Une nouvelle hypothèse montre bien qu’il faut faire attention avant de parler de « signes de vie » sur Vénus. L’activité volcanique de la planète pourrait éventuellement expliquer la détection de phosphine.

Des traces d’un gaz, la phosphine, ont récemment été détectées dans l’atmosphère vénusienne. Deux scientifiques de l’université Cornell (New York) estiment qu’il serait possible que le volcanisme de Vénus soit à l’origine des quantités de phosphine détectées. Ils ont détaillé leur analyse dans une étude, déposée sur arXiv le 24 septembre 2020 (également soumise à la revue Astrobiology).

La découverte de phosphine ne peut pas être considérée comme une preuve de vie sur Vénus. Elle suscite néanmoins l’enthousiasme des scientifiques, car, dans l’étude parue mi-septembre annonçant la détection, les auteurs expliquaient n’avoir trouvé aucune explication à la présence de ce gaz. Sur Terre, on sait que la phosphine est produite dans des conditions bien particulières : en laboratoire, ou par des sources biologiques capables de se développer dans un milieu dépourvu d’oxygène. Cependant, ce n’est pas parce que ce gaz peut être produit sur Terre par une vie que c’est aussi forcément le cas sur Vénus. La phosphine pourrait être expliquée par une chimie vénusienne encore méconnue.

« Une conclusion peut-être décevante pour les biologistes »

Pour les auteurs de l’étude tout juste déposée sur arXiv, le volcanisme de Vénus pourrait contribuer à cette présence de phosphine dans l’atmosphère de l’astre. « Plutôt que d’indiquer l’existence de vie dans les nuages, nous soutenons que la phosphine montre une Vénus qui est géologiquement active aujourd’hui — une conclusion peut-être décevante pour les biologistes mais certainement intrigante pour les planétologues », peut-on lire dans la conclusion du document.

Et si la phosphine détectée sur Vénus était liée au volcanisme ? // Source : ESO/M. Kornmesser/L. Calçada & NASA/JPL/Caltech

Et si la phosphine détectée sur Vénus était liée au volcanisme ?

Source : ESO/M. Kornmesser/L. Calçada & NASA/JPL/Caltech

L’hypothèse des chercheurs est la suivante : « Des traces de phosphure [ndlr : un composé du phosphore] formées dans le manteau seraient ramenées à la surface par le volcanisme », écrivent-ils. Elles seraient ensuite éjectées dans l’atmosphère de Vénus, ajoutent-ils. C’est à cet endroit que ces traces de phosphure « pourraient réagir avec l’eau ou l’acide sulfurique pour former la phosphine.»

Pour s’assurer que ce scénario est plausible, les scientifiques ont dû vérifier que le volcanisme, tel qu’il est actif actuellement sur Vénus, est bien en mesure de produire la quantité de phosphure requise pour correspondre à la phosphine détectée. L’hypothèse est plausible, à une condition : « que Vénus connaisse actuellement un taux élevé de volcanisme basaltique ».

Une hypothèse cohérente avec les observations

Les chercheurs rappellent que l’hypothèse d’une vie pour expliquer la présence de phosphine supposerait plusieurs contraintes. Il faudrait à la fois « l’affirmation extraordinaire selon laquelle la vie existe dans les nuages » ainsi qu’ « un mécanisme pour maintenir sa viabilité sous forme de gouttelettes ». De telles confirmations seraient sans aucun doute des découvertes historiques.

Face à cela, les scientifiques estiment que le scénario d’un volcanisme particulièrement actif en ce moment sur Vénus « est cohérent avec les observations d’engins spatiaux et les expériences en laboratoire ». Même si cette hypothèse resterait évidemment elle aussi à confirmer, elle montre une nouvelle fois à quel point il faut rester très prudent avant d’envisager de parler de « biosignature » au sujet de cette détection de phosphine.


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