Pendant les confinements, la vie sauvage s’est métamorphosée. Les scientifiques appellent maintenant ce moment l’anthropause. Celle-ci pourrait bien apporter des données précieuses pour rendre notre relation avec la nature plus durable à l’avenir.

La pandémie causée par le coronavirus SARS-CoV-2 a eu de nombreux impacts inattendus sur notre relation avec la nature. L’affaiblissement du trafic routier pendant le confinement a réduit notre bruit sismique ; la pollution de l’air a chuté ; les panneaux solaires ont produit davantage d’énergie. Cela pose aussi frontalement la question des zoonoses, ces maladies qui se transmettent des animaux aux humains, et qui sont accrues par une trop forte exploitation de la vie sauvage. D’ailleurs, les animaux ont repris leurs droits au sein des villes pendant les confinements.

Une équipe de biologistes s’est appuyée sur cette période particulière pour produire un commentaire scientifique appelant à approfondir l’impact des humains sur la nature. « La réduction de la mobilité humaine pendant la pandémie va révéler des aspects critiques de notre impact sur les animaux, en apportant des lignes directrices cruciales sur comment partager au mieux l’espace sur cette planète bien remplie », annoncent les scientifiques au début de leur article, publié ce 22 juin 2020 dans la revue Nature Ecology & Evolution.

Qu’est-ce que l’anthropause ?

Les scientifiques utilisent le terme d’anthropause en référence à un terme très utilisé dans le monde anglo-saxon pour décrire le confinement : The Great Pause (la grande pause). « Nous proposons ‘anthropause’ pour désigner spécifiquement le ralentissement global des activités humaines, notamment le voyage », expliquent les auteurs. Cette notion sert alors d’outil comparatif : quelles sont les différences entre cette grande pause et la situation habituelle ? Pendant les confinements, « la nature semble avoir changé, principalement dans les environnements urbains », soutiennent les chercheurs.

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Le comportement des animaux a énormément évolué en ville pendant le confinement. // Pexels

Ces phénomènes survenus dans la vie sauvage pendant les confinements ne relèvent pas seulement d’un épanouissement de certaines espèces. Inversement, d’autres espèces en ont souffert, et cela illustre encore davantage l’étendue de notre impact : « Divers animaux vivants en milieu urbain, comme les rats, les mouettes ou les singes, sont devenus tellement dépendants de la nourriture jetée ou fournie par les humains qu’ils peuvent avoir du mal à joindre les deux bouts dans les conditions actuelles. » À cela s’ajoute un accroissement de la chasse illégale d’espèces en danger, à cause d’une moindre protection des zones sensibles pendant la pandémie.

Toutes ces données nouvelles qu’apporte l’anthropause sont utiles à une époque où les activités humaines métamorphosent toujours davantage les écosystèmes et que les débuts d’une sixième extinction de masse se confirment. Que la communauté scientifique se penche sur l’anthropause permettrait par exemple de déterminer « si les mouvements des animaux dans les paysages actuels sont en priorité générés par la construction de nouvelles structures ou bien la présence d’humains ». Une question jusqu’ici sans réponse précise, mais essentielle pour repenser des relations plus durables avec l’environnement.

A quoi ressemblera le monde post-anthropause ?

La pandémie causée par la maladie Covid-19 est une tragédie sanitaire. Alors, pour ces scientifiques qui écrivent dans Nature, il est d’autant plus important de tirer des leçons de ces circonstances exceptionnelles. Il faut créer un monde post-anthropause, proposent-ils, et les initiatives scientifiques collaboratives en seraient la clé. Ils rappellent ainsi que vient d’être créée la Covid-19 Bio-Logging Initiative : ce consortium mondial de chercheurs et de chercheuses collecte et analyse les données transmises par les appareils de tracking portés par certains animaux. L’idée est de mesurer tous les changements causés par l’anthropause — mouvement, comportement, activité, physiologie, environnement.

« Les recherches sur l’anthropause vont permettre une compréhension détaillée et mécanique des interactions entre l’humanité et la vie sauvage. (…) L’anthropause causée par Covid-19 nous a ramenés à des niveaux de mobilité humaine observés il y a quelques décennies — et non des siècles, relèvent les auteurs. Cela signifie que nous pouvons découvrir que des changements relativement mineurs dans nos modes de vie pourraient potentiellement avoir des avantages majeurs pour les écosystèmes et les humains. » Les scientifiques suggèrent par exemple que les confinements montrent que de petits ajustements dans les réseaux de transports suffisent à réduire « considérablement » les perturbations sur les mouvements des animaux sauvages.

« La recherche mondiale coordonnée sur la vie sauvage pendant l’anthropause va apporter des contributions bien au-delà de la science — cela va va mettre au défi l’humanité de repenser son futur sur Terre », conclut l’équipe de recherche.

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