sa consommation, etc.). La cour des Comptes s’inquiétait d’ailleurs en 2018 de ce que le compteur intelligent ne réalise pas son plein potentiel sans un suivi adéquat des ministères en charge, et une sensibilisation accrue des usagers au suivi de leur consommation.

Les déclarations officielles de la CRE et du ministère de la Transition écologique le 1er juin cette semaine sont rassurantes. Concernant le déploiement, la Commission de régulation de l’Energie indique ainsi que « les coûts sont inférieurs au budget prévu et les délais sont respectés ». Elle note par ailleurs que « les économies associées au déploiement du compteur évolué Linky compensent les coûts d’investissement du projet ». Il serait toutefois intéressant que les instances en charge de ces problématiques publient des données précises sur les économies réalisées (combien, à quel niveau) et surtout sur la manière dont elles sont répercutées (ou non) sur les consommateurs. Pour l’heure, regrette le président de l’UFC Que Choisir dans un billet publié 2 juin, ces précisions ne sont pas données au public.

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