Des avancées sur le système auditif des Néandertaliens montrent que la « bande passante » de leurs oreilles était proche de celle des êtres humains. Cela démontre une communication parlée tout aussi moderne.

Une équipe scientifique internationale et multidisciplinaire a modélisé, en 3D, les oreilles externes et moyennes des Néandertaliens. Grâce à cette étude, dont les résultats ont été publiés le 1er mars 2021 dans Nature Ecology & Evolution, ils en arrivent à la conclusion que « les Néandertaliens ont développé les capacités auditives aptes à comporter un système de communication vocale aussi efficace que la parole humaine moderne ».

Le langage parlé chez Néandertal et Sapiens

Espèce éteinte, dont les dernières traces paléontologiques découvertes remontent à plus de 25 000 ans, Néandertal (Homo neanderthalensis) appartient au genre Homo tout en se distinguant d’Homo sapiens — l’humanité moderne. S’il y a des différences physiques indéniables, jusqu’à la forme même du crâne, il semblerait que certaines caractéristiques nous rapprochent toutefois.

À gauche, crâne Homo sapiens, à droite, crâne Neandertal. // Source : hairymuseummatt/CC

À gauche, crâne Homo sapiens, à droite, crâne Neandertal.

Source : hairymuseummatt/CC

Néandertal a longtemps souffert d’une image dévalorisante dans la littérature scientifique et l’enseignement de la préhistoire, jusqu’à l’assimiler parfois à une espèce en quelque sorte sous-évoluée. Mais les solides avancées archéologiques et paléontologiques ont démontré, au fil des décennies, que cette approche est entièrement fausse : les Néandertaliens disposaient de vraies capacités intellectuelles, mais aussi d’une culture (rites funéraires, notamment) et de techniques modernes (de l’artisanat à la chasse). De nombreuses caractéristiques de cette espèce restent cependant à élucider.

La nouvelle découverte publiée en ce début mars 2021 dans Nature éclaire dorénavant le système auditif de Néandertal, et donc sa façon de communiquer. « Depuis des décennies, l’une des questions centrales des études sur l’évolution humaine est de savoir si la forme de communication humaine, le langage parlé, était également présente dans toute autre espèce d’ancêtre humain, en particulier les Néandertaliens », rappelle le paléontologue Juan Luis Arsuaga. Le résultat rapproche encore un peu plus Homo neanderthalensis et Homo sapiens.

Un système de communication « complexe et efficace »

Dans un but comparatif, l’équipe de recherche a modélisé à la fois les oreilles externes/moyennes d’humains, de Néandertaliens, et d’hominidés plus anciens (issus du gisement paléolithique Sima de los Huesos). Les données de ces modélisations ont ensuite permis d’analyser la gamme des fréquences à laquelle l’oreille est sensible. Il s’agit en fait de mesurer la largeur de la bande passante de l’oreille, et donc l’acuité auditive de l’espèce.

Comparaison de la capacité auditive, en fréquence (la puissance sonore traitée), entre Homo sapiens (courbe bleue), Néandertal (courbe noire) et les hominidés de Sima (courbe rouge). // Source : Conde-Valverde et al., Nat. Ecol. Evol., 2021

Comparaison de la capacité auditive, en fréquence (la puissance sonore traitée), entre Homo sapiens (courbe bleue), Néandertal (courbe noire) et les hominidés de Sima (courbe rouge).

Source : Conde-Valverde et al., Nat. Ecol. Evol., 2021

C’est ainsi que l’équipe de recherche a constaté que Néandertal bénéficiait d’une audition au-dessus de ses ancêtres, les hominidés de Sima, et proche de l’être humain, Homo sapiens. « C’est vraiment la clé, écrit Mercedes Conde-Valverde, principale autrice de l’étude. La présence de capacités auditives similaires, en particulier la largeur de bande, démontre que les Néandertaliens possédaient un système de communication aussi complexe et efficace que la parole humaine moderne. »

Comme vous pouvez le constater sur le graphique ci-dessous, l’acuité auditive de Néandertal (barre grise) touche voire dépasse les 3 kHz (3 350 Hz).

En haut (bleu), fréquence auditive d'Homo sapiens. Au milieu (gris), pour Neandertal. En bas (rose), pour les hominidés de Sima, ancêtres plus éloignés. // Source : Conde-Valverde et al., Nat. Ecol. Evol., 2021

En haut (bleu), fréquence auditive d'Homo sapiens. Au milieu (gris), pour Neandertal. En bas (rose), pour les hominidés de Sima, ancêtres plus éloignés.

Source : Conde-Valverde et al., Nat. Ecol. Evol., 2021

Or, ces fréquences hautes à partir de 3kHz sont impliquées dans la production de consonnes. C’est crucial : les primates et mammifères non humains ont une communication reposant sur les voyelles. La plupart des études sur la communication des Néandertaliens visaient donc à étudier leur capacité à produire des voyelles. Mais ce focus créait un biais, selon les auteurs de cette nouvelle étude, car la production de consonnes est déterminante, « un moyen d’inclure plus d’informations dans le signal vocal ». Cette approche élargie pourrait d’ailleurs renouveler la recherche scientifique linguistique dédiée à nos ancêtres.

«Nous pensons, après plus d’un siècle de recherche sur cette question, que nous avons apporté une réponse concluante à la question des capacités d’élocution de Néandertal », conclut l’équipe de recherche. « Les résultats sont solides et montrent clairement que les Néandertaliens avaient la capacité de percevoir et de produire la parole humaine. »

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