Afin de confirmer une possible vie extraterrestre sur une autre planète, il faudrait détecter beaucoup plus de molécules dans son atmosphère : des scientifiques font ce constat, dans une étude qui revient sur la détection de la phosphine sur Vénus.

La détection d’une possible biosignature doit être suivie par la recherche d’autres molécules liées. Dans une étude publiée le 8 avril 2021 dans Frontiers in Astronomy and Space Sciences, une équipe de scientifiques fait ce constat, apportant ainsi sa contribution à la recherche de la vie sur d’autres planètes, dans le contexte de la détection de phosphine sur Vénus survenue à la fin de l’année passée.

« Pour étudier la présence et les mécanismes de formation de la phosphine sur Vénus, et pour interpréter les futures observations des atmosphères planétaires, nous devons améliorer notre compréhension des réseaux chimiques qui peuvent inclure la phosphine », peut-on lire dans l’étude. Les chercheurs soulignent ainsi que, pour pouvoir confirmer l’existence d’une vie en dehors de la Terre, il ne faut pas se contenter de détecter une unique molécule : il faudrait détecter bien plus de molécules, afin de pouvoir exclure des processus chimiques non biologiques, qui pourraient être à l’origine de leur formation.

La phosphine sur Vénus : de quoi parle-t-on ?

L’annonce très médiatisée de la découverte de phosphine, un gaz incolore de formule PH3 (un atome de phosphore et trois atomes d’hydrogène), dans l’atmosphère de Vénus remonte au 14 septembre 2020. Avant même la parution de l’étude annonçant cette détection, la rumeur d’une possible découverte de « signes de vie » circulait. La phosphine est un gaz qui existe sur Terre, qui y est produit soit en laboratoire, soit par une vie microbienne capable de se développer dans un milieu dépourvu d’oxygène. C’est ainsi qu’un raccourci hasardeux a pu être fait, entre la présence hypothétique du gaz sur Vénus, et la possibilité que l’astre puisse abriter une vie.

Ce même jour, les auteurs ont officialisé leur découverte lors d’une conférence de presse, précisant qu’ils ne prétendaient pas avoir découvert de la vie sur Vénus. Ce qu’ils prétendaient avoir découvert, c’était la présence de la phosphine dans l’atmosphère de l’astre, avec le Grand réseau d’antennes millimétrique/submillimétrique de l’Atacama (ALMA) et le radiotélescope James Clerk Maxwell (JCMT). Néanmoins, l’annonce a été faite de façon un peu confuse (pourquoi organiser une conférence de presse si la découverte était peu sûre ?). L’idée que la phosphine soit une biosignature a été entretenue dans des communications scientifiques et par le traitement médiatique de cette actualité.

Depuis, plusieurs travaux ont remis en cause l’hypothèse de la phosphine détectée dans l’atmosphère de Vénus, se demandant si la phosphine était vraiment produite par une activité biologique, ou si elle avait tout simplement bien été détectée.

L’importance des molécules P

Lorsque les astronomes recherchent une vie potentielle sur d’autres planètes, ils les observent à l’aide de télescopes. Ils utilisent ce qu’on appelle des données spectrales : la lumière de la planète permet d’identifier des molécules qui se trouvent dans son atmosphère. Mais, si l’on découvre une molécule comme la phosphine (et en admettant que la détection soit confirmée), il est prématuré de parler de signe de vie alors même qu’on n’a pas identifié son origine. « Pour faire suite à cette découverte et en lien avec les futures détections de biosignature d’exoplanètes, il est important de détecter par spectroscopie la présence de molécules atmosphériques phosphoreuses [ndlr : qui contiennent du phosphore] qui pourraient être impliquées dans les réseaux chimiques produisant, détruisant ou réagissant avec la phosphine », écrivent les auteurs.

L’étude a réuni une équipe interdisciplinaire (chimistes, biologistes, géologues) pour chercher les molécules contenant du phosphore (les molécules P) qui pourraient être potentiellement détectées dans les atmosphères des planètes, à partir des données spectrales existantes. Cependant, les données se sont avérées insuffisantes. À partir d’algorithmes, les chercheurs ont donc produit une base de données de codes barres spectraux dans l’infrarouge (approximatifs) pour 958 espèces moléculaires contenant du phosphore.

Un résumé des résultats de cette étude. // Source : UNSW (image recadrée)

Un résumé des résultats de cette étude.

Source : UNSW (image recadrée)

« Éviter les erreurs d’attribution des caractéristiques spectrales »

Les auteurs ne prétendent pas que cette base de données soit assez précise pour permettre de faire des détections, mais ils expliquent avoir obtenu « les données spectrales les plus précises disponibles pour la plupart des molécules P », ce qui représente en soi une avancée. Surtout, ils estiment que cette base peut aider à éviter les erreurs, car elle montre que la confusion peut être possible entre des espèces moléculaires ayant des codes-barres semblables. « Ces données peuvent être utiles pour mettre en évidence les ambiguïtés dans la détection moléculaire dans des atmosphères éloignées et ainsi éviter les erreurs d’attribution des caractéristiques spectrales », écrivent les scientifiques.

Quelle que soit l’issue des recherches autour de la phosphine sur Vénus, les scientifiques sont en tout cas convaincus des « avantages significatifs d’une approche interdisciplinaire dans le suivi de la détection d’une biosignature » (potentielle). Ils ajoutent que ces travaux pourront être utiles dans la recherche de formes de vie en dehors du système solaire, sur les exoplanètes — la seule manière d’y rechercher la vie étant de les observer au télescope et d’utiliser leurs données spectrales.

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