Ces derniers jours, plusieurs observatoires sismologiques ont relevé une chute dans le « bruit sismique ». La raison : le confinement réduit l’activité humaine.

Ce 2 avril 2020, ce sont près de 3 milliards d’humains qui sont confinés, afin de freiner la propagation de la pandémie Covid-19. Dans les zones concernées, tout ce qui n’est pas considéré comme « essentiel » est fermé : lieux de restauration et de divertissement, établissements scolaires, commerces non alimentaires, musées et autres points culturels, attractions touristiques, bureaux. De nombreuses industries sont également en service réduit. Les transports et voitures ne circulent que très peu. Le rythme de l’humanité a soudainement changé. À l’ère de l’Anthropocène, pendant laquelle l’activité humaine a une incidence significative sur les écosystèmes terrestres, ce coup d’arrêt dû au confinement a-t-il un impact sur la planète ?

Évidemment, face à cette question, on pense à la pollution environnementale. Et il est vrai que les images satellites montrent une impressionnante réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les pays mis sous cloche, que ce soit en  Europe ou bien en Chine. Mais il existe d’autres impacts, bien plus surprenants. Par exemple, et si l’on observait le confinement par la lorgnette d’un sismomètre ? Ces derniers jours, plusieurs observatoires sismologiques ont relevé une chute dans le « bruit sismique ». Ce bruit correspond à l’ensemble des vibrations qui, sous forme d’ondes de surface, parcourent la croûte terrestre.

Ces vibrations peuvent avoir des causes naturelles, mais elles sont également humaines. À l’échelle individuelle, les ondes ne sont pas significatives. C’est lorsqu’elles s’additionnent qu’elles provoquent une sorte de « brouhaha », lequel est d’ailleurs considéré comme une nuisance empêchant certaines mesures précises. Le coup d’arrêt dû au confinement de 3 milliards d’humains implique des villes quasi désertes, une circulation considérablement moindre, une machinerie industrielle faible. Vous le comprenez alors, dans les zones concernées l’humanité ne génère plus son brouhaha habituel et résultat, le bruit sismique chute.

En haut, le bruit sismique en février avant le confinement. En bas, le bruit sismique après le confinement. Station placée en Angleterre. // Source : BGSseismology

En haut, le bruit sismique en février avant le confinement. En bas, le bruit sismique après le confinement. Station placée en Angleterre.

Source : BGSseismology

Le bruit est réduit d’un tiers à Bruxelles

L’observatoire sismologique British Geological Survey est l’un des premiers à avoir relayé ce constat. Dans un tweet, l’équipe indique que de nombreux sismomètres font apparaître une baisse du bruit sismique en corrélation exacte avec la baisse d’activité humaine. Sur l’image ci-dessus, postée par l’observatoire, cette baisse est facile à repérer. Sur les lignes du dessus, il s’agit d’une mesure datée du 24 février, puis sur les lignes du dessous, la mesure a été faite le 30 mars dernier.

Stephen Hicks, qui travaille dans cet observatoire, a également diffusé un autre graphique, que voici plus bas. Il commente : « D’après les résultats (…), il semble assez clair qu’au cours des derniers jours, l’augmentation du niveau de bruit à l’aube (ligne bleue) est beaucoup moins forte que ces dernières semaines. Je suppose que cela est dû à une heure de pointe matinale beaucoup plus faible — moins de gens se rendent au travail et il n’y a pas de rentrée scolaire. »

Ce graphique montre la chute du bruit sismique. // Source : Stephen Hicks

Ce graphique montre la chute du bruit sismique.

Source : Stephen Hicks

Même observation du côté du Royal Observatory of Belgium, à Bruxelles, où le bruit sismique est réduit d’un tiers (- 33 %), ce qui est énorme. Dans Nature, le sismologue belge Thomas Lecocq en profite pour préciser qu’une baisse sur de telles magnitudes n’advient habituellement qu’à l’époque de Noël, et très brièvement, en raison des vacances de fin d’année qui opèrent également une sorte de pause.

Les résultats du British Geological Survey et du Royal Observatory of Belgium trouvent encore une autre confirmation, aux États-Unis cette fois-ci. Celeste Labedz, géologue à Caltech, a relevé une importante du bruit sismique au niveau d’une station placée à Los Angeles.

La chute du bruit sismique à Los Angeles. // Source : Celestre Labedz

La chute du bruit sismique à Los Angeles.

Source : Celestre Labedz

Comme nous le précisions, le bruit sismique est considéré comme une nuisance : il empêche des mesures ultra-précises en perturbant les instruments. De fait, tant que ce brouhaha reste si bas, les sismologues ont l’opportunité d’être plus soigneusement à l’écoute de la planète dans des zones où cela n’est classiquement peu possible. La surveillance de certains événements sensibles, comme de petits séismes ou l’activité volcanique, s’en retrouve plus précise. Les sismologues pourront aussi obtenir de meilleures mesures pour leurs recherches sur le comportement des ondes naturelles au niveau de la croûte terrestre.

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