Les données partagées par l’étude pré-publiée par l’Institut Pasteur ce 20 avril 2020 viennent confirmer des pistes de réflexion que l’on avait déjà : la grande majorité de la population française n’a pas été infectée par Covid-19, et ne le sera pas d’ici le 11 mai, date à laquelle le gouvernement a annoncé le début d’un déconfinement partiel.
L’étude a été réalisée entre le 13 mars et le 24 avril, et se base sur les chiffres quotidiens d’hospitalisations dans les établissements privés et publics, obtenus par Santé Publique France via le portail web SI-VIC. Il s’agit d’une pré-publication qui n’a pas encore été révisée par ses pairs.
Le taux d’infection varie beaucoup selon les régions de France
On y apprend que selon les projections des modèles en cours, seuls environ 5,7 % de la population française (avec toujours, un marge d’erreur large, entre 3.5 et 10.3) auront été contaminés par le coronavirus d’ici le 11 mai, soit seulement 3,7 millions de personnes.
Ces données varient énormément selon les régions. Deux territoires sont les plus touchés : la région Grand Est (11.8 % de personnes contaminées probables au 11 mai) (marge d’erreur 7,4 – 20,5), qui a subi une première vague importante de malades après un grand rassemblement religieux fin février, puis l’Île de France (12.3%) (marge entre 7.9% et 21.3%), où le nombre de Français et la densité de population sont plus élevés qu’ailleurs.
D’autres régions sont à l’inverse relativement épargnées, comme la Bretagne et son 1,8 % (marge 1,1 – 1,3) ou la Nouvelle-Aquitaine (1,4 %, marge 0,9-2,8 %).
La marge d’erreur à prendre en compte est importante : de nombreuses personnes asymptomatiques n’ont pas été testées ni détectées comme positives au coronavirus, et il est donc possible que le nombre total de personnes contaminées soit plus grand que ces pourcentages projetés moyens. En revanche, il est clair que même si l’on envisageait les projections les plus hautes possibles, la France serait encore très loin du seuil des « 70 % » de personnes contaminées et qui auraient développé des anticorps contre le coronavirus, et qui permettrait de parler d’« immunité collective » qui ralentirait seule la propagation du virus, comme l’a souligné l’un des auteurs de de l’étude, Simon Cauchemez, à l’AFP.
L’immunité collective, aussi dite « grégaire » ou « de groupe », est un phénomène qui consiste à endiguer la propagation d’une maladie contagieuse lorsqu’une assez grande partie de la population l’a contractée, et a donc créé des anticorps pour se défendre, et ne peut plus l’attraper.
Impossible de se reposer sur l’immunité collective
Sachant que l’on considère qu’en temps « normal », c’est-à-dire, sans déconfinement, une personne malade contamine 3,3 personnes (R0=3.3), on estime donc en effet à 70 % le pourcentage de contamination minimum pour que « l’épidémie puisse être contrôlée uniquement grâce à l’immunité collective ». L’étude assène alors à nouveau : « Sans vaccin, l’immunité collective sera insuffisante pour éviter une seconde vague à la fin du confinement.» Les Françaises et Français sont tenus de respecter un strict confinement depuis le 17 mars 2020 : ces mesures ont permis de faire baisser le nombre moyen de personnes qu’un malade contamine potentiellement (le fameux RO), de 3,3 à 0,52. Ce ratio ayant baissé, il est de facto logique que le nombre de nouvelles personnes infecté ait aussi diminué.
Ces informations viennent confirmer les mises en garde soulevées par de nombreux chercheurs et professionnels de santé, et asseoir ce que le Premier ministre Edouard Philippe a commencé à annoncer lors de son point presse de dimanche 19 avril : il faudra d’autres mesures, précautions, et du temps avant de pouvoir envisager un retour à « la vie d’avant » (par exemple, des masques éventuellement obligatoires dans les transports, un retour à l’école progressif, des tests viraux généralisés, une isolation strictes des personnes contaminées, etc).
Ces résultats de l’Institut Pasteur sont également à mettre en perspective avec un autre fait, qui rend toutes ces projections encore plus complexes : l’incertitude sur l’immunisation des patients qui auraient déjà contracté la maladie Covid-19 une fois. En effet, on ne sait pas à quel point le virus est immunisant, comme l’a rappelé la professeure Florence Adler au cours du point presse du Premier ministre du 19 avril : des très rares cas ont été observés, de personnes ayant été malades, guéries, puis ayant re-contracté le virus. S’il est impossible d’en tirer des conclusions franches, ce flou permettrait difficilement d’instaurer une politique publique dénuée de risque.
Estimating the burden of SARS-CoV-2 in France, pré-publication, réalisée par Henrik Salje, Cécile Kiem, Noémie Lefrancq, Noémie Courtejoie, Paolo Bosetti, Juliette Paireau, Alessio Andronico, Nathanaël Hoze, Jehanne Richet, Claire-Lise Dubost, Yann Le Strat, Justin Lessler, Daniel Bruhl, Arnaud Fontanet, Lulla Opatowski, Pierre-Yves Boëlle, Simon Cauchemez.
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