Un traitement très médiatisé ne fait pas forcément un bon traitement. Vous connaissez forcément, aujourd’hui, la chloroquine, ainsi que son dérivé l’hydroxychloroquine. En mars 2020, ce médicament, célèbre antipaludéen, est revenu sur le devant de la scène comme solution potentielle contre la maladie Covid-19. Après une première étude en Chine, c’est surtout en France que cette piste a pris une nouvelle ampleur, à travers les travaux du professeur marseillais Didier Raoult, suggérant son propre protocole. C’est alors qu’un vaste débat est né.
La raison ? L’absence de preuves factuelles fournies par les études du professeur et de son équipe contrastait avec ses déclarations plus que victorieuses dans la presse. Nous décryptions ainsi fin mars, avec plusieurs spécialistes, toutes les erreurs scientifiques de la méthode de Didier Raoult. Entre mauvais critères de jugement, absence de randomisation, conflit d’intérêt dans la publication, voire le fait d’exclure des résultats de patients dont l’état s’aggrave ou qui décèdent, le protocole était expéditif et ne prouvait rien de concret. Mais le sujet est sorti du cadre médical pour devenir un sujet médiatique, jusqu’à causer des problèmes sur le terrain et dans la recherche. Sur le terrain, car des patients et des familles exigeaient ce potentiel traitement contre l’avis des médecins et contre le bien-être du patient. Dans la recherche, car la surmédiatisation d’un seul médicament non-prouvé parmi d’autres a ralenti tout le reste de la recherche scientifique contre le coronavirus.
Au-delà d’un débat qui s’est malheureusement enlisé en fracturant la société, qu’en est-il réellement aujourd’hui de l’hydroxychloroquine ? Pour l’instant, l’état de la recherche montre que les pincettes étaient en effet de rigueur dès le départ. Non seulement les effets secondaires s’accumulent jusqu’à causer des décès évitables, mais deux nouvelles études sérieuses, parues dans la revue scientifique The BMJ, montrent que l’hydroxychloroquine n’est pas une solution fiable. Explications.
Pas d’efficacité significative et de forts effets indésirables
La première étude, paru le 5 mai 2020, a été réalisée par des scientifiques français, à partir d’un échantillon de 181 patients, de 18 à 80 ans, venant de quatre centres différents, et à un stade moyen de la maladie — nécessitant une assistance en oxygène mais de soins intensifs. L’échantillon était divisé en deux. Il y avait un groupe de traitement, avec une dose d’hydroxychloroquine de 600 mg / jour (et moins de 48h après l’hospitalisation), opposé à un groupe de contrôle au traitement symptomatique standard.
Le résultat ne montre aucun effet particulier du traitement, au sens où cela ne change pas significativement les chiffres d’admission en réanimation ou de décès : par exemple, le taux global de survie au 21e jour de traitement était de 89 % dans le groupe de traitement et de 91 % dans le groupe de contrôle. « L’hydroxychloroquine a retenu l’attention du monde entier comme traitement potentiel contre Covid-19 en raison des résultats positifs de petites études. Cependant, les résultats de cette étude ne soutiennent pas son utilisation chez les patients hospitalisés avec le Covid-19 qui ont besoin d’oxygène », écrivent les chercheurs.
La seconde étude, du 6 mai 2020, est quant à elle chinoise. Elle était basée sur un échantillon de 150 patients, dont 148 étaient à un stade modéré de la maladie et 2 à un stade sévère. Là encore, il y avait deux groupes, un groupe de traitement à l’hydroxychloroquine et un groupe de contrôle au traitement standard. Les résultats montrent deux choses : le traitement n’accélère pas la guérison, mais il cause davantage d’effets secondaires graves (30 % des patients traités à l’hydroxychloroquine ont subi un « événement indésirable », contre 9 % des autres patients, ce qui est énorme).
Ces études prouvent une fois encore que la recherche scientifique doit avoir l’espace nécessaire pour réaliser des expérimentations multiples, solides et fiables, avant que l’on en tire des conclusions hâtives : la méthode scientifique est là aussi pour sauver des vies, tout en suivant le principe médical primum non nocere (« d’abord, ne pas faire de mal »), à savoir qu’il s’agit de soigner… sans non plus mettre en danger les patients.
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