Comment contrer les effets du changement climatique, qui provoque un réchauffement global de la planète ainsi qu’une perturbation des écosystèmes, et qui ne fait que s’aggraver année après année malgré les objectifs internationaux ? Il y a évidemment, en premier lieu, l’urgence de couper court aux émissions de gaz à effet de serre, à l’origine même du réchauffement, par exemple en changeant nos modes quotidiens de transport.
Mais certains scientifiques envisagent des solutions pansement, comme la géoingénierie. Ce domaine est exploré par la littérature de science-fiction, notamment à travers le principe théorique de terraformation. Certaines solutions sont peut-être applicables. Cela pourrait par exemple être le cas de la géoingénierie solaire, ou « gestion des rayonnements solaires » : réfléchir la lumière du Soleil dans l’espace pour refroidir la planète.
Dans un article de recherche publié en avril 2021 dans la revue PNAS, une douzaine de scientifiques se penchent sur les « impacts écologiques potentiels d’une intervention sur le climat en réfléchissant la lumière du Soleil pour refroidir la Terre ». Bien qu’une telle technologie serait couteuse et resterait un défi technologique, ce serait, selon les auteurs, l’une des techniques les plus accessibles, bien davantage par exemple que l’absorption du dioxyde de carbone. Mais ce n’est pas pour autant que la faisabilité est au rendez-vous sur le plan scientifique, et encore moins au niveau écologique.
Il faut tenir compte de la diversité des écosystèmes
Quelques fois, il apparait que le remède peut être pire que le problème que l’on cherche à résoudre. À lire cette étude, c’est très probablement le cas pour l’idée de réfléchir la lumière du Soleil. Le principal danger provient du manque de connaissances à notre disposition sur les effets d’un tel dispositif sur l’ensemble des écosystèmes terrestres. Les impacts pourront potentiellement varier en fonction du mécanisme utilisé, de la région géographique, du type d’écosystème, de la population et de l’organisme. Sans compter tout ceci pris ensemble, à savoir « les interactions complexes entre le système climatique de la Terre et les systèmes vivants », écrivent les auteurs.
La gestion des rayonnements solaires semble passer à côté de la notion même d’écosystèmes : la planète n’est pas une composition d’individus et d’espèces isolées, mais un système fonctionnant en réseau, dans une multitude de formes de vie. Ce qui est bon pour une espèce ne l’est pas forcément pour une autre ; ce qui est valable en surface ne l’est pas forcément pour les espèces marines ; ce qui s’applique dans les océans ne s’applique pas toujours en eau douce. La plupart des modèles proposés, selon les auteurs, ne tiennent pas compte de « l’éventail et la diversité incroyables des écosystèmes de la Terre », élément qu’ils incluent quant à eux dans leur étude.
Des risques d’effets en cascade
Le principal projet de gestion des rayonnements solaires correspond à une intervention auprès des aérosols stratosphériques de l’atmosphère terrestre, ces aérosols ayant une capacité à réfléchir les rayons du Soleil. Cela consisterait par exemple à injecter du carbonate de calcium dans la stratosphère. Sur un tel projet, « la plupart des modèles ne simulent que les variables abiotiques », relève tout particulièrement l’un des auteurs dans un commentaire de l’étude. Les variables dites abiotiques correspondent à tous les facteurs d’un milieu qui ne concernent pas les êtres vivants. « Mais qu’en est-il de tous les êtres vivants qui sont affectés par le climat et qui dépendent de l’énergie du soleil ? », poursuit le chercheur. L’idée de réfléchir la lumière du Soleil apparait alors relativement anthropocentrique, c’est-à-dire ne lisant les choses qu’à travers l’être humain indépendamment de tout le reste.
Or, dès lors que les réseaux d’écosystèmes et les paramètres du vivant sont pris en compte, la géoingénierie solaire pourrait provoquer des effets en cascade — de conséquences prévisibles à d’autres peut-être inattendues. « Bien que [l’intervention sur les aérosols stratosphériques] puisse refroidir la surface de la Terre pour atteindre un objectif de température mondiale, le refroidissement pourrait être inégalement réparti, en affectant alors de nombreuses fonctions des écosystèmes et de la biodiversité. Les précipitations et le rayonnement ultraviolet de surface changeraient, et [cette intervention] augmenterait les pluies acides et n’atténuerait pas l’acidification des océans », contrebalance cette étude.
Les auteurs ne rejettent toutefois pas en bloc le projet, mais cherchent à montrer qu’il est nécessaire d’enclencher une plus large collaboration entre climatologues et écologues pour étudier tous les aspects de ce type d’idées. « Sans cette collaboration, les prévisions des impacts de l’intervention sur les aérosols stratosphériques négligeront les effets potentiels sur la biodiversité et sur les services écosystémiques pour l’humanité. »
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